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Par Carenews INFO - Publié le 6 mars 2020 - 09:30 - Mise à jour le 6 mars 2020 - 09:30
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5 femmes mécènes et engagées qui ont marqué l’Histoire

Elles ont contribué à la diffusion de l’art ou se sont engagées dans des luttes à caractère social, à une époque entièrement dominée par les hommes. À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes le 8 mars, Carenews vous propose une parenthèse historique avec le portrait de cinq femmes mécènes françaises, américaines et britanniques, qui ont eu une influence remarquable au XIXe siècle.

La philanthrope britannique Lady Charlotte Elizabeth Guest. Crédit : Cyfarthfa Castle Museum & Art Gallery.
La philanthrope britannique Lady Charlotte Elizabeth Guest. Crédit : Cyfarthfa Castle Museum & Art Gallery.

Charlotte Elizabeth Guest (1812-1895)

Patronne engagée dans l’éducation des classes ouvrières

De Lady Charlotte Elizabeth Guest, on a surtout retenu son influence considérable dans l’étude de la littérature et de la langue galloises. Née dans une famille d’aristocrates, fille d’un membre du Parlement, elle montre très tôt une réelle aptitude et une forte appétence pour les langues. Elle apprendra notamment par elle-même l’arabe, le perse et l’hébreu. Le gallois viendra par la suite, après son mariage avec l’industriel John Josiah Guest en 1833 et l’installation du couple en Galles du Sud.

Propriétaire de la fonderie Dowlais Iron Company, John Josiah Guest, de 28 ans son aîné, est aussi philanthrope. Charlotte Guest s’associe avec énergie à ses actions caritatives. Elle s’y implique d’autant plus qu’elle est directement confrontée au chartisme, qui gagne les ouvriers de la fonderie. Ce mouvement politique, créé par les classes laborieuses britanniques en réaction à la réforme électorale de 1832 imposant un système électoral censitaire, réclame en substance la mise en place du suffrage universel. 

C’est de la construction d’écoles et de la mise en place d’un vrai système d’éducation pour les enfants des ouvriers de la région qu’elle fait ses vrais chevaux de bataille. Elle n’épargne ni son temps ni son argent. Elle visite fréquemment les établissements et met en place un système d’éducation permettant aux enfants de rester à l’école jusqu’à 14 ans. Elle invite des professeurs de Londres et des scientifiques renommés pour qu’ils y enseignent. Elle prête également attention aux adultes, et plus particulièrement aux jeunes filles illettrées de la campagne venues travailler à la fonderie, en faisant construire une école dispensant des cours du soir.

Crédit photo : Camille Silvy.

À la mort de John Josiah Guest, en 1852, Charlotte Guest reprend la gestion de la fonderie. Elle se heurte constamment à l’oligarchie masculine et industrielle, peu habituée à négocier avec une femme puissante et indépendante. Sous sa direction, la Dowlais deviendra pourtant l’une des plus grandes manufactures au monde, dont elle tiendra les rênes jusqu’en 1855.

Toute sa vie, Charlotte Guest a œuvré à défendre la littérature et la langue galloises. Elle livre ainsi la première traduction du Mabinogion, un recueil de quatre récits médiévaux écrits en moyen gallois et relatant notamment les aventures du roi Arthur.

Marie-Louise Jaÿ (1838-1925)

Femme d’affaires à la fibre sociale 

Le nom des Cognacq-Jaÿ est indissociable de celui de La Samaritaine. Pourtant, ce grand magasin dédié au luxe qui s'élevait entre la rue de Rivoli et la Seine n’aurait probablement jamais vu le jour sans l’intelligence et le sens des affaires visionnaire de la moitié féminine du couple : Marie-Louise Jaÿ.

Issue d’une famille très modeste de Samoëns, en Haute-Savoie, Marie-Louise Jaÿ n’a que 15 ans quand elle arrive à Paris et décroche un emploi de vendeuse à la Belle-Héloïse, une boutique de lingerie. C’est là qu’elle fait la connaissance de son futur époux, Ernest Cognacq, avec lequel elle va monter l’un des plus grands magasins de Paris. D’une petite échoppe sur le Pont Neuf acquise en 1869, le couple étend ses affaires à deux (1883), puis trois boutiques (1903), avant d’ériger boulevard des Capucines un nouveau concept, « La Samaritaine de luxe ». Décoration Art nouveau, ventes sur catalogue ou à crédit, périodes de promotion… les Cognacq-Jaÿ multiplient les nouvelles pratiques commerciales pour attirer le chaland. 

