« Chacun peut activer son pouvoir de rendre le monde meilleur »
Face à la fragmentation de la société française et aux difficultés du système d’éducation, il est essentiel de créer un mouvement d’engagement citoyen en faveur d’une société plus juste, inclusive et durable. Telle est l’ambition de l’ONG d’information Le Projet Imagine, fondée en 2010 par la journaliste Frédérique Bedos, une association qui place les programmes éducatifs au cœur des actions de l’ONG. Soutenu par la Fondation groupe EDF pour deux années et déployé dans les établissements scolaires, de la maternelle au lycée, le Programme Écoles Imagine (PEI), donne à chacun les moyens d’œuvrer pour un monde meilleur. Regards croisés de deux femmes engagées et passionnées : Muriel Ott, déléguée générale de l’ONG, et Élisabeth Luciani, responsable de ses programmes éducatifs.
- Pouvez-vous nous présenter Le Projet Imagine ? Quelle est son ambition et quels sont ses grands champs d’action ?
Muriel Ott : Notre ambition s’appuie sur la légende amérindienne du colibri (voir encadré). Chacun peut activer son pouvoir de rendre le monde meilleur et ce credo s’applique bien sûr aux jeunes, qui sont les citoyens de demain ! C’est tout l’enjeu de nos programmes éducatifs, dont le Programme Écoles Imagine (PEI). Pour amener chaque élève à « faire sa part », nous créons le déclic. Concrètement, nous jouons un rôle de catalyseur de la créativité et des énergies de nos jeunes bénéficiaires. En ciblant l’élève dans sa classe, nous lui transmettons la volonté de s’engager pour mener à bien un projet choisi collectivement. Le PEI est une expérience transformationnelle, qui amène à découvrir le pouvoir des émotions et à en faire avec la réflexion un moteur pour agir.
Élisabeth Luciani : Chaque jeune est naturellement touché par la souffrance des personnes confrontées au handicap ou à la précarité. Il est aussi sensible à la nécessité de préserver la planète et de protéger la biodiversité. Le PEI transforme cette émotion en énergie positive. Placés au centre du programme, les élèves réalisent qu’ils sont en mesure de changer la donne. En menant un projet concret, par exemple pour maintenir le lien avec leurs aînés, lutter contre la mucoviscidose ou encore ramasser les déchets, ils apportent ensemble des solutions concrètes pour remédier aux crises de ce monde.
Au sein du Projet Imagine, notre rôle est de leur fournir, par l’intermédiaire de l’enseignant, des outils méthodologiques, notamment de gestion de projet, pour accroître leurs chances d’obtenir des résultats.
- Quels sont les objectifs du PEI ? Comment s’organise-t-il concrètement ?
M.O. : Lancé en 2017, ce parcours expérientiel se déroule sur le temps scolaire. Nous avons voulu l’ancrer dans l’univers de la classe, qui est le périmètre quotidien, immédiat et familier des élèves. Le PEI n’en provoque pas moins des changements de regards, profonds et pérennes, des élèves entre eux, de l’élève avec l’enseignant et réciproquement et enfin de l’élève sur lui-même.
Ce parcours d’éducation à la citoyenneté apporte un renforcement des compétences psychosociales, une sensibilisation aux objectifs du développement durable et une expérimentation du pouvoir d’agir par la création d’un projet solidaire.
« Le PEI est une expérience transformationnelle, qui amène à découvrir le pouvoir des émotions et à en faire, accompagné de la réflexion, un moteur pour agir. »
E.L. : Ce programme éducatif est composé de neuf ateliers d’une durée d’une heure auxquels s’ajoute une durée libre dédiée à la réalisation d’un projet de développement durable choisi et mené collectivement par les élèves : ces derniers s’appuient, tout au long du parcours, sur l’accompagnement bienveillant de leur enseignant. Le PEI s’articule autour de trois phases :
- une phase inspiration (cinq séances) : chaque élève prend conscience de lui-même et des autres, la force du collectif émerge ;
- une phase d’action (quatre séances) : la classe expérimente son pouvoir d’agir et construit son projet collectif de développement durable ;
- et la phase projet dont la durée est fixée par l’enseignant (en général quelques heures) : la classe conduit son projet, dans l’établissement ou sur le territoire.
- Quels sont les apports de ce programme éducatif pour les élèves, d’une part, les enseignants, d’autre part ?
E.L. : Les élèves sont les bénéficiaires premiers et naturels du PEI. C’est à eux que nous avons pensé en premier lieu en concevant sa structure et son contenu.
En s’impliquant au service de leur projet, les élèves changent de regard sur eux-mêmes et sur les autres : ils gagnent en autonomie et en confiance. Ils progressent tant en termes de savoir-faire que de savoir-être, ce dont ils sont souvent les premiers surpris. Ils osent davantage prendre la parole et sont plus à l’aise pour argumenter, dans le cadre d’un débat constructif, tout en étant ouverts aux autres et à la coopération. En créant ensemble un projet de développement durable, ils apprennent à reconnaître chaque membre du collectif avec ses qualités, en s’affranchissant des préjugés. En cela, ils mettent en pratique le vivre-ensemble. Sensibilisés aux enjeux du développement durable, ces jeunes prennent conscience de leur capacité et de leur responsabilité à agir. À la fin du parcours, lorsqu’ils reçoivent le diplôme d’engagement citoyen, nous observons avec émotion leur fierté d’avoir contribué à l’aboutissement d’un projet utile pour le bien commun.
