Parenthèse Utile : une année pour ne pas décrocher
À mi-chemin entre le lycée et l’université, Parenthèse Utile propose une année de césure active à des jeunes qui se questionnent sur leur orientation. À Lyon, cette école de la transition aide les jeunes à mieux se connaître, à découvrir le monde professionnel et à trouver leur voie, pour prévenir le décrochage post-bac.
À l’origine, il y a le regard d’un professeur sur une génération déboussolée. « J’étais enseignant de lycée, puis responsable du dispositif de lutte contre le décrochage à l’université. J’ai vu des lycéens paniqués à l’idée de choisir trop tôt, et d’autres se perdre dans un système qui ne leur laissait aucune marge », raconte Romain Demeyrier, fondateur et président de l’association Parenthèse Utile, créée en 2020.
Le constat est implacable : 57 % des étudiants échouent en première année d’enseignement supérieur, et la moitié d’entre eux quittent l’université sans diplôme. En cause : un manque de préparation, des difficultés économiques, des freins périphériques (logement, santé, charge familiale) et une orientation souvent subie.
Face à ce « trou dans la raquette », Romain Demeyrier s’est inspiré des modèles scandinaves et anglophones, où l’on valorise l’expérience au moins autant que le diplôme, où l’on travaille la connaissance de soi dès le primaire et où l’école est ouverte sur le monde réel. « À 18 ans, demander à quelqu’un de faire un choix définitif, c’est absurde. Dans ces pays, 50 % des bacheliers prennent une année de césure active. »

Une école pour apprendre à se connaître
Parenthèse Utile propose deux parcours de transition : une année de césure active (rentrée en septembre) et un semestre de réorientation (rentrée en janvier) pour des jeunes de 16 à 25 ans : néo-bacheliers incertains de leur orientation ou sans réponse de Parcoursup, jeunes « NEET »* sans emploi ni formation ou étudiants, ou déjà en décrochage… Tous désireux de rebondir.
* Acronyme anglo-saxon pour “Not in Education, Employment or Training”, ce qui vise les jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi ni en formation
Ici, pas de sélection sur le niveau mais sur la motivation. « Plus le jeune est perdu, plus il a de chances d’intégrer le programme » sourit Romain Demeyrier. Chaque promotion compte une quarantaine d’apprenants à plein temps, 28 heures par semaine.
Le financement de la formation repose sur le quotient familial, afin de la rendre accessible au plus grand nombre. 80 % des apprenants viennent de milieux modestes, souvent de zones rurales ou de quartiers prioritaires. « On travaille l’orientation par l’expérimentation. Il ne s’agit pas de demander :“Quelle formation veux-tu faire ?”, mais : “Qui es-tu ? Qu’est-ce qui te fait vibrer ?” »
Le cursus s’articule autour de cinq grands volets : orientation et connaissance de soi, confiance en soi, renforcement disciplinaire, développement de compétences et ouverture au monde. Ces dimensions se croisent tout au long du parcours, à travers des ateliers collectifs, des projets concrets et des immersions en entreprise dans l’hôtellerie-restauration, le sport, l’industrie, la communication… Autant d’occasions de se confronter à la réalité professionnelle et d’affiner son projet.
« Une école sans être une école »
L’approche pédagogique est résolument active. Ateliers de prise de parole, projets d’entrepreneuriat, modules de droit ou d’économie : tout est conçu pour redonner confiance à des jeunes souvent fâchés avec l’école. « Les jeunes disent souvent que c’est une école sans être une école. On apprend en bougeant, en testant, en rencontrant. »
Les sorties de parcours sont aussi variées que les profils : CAP cuisine ou esthétique, BTS, BUT, licence pro, service civique… « Des jeunes qui avaient décroché de la fac repartent vers des formations courtes et professionnalisantes. Souvent, ils n’ont pas envie de reprendre des études théoriques de 4-5 ans quand ils ont goûté au concret. »
Un modèle de transition qui fait ses preuves
Depuis sa création, l’école a accompagné plus de 130 jeunes, avec un taux de sorties positives de 89 %. Un chiffre remarquable pour une initiative encore récente, largement soutenue par des partenaires privés comme la Fondation groupe EDF, des fondations familiales ou autres entreprises mécènes) qui couvrent 80 % du budget de fonctionnement. « Sans eux, dans le contexte actuel de baisse de subventions publiques, on ne pourrait pas mener nos actions. Le secteur associatif éducatif – l'économie l’économie sociale et solidaire (ESS) en général — tiendrait difficilement sans ce tissu de fondations », constate Romain Demeyrier.
Pour lui, la France gagnerait à institutionnaliser une année de césure ou de transition active pour aider les jeunes à connaître le monde du travail et à expérimenter avant de s’orienter. Une parenthèse plus que jamais utile pour que le doute devienne un tremplin, et non une sortie de route.