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Par Carenews PRO - Publié le 18 février 2016 - 17:03 - Mise à jour le 17 mars 2016 - 10:03
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[Entretien] Richard Matis, vice-président de Gynécologie sans frontières

Richard Matis, gynécologue obstétricien, est vice-président de Gynécologie sans frontières. L'ONG destinée à améliorer la condition des femmes intervient surtout à l'international. Son implication récente en France dans les camps de migrants attendant leur départ pour l'Angleterre montre une facette honteuse de notre pays. C'est le triste constat du docteur Richard Matis.

[Entretien] Richard Matis, vice-président de Gynécologie sans frontières
[Entretien] Richard Matis, vice-président de Gynécologie sans frontières

Pouvez-vous préciser la mission de Gynécologie sans frontières?

Cette petite ONG organise depuis plus de vingt ans des missions ayant pour objectif de promouvoir la femme dans le monde en agissant sur les composantes médicale, psychologique et sociale. Les problèmes abordés concernent ainsi la périnatalité, les souffrances médicales, les violences conjugales ou sexuelles, les discriminations de toutes sortes ou encore le statut de la femme au sein de la société. GSF intervient généralement dans des pays et des secteurs où les infrastructures sont insuffisantes, voire inaccessibles, en particulier dans les camps de réfugiés. Nous sommes ainsi allés au Kosovo, au Vietnam, en Afrique, en Haïti, en Jordanie. Mais depuis l'automne 2015 nous sommes engagés en France dans les camps de réfugiés du Nord Pas-de-Calais.

En dehors de deux salariés qui coordonnent notre activité au siège à Nantes notre association travaille exclusivement avec des gynécologues et sage-femmes tous bénévoles. Ils sont soit à la retraite soit en activité et nous ne manquons jamais de volontaires. Nous leur proposons une formation de cinq jours en gynécologie obstétrique humanitaire (FGOH) qui leur apporte des connaissances sur l'action humanitaire (acteurs, éthique humanitaire, modalités d'intervention), des compétences en humanitaire dans le domaine de la santé des femmes, des compétences pour réaliser une mission exploratoire, de soins ou d'urgence obstétricale. On essaie avant tout d'imprimer une éthique et de chasser les idées reçues, la formation étant de type «compagnonnage».

Notre spécificité par rapport aux grandes ONG étant de nous consacrer aux femmes et de proposer des missions courtes qui soient compatibles avec une activité professionnelle.

 

Quelle est la situation dans les camps de réfugiés français ?

Notre mission consiste à accompagner sans se substituer aux structures sanitaires existantes. C'est particulièrement vrai dans le cas des camps de réfugiés en France où nous facilitons l'accès aux soins dans les hôpitaux situés à proximité. Nous avons un dispensaire de proximité mobile permettant les consultations en gynécologie obstétrique qui se déplace avec un gynécologue et une sage-femme sur cinq camps. Avec des équipes renouvelées tous les quinze jours. Mais les conditions dans lesquelles vivent ces personnes déplacées sont indignes d'un pays comme le nôtre. Les bidonvilles qui se sont développés sont aux antipodes de ce que nous avons connu par exemple dans le camp de Zaatari en Jordanie. Il y avait un nombre incomparable de réfugiés – plus de 100 000 contre moins de 10 000 – mais les infrastructures étaient aux normes du haut commissariat aux réfugiés (HCR). Dans la jungle de Calais rien de comparable. Une crise humanitaire dont les femmes sont les premières victimes s'amplifie de jour en jour. On constate de multiples violences (viols, prostitution, grossesses non suivies) avec pour toute intervention étatique celle de la police. Ici s'écrit une page de l'histoire de France dont nous aurons honte dans les années à venir.

GSF fonctionne sur ses fonds propres et grâce à des dons privés qui nous permettront, nous l'espérons, d'intervenir jusqu'à fin septembre de cette année. Mais nous n'avons jamais obtenu de soutien financier d'aucune institution nationale, régionale ou départementale en dehors de celle du maire de Grande Synthe qui nous a loué un appartement. Et quand il s'agit d'obtenir une convention pour mettre en place une consultation dans un centre d'hébergement, on perçoit des réticences qui font que depuis 2 mois et demi nous attendons pour la signer alors qu'il y a une quarantaine de femmes enceintes attendant un suivi ou des soins. Cette mission en métropole est plus difficile que partout ailleurs dans le monde. Les politiques freinent considérablement l'action humanitaire tout en ne souhaitant pas s'engager sur le terrain politique avec l’Angleterre.

 

Photo : GSF 

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