Femme d’affaires hors pair, Marie-Louise Jaÿ est aussi philanthrope. Avec son époux, elle instaure un modèle d’entreprise à forte dimension sociale. Parmi les mesures prises en faveur des salariés : redistribution des bénéfices à hauteur de 65 %, instauration d’une cantine gratuite, attribution de 15 jours de congés, versement d’indemnités en cas de maladie...

Crédit photo : Musée Cognacq-Jaÿ

En 1916, une fois sa fortune faite, le couple crée sa fondation pour financer, dans un premier temps, la construction d’une pouponnière pour les enfants de leurs salariés, une maison de retraite et une maternité. Et, cent ans plus tard, la fondation Cognacq-Jaÿ continue d’œuvrer en faveur de l’intérêt général et de la solidarité sociale. Marie-Louise Jaÿ fait aussi construire à Samoëns un logement pour un médecin qui, en contrepartie, s’engage à soigner gratuitement les indigents, et crée la Jaÿsinia, un jardin botanique alpin qu’elle offre à la ville en 1906. 

À son action philanthropique, elle associe une activité de mécénat. De 1900 à 1925, son mari et elle accumulent une importante collection d’œuvres d’art du XVIIIe siècle. D’abord exposée au sein de « La Samaritaine de luxe », elle fera l’objet en 1928 d’une donation à la ville de Paris et donnera naissance au musée Cognacq-Jaÿ

Marquise Arconati-Visconti (1840-1923)

Défenseuse de la recherche universitaire

Marie-Louise Jeanne Peyrat, marquise d’Arconati-Visconti, n’a pas donné son nom à une fondation ou à un musée. Pourtant, son influence dans le monde des arts et des lettres a été remarquable. Marie-Louise dénote dès son plus jeune âge par son intelligence et sa soif de connaissance, mais aussi pour ses convictions anticléricales et républicaines — elle prendra fait et cause pour Alfred Dreyfus — à une époque où les femmes sont priées de ne pas avoir d’opinions politiques. C’est d’ailleurs en fréquentant en auditrice libre les cours de l’École nationale des chartes qu’elle fait la connaissance de son futur époux, Giammartino Arconati Visconti, un riche membre de l’aristocratie italienne. 

Crédit photo : lucvanmuylem

Le couple se marie en 1873 et profite de trois ans de bonheur avant la mort de Giammartino en 1876, qui lègue toute sa fortune à sa femme. Celle-ci va alors l’employer à acquérir peintures, sculptures et objets d’art. Moyen-Âge, Renaissance, époque de la Révolution, art islamique… les goûts de la marquise sont éclectiques. La plupart des pièces qu’elle réunit iront ensuite enrichir les collections des musées parisiens. Le musée des Arts Décoratifs enregistrera 240 dons de sa part, tandis que le Louvre ouvrira une des salles de son département Objets d’art à son nom en 1919.

La marquise Arconati-Visconti est aussi une amoureuse des lettres. Elle effectue également des dons à plusieurs bibliothèques et établissements de l’enseignement supérieur. Elle contribue d’ailleurs au développement de la recherche universitaire, octroyant des donations à des institutions telles que l’École nationale des chartes, le Collège de France ou encore l’École pratique des hautes études, et participant au financement de bourses d’études. À sa mort, en 1923, elle fait de l’université de Paris sa légataire universelle, lui conférant ainsi la propriété de l’intégralité de ses biens et de sa fortune.

Nélie Jacquemart-André (1841-1912)

Portraitiste devenue mécène incontournable

Cornélie Barbe Hyacinthe Jacquemart, de son vrai nom, a d’abord été peintre. Issue d’un milieu modeste, elle bénéficie de l’attention de la Baronne Madame de Vatry, pour qui travaille sa famille et qui l’initie très tôt à la peinture. Grâce à son patronage, elle rejoint « l’atelier des femmes » du peintre Jean Cogniet, qui donne alors des cours à l’École des Beaux-Arts, encore interdite aux femmes. Nélie Jacquemart démontre très tôt un vrai talent de portraitiste, si bien que l’élite parisienne se bouscule devant son petit logement pour se faire tirer le portrait. 