M.O. : Nous considérions au départ les enseignants comme des partenaires pour déployer le PEI auprès de leurs élèves. Ils en sont effectivement la pierre angulaire. C’est pourquoi, nous les accompagnons lors de moments-clés tels que le lancement ou la dernière séance de la phase Inspiration. Nous leur fournissons les kits Inspiration et Action et notre équipe assure, en coulisses, un suivi régulier et personnalisé tout au long du programme, en s’adaptant aux besoins de chacun. Nous pouvons même co-animer une séance ou participer au suivi des projets. Au fil des années, les retours d’expérience nous ont montré que les enseignants ne sont pas seulement partenaires mais sont aussi bénéficiaires directs du PEI. Les principaux apports sont l’opportunité de changer de regard sur leurs élèves et de découvrir le potentiel de certains jeunes moins performants sur le plan scolaire. Ils citent aussi spontanément la cohésion de classe. Enfin, ils acquièrent de nouvelles compétences, dont la gestion de projets et la maîtrise des outils participatifs.
Outre les bénéficiaires directs, les élèves et les enseignants donc, le PEI rayonne sur des bénéficiaires indirects : les jeunes et les professeurs des autres classes comme les familles des participants au programme.
« Nous portons l’ambition qu'ils réalisent leur capacité à changer la donne. Ils font partie de la solution pour remédier aux crises de ce monde, qui est aussi le leur. »
- L’ONG Le Projet Imagine peut désormais s’appuyer sur la Fondation groupe EDF, mécène du PEI pour deux années. Que vous apporte ce soutien ?
M.O. : Nous sommes honorés que notre PEI soit soutenu par la Fondation groupe EDF sur deux ans, de septembre 2024 à septembre 2026. Ce soutien va nous permettre de mener à bien deux chantiers. Nous allons d’abord conforter le déploiement du PEI dans les régions Bretagne, Île-de-France, Hauts-de-France et Grand-Est, et essaimer en région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous privilégions une logique d’ancrage, en veillant à tisser des liens solides dans une région donnée, avec l’ensemble des acteurs éducatifs, tels que les inspecteurs et les chefs d’établissement, avant de nous diversifier vers une autre région. Cela ne nous empêche nullement de répondre présents lorsque nous sommes sollicités par un enseignant dans une région dans laquelle nous ne sommes pas encore implantés.
Le mécénat de la Fondation groupe EDF nous permet aussi de lancer un nouvel outil : le Carnet de bord Imagine, vers les élèves d’écoles primaires dans un premier temps. Il leur permet de revenir à la maison sur les avancées réalisées lors de chaque séance pour mieux se les approprier. Il ancre ainsi les apprentissages du PEI dans la durée. Nous envisageons d’adapter cet outil pour le déployer vers les élèves des classes de collèges et de lycées que nous accompagnons.
E.L. : Le carnet de bord concrétise et prolonge chaque atelier, en invitant l’élève à compléter le contenu vu en classe par des jeux et/ou de la matière à réflexion. Nous concevons ce carnet comme une passerelle, entre la sphère collective et la sphère individuelle. Il sert également de passerelle avec la famille des jeunes bénéficiaires, en invitant chaque élève de primaire à échanger sur son carnet à sa famille. Cela peut être l’occasion d’initier chez ses proches des comportements plus vertueux pour l’environnement et/ ou plus tournés vers les autres.
- Muriel, un mot de conclusion sur les perspectives de Projet Imagine et du partenariat tissé avec la Fondation groupe EDF ?
M.O. : Outre le PEI, qui est notre programme socle, nous concevons et déployons deux autres programmes :
- le Programme Éco-Délégués (PED) : il est destiné aux éco-délégués élus par leurs camarades des classes de collèges et de lycées. Lancé en 2021 à la demande du ministère de l’Éducation, ce programme centré sur l’environnement est mené dans un périmètre régional. Il peut être animé par des enseignants ou des conseillers principaux d’éducation. Il vise à donner aux éco-délégués les clés pour contribuer à faire des établissements scolaires des espaces plus favorables à la biodiversité et davantage engagés dans l’atténuation et l’adaptation au changement climatique.
- le Programme Art Imagine (PAI) : il est destiné principalement aux jeunes de 8 à 25 ans en décrochage scolaire ou confiés à la protection de l’enfance, mais aussi aux enseignants d’art plastiques. Nous l’avons lancé en 2024 et il est en cours d’expérimentation. Il propose six séances autonomes pour ouvrir les jeunes bénéficiaires aux champs artistiques, souvent en présence d’un artiste local.
Concernant nos liens avec la Fondation groupe EDF, grâce au soutien de deux ans dans lequel nous nous inscrivons, nous avons une belle visibilité pour avancer. Nous travaillons d’ailleurs avec nos interlocuteurs pour impliquer les équipes du Groupe EDF dans le développement de notre ONG, notamment en nous aidant à mieux nous faire connaître par une communication plus régulière. Notre histoire avec la Fondation groupe EDF ne fait que commencer !
« Le carnet de bord, que nous lançons avec la Fondation groupe EDF pour les élèves de primaire impliqués dans le PEI, joue un rôle de passerelle, entre le collectif et l’individuel. »
- - 10 000 élèves accompagnés depuis 2017 et près de 4 200 prévus en 2024-25 et en 2025-26
- - 13 régions académiques depuis 2017