À Coulommiers, on danse à l’hôpital avec la Compagnie TAM
La compagnie TAM a créé cette année un objet artistique intitulé Les uns et les autres avec les patients et soignants de l’hôpital de jour et de la MAS de Coulommiers. Pendant un an, la compagnie, soutenue par la Fondation Transdev, a mené des ateliers hebdomadaires de danse jusqu’aux restitutions publiques en dehors des établissements. Une expérience collective inédite et épanouissante pour les patients.
« On a tous une poésie en nous. On a du mal à l’exprimer, à la chercher. Mais cette poésie est là et elle permet de créer du lien. »
Directrice artistique de la compagnie TAM, Claire Gérald, 56 ans, utilise la danse comme outil de compréhension du monde. Depuis plus de 30 ans, à côté des grandes salles et des spectacles professionnels, cette chorégraphe nourrit sa pratique d’échanges et de rencontres avec des publics non avertis. La Compagnie TAM mène ainsi des projets artistiques auprès de publics jeunes et adultes, dans les établissements scolaires, les centres sociaux ou encore les hôpitaux. D’octobre 2020 à juillet 2021, le projet Les uns et les autres a mené chaque semaine la Compagnie TAM à l’hôpital de jour et à la Maison d’Accueil Spécialisée (MAS) de Coulommiers en Seine-et-Marne pour retrouver deux groupes de patients. Claire Gérald, accompagnée de l’artiste Claire Duteurtre, ont accompagné chaque semaine une trentaine de participants, âgés de 18 à 72 ans, souffrant de maladies psychiques et/ou de handicap physique, pour des ateliers de danse et d’arts plastiques.
Claire Gérald a l’habitude d’entamer ses ateliers par un temps de relaxation, « pour comprendre ce qui se joue pour chaque personne du groupe à chaque début de séance ». Échauffer le corps, respirer, se mettre en mouvement, écouter, regarder. « J’ai pu travailler l’envol avec une personne en fauteuil roulant ; avec une autre, même s’il n’y a que le poignet qui bouge, ce poignet peut exprimer quelque chose. Je travaille les attitudes, les intentions, au-delà de la performance. » Peu à peu, les éléments chorégraphiques se dessinent, l’écriture commence. « Au départ on est dans l’improvisation, puis on garde, on mémorise, on écrit. »
Mois après mois, la création prend forme et les participants confiance. « Ils comprennent qu’ils peuvent s’exprimer avec le corps pour dire ce qu’ils ressentent. » Les deux artistes se répartissent les séances. Claire Duteurtre, quant à elle, confectionne les costumes avec les patients. L’été arrivant, c’est le moment de restituer en public le travail collectif. D’abord au château de Fontainebleau dans le cadre du festival de l’Histoire de l’Art, puis au festival Emmenez moi à Nemours. Et enfin à la commanderie de Coulommiers. « Face au public, ils prennent conscience qu’ils sont capables de faire quelque chose de beau. Les spectateurs viennent les voir et leur disent : c’est magnifique ce que vous avez fait. Jusqu’ici, ils pouvaient se sentir amoindris, là ils se sentent valorisés. » Lors d’une restitution, un groupe de salariés de Transdev est d’ailleurs venu rencontrer les patients et assister au spectacle.
Outre la création réalisée avec les patients, Claire Gérald s’inspire de ses rencontres avec les publics pour créer les œuvres professionnelles portées par les danseurs de la compagnie. La dernière en date, Hors Cadre, interroge la possibilité de vivre le plaisir et la rencontre avec l’autre sans être dans la norme. Un travail qui continue à se nourrir de ses rencontres avec les patients de Coulommiers. « J’adore travailler avec ce public. Ils nous nourrissent autant qu’on leur donne. Ils n’ont pas de filtre. On les dit fous mais pas tant. Ils nous offrent une autre vision du monde. »
À l’issue des ateliers, côté patients ou artistes, on a du mal à se dire au revoir. « Ils disent qu’au niveau du lien, c’est énorme ce qu’il s’est passé, ils ont l’impression d’être en famille, avec les artistes, les soignants, le groupe de participants de la MAS, de l’hôpital. Ils se sentent une compagnie. » Claire Gérald n’a d’ailleurs pas l’intention de faire ses valises. Elle souhaite même aller plus loin avec le groupe en lui proposant de participer complètement à une création professionnelle. « On serait en résidence nuit et jour dans la structure pour créer ensemble. Ça semble bien parti. Les résidents sont sortis de l’isolement pour créer ensemble quelque chose de poétique. C’est important de ne pas rompre ce lien et de poursuivre cette dynamique. »