Aide Sociale à l’Enfance : remobiliser les jeunes les plus vulnérables avec TEAME

Aide Sociale à l’Enfance : et après ?

L’Aide Sociale à l’Enfance accompagne les enfants et adolescents placés, jusqu’à leur majorité. Or, au moment de sortir du giron de l’ASE, entre 18 et 21 ans, certains n’ont ni formation, ni activité, ni projet professionnel. 

En Gironde, l’Association Départementale d’Entraide des Personnes Accueillies en Protection de l’Enfance (ADEPAPE 33) a constaté que deux tiers des jeunes n’ont pas de diplôme. 48 % des jeunes de 16 ans ont rompu les liens avec l’école. Le Contrat Jeune Majeur, conçu pour faciliter la transition vers l’âge adulte, n’a pas été révisé depuis sa création en 1975, avec pour conséquence d’être moins adapté aux réalités de l’insertion sociale aujourd’hui.

« Quand il y a un vide, l’autoroute de l’exclusion est là », souligne Yamina Djanti, directrice de l’ADEPAPE 33. Fragilisés, dénués de perspectives et de soutien familial, ces jeunes en « sortie sèche » sont livrés à eux-mêmes quasiment du jour au lendemain. L’insertion sociale dès 18 ans – avoir un logement, un revenu, un projet – est pour eux une nécessité.

Il est donc primordial de leur donner les moyens et les outils pour travailler un objectif professionnel. L’ADEPAPE 33 décide de mettre en place le programme d’accompagnement TEAME, ou Travail Entrepreneurial Accompagné pour la Mise en Emploi, expérimenté avec succès en Ile-de-France par le Groupe SOS.

TEAME, ou comment acquérir des compétences en imaginant un projet d’entreprise

Le programme TEAME est un kit pédagogique complet et intensif, à destination des 16-25 ans. Il prévoit 10 semaines d’accompagnement par session de 10 participants, à raison de 6 heures par jour, 4 jours par semaine. L’objectif : concevoir de bout en bout une entreprise éphémère.

La méthodologie employée est fondée sur l’intelligence collective, pour remettre l’humain et l’envie de travailler ensemble au centre du processus. TEAME s’articule en 6 étapes : un premier travail sur la cohésion du groupe, suivi d’une phase d’exploration, du choix d’un projet d’entreprise éphémère (idéation), de son organisation, puis enfin, de sa réalisation et de son partage, avec un retour d’expériences et un bilan. 

Le cycle est complété de 6 à 8 rendez-vous avec des professionnels, aux métiers très différents. Marchand de biens, directrice d’école, avocat, métiers de la sécurité, toute rencontre est une occasion d’explorer la palette des possibles.

Chaque jeune rencontre en entretien métier au moins un professionnel dans le domaine ou le métier qui l’intéresse. Il est accompagné par le chargé d’accompagnement social et professionnel.

Deux sessions ont d’ores et déjà été organisées en 2022, réunissant 17 participants. Le 24 janvier 2023, une troisième session a démarré au grand complet, bénéficiant d’un bouche-à-oreille très positif parmi les éducateurs et les jeunes. 

Comment expliquer un tel écho ? « Les jeunes déscolarisés nous disent qu’ils trouvent le programme très intéressant, notamment grâce aux rencontres extérieures. Dans l’équipe qu’ils construisent, ils constatent qu’ils apprennent et s’apportent mutuellement, avec des supports différents. Ensuite, l’aménagement du local dédié joue beaucoup, car les jeunes occupent l’espace comme ils le souhaitent, à l’opposé d’un cadre scolaire avec un bureau et une chaise. Cela les aide à ne plus être dans des additions d’individualités mais dans une équipe avec sa cohésion, où ils prennent des décisions ensemble et peuvent agir », explique Yamina Djanti.

Sur les 17 participants des deux premières sessions, 15 ont terminé leur cycle et retrouvé un projet d’avenir, que ce soit une inscription en formation, un stage, une demande de service civique, voire un CDI.

Bien plus qu’un programme

Le programme reste fidèle à la philosophie de l’ADEPAPE, celle de la pair-aidance. Un concept résumé par un mantra : « Mes galères sont tes ressources ». L’ADEPAPE est comme une deuxième famille. Celle qui répond présent pour rendre service, fêter les anniversaires, célébrer un permis de conduire… et trouver les outils pour remettre ceux qui en ont besoin sur le chemin de l’insertion sociale et professionnelle.

Tous ceux qui entourent bénévolement les jeunes pendant leur session TEAME sont eux-mêmes issus de l’Aide Sociale à l’Enfance et ambassadeurs de l’ADEPAPE. Y compris jusque dans les rangs des professionnels sollicités pour faire découvrir leur métier. 

Cette notion d’entraide est très importante. Elle permet de dépasser l’étiquette sociale et les stéréotypes liés au fait d’avoir été placé. On renforce le sentiment de se sentir légitime. »

Yamina Djanti

Au-delà de son efficacité pédagogique, TEAME démontre aussi aux acteurs de l’aide à l’enfance que le secteur recèle de nombreux métiers, et autant de façons d’aider les jeunes.

La Fondation Bouygues Telecom au soutien de l’ADEPAPE 33

La Fondation Bouygues Telecom a mis en place pour la première fois en 2022 des jurys locaux composés de collaborateurs volontaires, afin de mener un appel à projets régional dans chacun des huit sites de l’entreprise. Au total, 23 projets parrainés par un client ou un collaborateur ont retenu l’attention des jurés, chacun recevant une dotation comprise entre 5 000 et 15 000 euros.

C’est une grande fierté pour nos collaborateurs jurés de soutenir de tels projets, dont l’impact n’est plus à démontrer. J’ai pu moi-même assister à la présentation d’un des projets menés par ces jeunes et ils avaient tous des étoiles dans les yeux. »

Sarah Alezrah, déléguée générale de la Fondation.  

En Gironde, l’ADEPAPE 33 figure parmi les lauréats choisis par le jury du site de Bordeaux. Parrainée par un client Bouygues Telecom, l’association a bénéficié d’une dotation de 15 000 euros pour son projet TEAME. Mais pas seulement : la Fondation Bouygues Telecom a procédé à un don d’ordinateurs. Chaque jeune inscrit à une session TEAME a pu travailler tout au long du parcours sur son propre outil informatique. Mieux : il l’a conservé en fin de session pour poursuivre ses projets sur la voie de l’inclusion numérique. 

« Il y a une mobilisation des entreprises mécènes comme la Fondation Bouygues Telecom sur le sujet de l’Aide Sociale à l’Enfance, qui rend plus visible cette réalité du passage difficile à la majorité, témoigne Yamina Djanti. Nos jeunes voient aussi qu’on peut travailler dans une entreprise, tout en ayant ces logiques de responsabilité sociale. »

Pour la directrice de l’ADEPAPE, l’ambition première de TEAME reste de réussir à démontrer à ces jeunes malmenés par la vie qu’ils sont capables d’y arriver et que quelque part, dans la société, il y a une place faite pour eux.