C’est dans ces circonstances qu’elle rencontre Édouard François André, riche banquier et propriétaire de La Gazette des Arts, qu’elle épouse en 1881. Tous deux passionnés d’art, ils voyagent dans toute l’Europe pour se constituer une incroyable collection composée aussi bien de meubles anciens que de sculptures et de peintures, avec une préférence affichée pour l’art italien. 

Après la mort de son époux, Nélie Jacquemart-André hérite d’une fortune considérable, qu’elle va mettre à profit pour enrichir sa collection en explorant d’autres zones géographiques. En 1902, elle entreprend ainsi un voyage en Asie, qu’elle interrompt lorsqu’elle apprend que le domaine de Chaalis, l’ancienne résidence de Madame de Vatry, est en vente. Elle l’acquiert à son retour en France, avec une intention en tête : en faire un lieu d’accueil pour ses centaines de pièces artistiques. 

Crédit photo : Musée Jacquemart-André.

Nélie Jacquemart-André meurt à Paris en 1912, à 70 ans et sans enfant. Dans son testament, elle fait don de l’intégralité de sa collection à l’Institut de France, y compris le château de Chaalis et son hôtel particulier parisien. Conformément à sa volonté, l’institution utilisera les deux domaines pour y créer deux musées Jacquemart-André, qui ouvriront au public l’année suivante.

Louisine Havemeyer (1855-1929)

Militante américaine pour le droit de vote des femmes 

Féministe, collectionneuse, mécène, promotrice de l’impressionnisme aux États-Unis… Louisine Havemeyer a marqué son époque à plus d’un titre. Née Louisine Waldron Elder, elle est issue d’une famille de propriétaires d’une raffinerie de sucre, à New York. À la mort de son père en 1874, elle voyage à Paris, où elle fait la rencontre de Mary Cassatt, une peintre américaine. Celle-ci l’initie à l’art, et plus particulièrement à l’impressionnisme. Sur ses conseils, Louisine Havemeyer commence par acquérir des toiles de Degas, puis de Claude Monet ou encore de Camille Pissaro.

En 1883, Louisine Waldron Elder épouse Henry Osborne Havemeyer, lui aussi magnat du sucre. Le couple s’installe à New York et poursuit l’enrichissement de leur collection. Édouard Manet, Gustave Courbet, Jean-Baptiste Camille Corot… les peintres français constituent la majorité des œuvres réunies par le couple Havemeyer, qui devient de fait le héraut de l’impressionnisme aux États-Unis. Une grande partie de cette collection – 142 pièces en tout – feront par la suite l’objet d’un leg au Metropilitan Museum of Art (MET) de New York en 1929. Ce don est d’une telle importance qu’il participe en grande partie à faire du MET le deuxième musée au monde à posséder le plus de peintures impressionnistes, derrière le musée d’Orsay.

Crédit photo : Library of Congress.

En plus d’affiner les goûts de Louisine Havemeyer en matière de peinture, Mary Cassatt va avoir un impact considérable sur le développement de sa pensée féministe. Au début du XXe siècle, elle s’engage ainsi résolument dans la lutte pour le droit de vote des femmes. Elle participe non seulement à la création du National Women’s Party avec Alice Paul en 1916, mais elle met également sa formidable collection d’art à profit pour organiser des expositions, dont les bénéfices sont reversés à l’organisation politique. 

Son activisme lui vaut en 1919 d’être emprisonnée cinq jours pour avoir brûlé l’effigie du président Woodrow Wilson devant la Maison Blanche. Alors, la même année, elle fait partie des 26 suffragettes condamnées à des peines de prison qui organisent le « Prison Special », soit l’itinéraire d’un train qui sillonne les États-Unis afin de sensibiliser les foules au vote des femmes. Vêtues de leur tenue de prisonnières lors des meetings, elles dénoncent notamment les mesures de répression prises à leur encontre et militent pour une plus grande inclusion des femmes dans le système démocratique américain. Après sa mort en 1929, ses héritiers feront don de l’ensemble de sa collection d’art – soit près de 2 000 pièces, asiatiques, égyptiennes ou encore grecques – au Metropolitan Museum of Art.

Audrey Parvais 

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