TRIBUNE - Pour une économie au service de la société
L’économie sociale et solidaire, qui représente près de 15 % de l’emploi privé en France, est menacée par des coupes budgétaires massives, souligne Elsa Da Costa, directrice générale d’Ashoka France, qui fête son 20e anniversaire ce 1er juillet. Il est temps de repenser le financement de l’intérêt général en France, pour le consolider, fait-elle valoir dans cette tribune.

Depuis le 10 juin, le gouvernement a lancé une consultation citoyenne ouverte jusqu’au 11 juillet pour nourrir la future stratégie nationale de l’économie sociale et solidaire (ESS). Cette démarche intervient dans un moment de fragilité pour un secteur qui, chaque jour, agit au plus près des Français pour faire vivre la solidarité, l’inclusion ou encore la transition écologique.
À l’heure où des coupes budgétaires la fragilisent, un appel à la mobilisation s’impose, pour que l’innovation sociale reste au cœur des politiques publiques, et non reléguée au second plan.
L’économie sociale et solidaire en péril
L’économie sociale et solidaire représente près de 15 % de l’emploi privé en France[1], et environ 10 % du PIB[2]. Pourtant elle est aujourd’hui menacée par des coupes budgétaires massives annoncées dans le projet de loi de finances (PLF) 2025, qui mettent en péril 186 000 emplois associatifs[3], en réduisant drastiquement de 25 % les crédits alloués aux associations, et qui pourraient engendrer des pertes de 8,3 milliards d’euros selon l’Union des employeurs de l’ESS (Udes).
L'économie sociale et solidaire elle est aujourd’hui menacée par des coupes budgétaires massives annoncées dans le projet de loi de finances (PLF) 2025, qui mettent en péril 186 000 emplois associatifs.
Les tiers-lieux se voient amputés de 80 % de leurs financements. Les radios associatives perdent 10 millions d’euros sur les 35 millions d'euros qui leur étaient alloués en 2024 et le budget de la solidarité internationale est réduit de 44 % pour tomber à 500 millions d'euros, atteignant directement les ONG du secteur.
Ces choix négligent un point essentiel : chaque euro investi dans l’ESS génère des retombées mesurables et positives, et en parallèle, réduit les coûts induits par les différentes crises. Ce sont les « gains produits » par l’ESS.
Et si l’on arrêtait de considérer l’ESS comme une économie d’à-côté ?
En défendant l’intérêt général, l’ESS constitue une réponse solide aux objectifs de développement durable (ODD) posés par l’Organisations des Nations unies (ONU), s’inscrit dans des recommandations fournies par l’OCDE et représente, selon le Bureau international du travail (BIT), la seule voie possible pour atteindre les ODD.
Cela tient à sa structure même : gouvernance démocratique, ancrage local, finalité d’utilité sociale et réinvestissement des excédents dans d’autres missions d’intérêt général. Par leur modèle, les structures de l’ESS luttent contre la pauvreté, favorisent l'accès à la santé et à l'éducation, promeuvent l'égalité, créent des emplois durables, soutiennent des services de proximité, accélèrent la transition écologique, préservent les ressources naturelles et encouragent la participation citoyenne.
L’ESS a aussi et surtout la particularité de faire résonner les attentes des jeunes générations engagées pour la planète et pour lesquelles l’épanouissement professionnel passe de plus en plus par une exigence de justice sociale ou environnementale.
À ce jour, les financements manquants de l’ESS ont été estimés à 6,7 milliards d’euros pour la période 2021-2027[4]. Quel intérêt y a-t-il à ignorer un modèle économique qui a fait ses preuves ? Unis Cité, Cresus, Each One, Solinum ou encore Siel Bleu sont des preuves de la réussite du modèle, pour leur engagement en faveur d’un monde juste et durable tout aussi bien qu’en façonneurs de politiques publiques.
C’est pour cela qu’en 2025, il est indispensable de repenser le financement, autrement que par le prisme de la philanthropie ou de la subvention.
Unis Cité, Cresus, Each One, Solinum ou encore Siel Bleu sont des preuves de la réussite du modèle, pour leur engagement en faveur d’un monde juste et durable tout aussi bien qu’en façonneurs de politiques publiques.
Il serait temps de réfléchir au financement de l’intérêt général français
Il faut évoluer vers un modèle de financement stratégique et pérenne qui place l’intérêt général au cœur de son action. L’économie sociale et solidaire n’a pas attendu d’aide pour exister. Mais aujourd’hui pour « passer à l’échelle », elle a besoin de solutions financières concrètes engageant les acteurs privés et publics et d’une reconnaissance institutionnelle. Enfin, elle a besoin d’un changement de regard sur ce que sont la croissance et l’intérêt général.
Plus qu’une source d’inspiration face aux injustices sociales et écologiques, aux tentations autoritaires, réactionnaires et illibérales, aux impasses de la mondialisation, du souverainisme et du nationalisme, l’économie sociale et solidaire est le cœur battant de nos démocraties plongées dans les enjeux du XXIe siècle.
Par Elsa Da Costa, directrice générale d’Ashoka France