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Par Carenews PRO - Publié le 28 novembre 2019 - 17:36 - Mise à jour le 1 octobre 2021 - 09:50 - Ecrit par : Hélène Fargues
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Jean-Marc Pautras : « Je veux combattre les idées reçues sur les fondations »

Directeur des clientèles ESS du Crédit coopératif de 2004 à 2019, Jean-Marc Pautras a été nommé Délégué général du Centre Français des Fonds et Fondations (CFF) en mai dernier. L’occasion de prendre la température du secteur, alors que la bataille autour de la réforme du mécénat continue.

Crédit photo : Nathanael Mergui.
Crédit photo : Nathanael Mergui.

Jean-Marc Pautras Vous êtes à la tête du CFF depuis six mois. Quel regard portez-vous sur le secteur ?

Au Crédit Coopératif, j’ai suivi et initié le partenariat financier avec le CFF : je connaissais déjà tout l’intérêt et l’utilité du secteur. Les statuts des fondations et des fonds de dotation sont les seuls dédiés exclusivement à l’intérêt général. Pesant 11 milliards d’euros, ces 5000 acteurs sont très innovants. J’y ai toujours cru et j’ai pu constater en prenant mes fonctions qu’il se développe sur tous les tableaux : l’emploi, les ressources, les placements, le nombre de structures. 

 

Quelles sont vos priorités ?

Nous sommes en train de revoir l’organisation et les missions principales du CFF. Le secteur est immense : avec huit statuts, il s’étend sur une vingtaine de domaines d’activités. On ne peut donc pas tout traiter. Pour les fondations et les fonds de dotation existants, nous allons travailler à améliorer les pratiques, la professionnalisation, les échanges entre pairs… Nous allons essayer de susciter des vocations grâce à un cadre réglementaire favorable et combattre les idées reçues. Nous allons entrer dans une logique de programmation, avec des objectifs et des moyens. Jusqu’ici, les événements du CFF étaient réservés à un public de fondations : pour la première fois, le 30 septembre, nous avons organisé un événement ouvert à tous au théâtre du Châtelet, qui a attiré 800 personnes. Cela montre tout l’intérêt des fondations, malgré les clichés.

Quel est le lieu commun le plus répandu sur les fondations selon vous ?

Je préfère parler de ce qu’elles font plutôt que de m’étendre sur ce qu’elles ne sont pas. C’est le seul statut par lequel on s’appauvrit. Les fondateurs donnent de manière irrévocable. Les fondations ne sont pas des « vieilles dames » : elles innovent en permanence. Elles prennent les risques financiers que l’État ne veut pas prendre. L’emploi dans les fondations a crû de 30 % entre 2011 et 2019 alors que, dans le secteur associatif, il n’a gagné que 1,6%. Le secteur attire beaucoup de jeunes qui veulent donner du sens à leur métier. Et il est de plus en plus reconnu par les pouvoirs publics malgré tout : le gouvernement a créé une mission parlementaire pour développer la philanthropie et sollicite les fondations pour financer le fonds mondial, le G7…

Quelle est votre réaction à l’adoption par les députés de l’article 50 modifiant le régime fiscal du mécénat d’entreprise et votre stratégie de plaidoyer le temps de la navette parlementaire ?

Nous avons mené un travail collectif avec d’autres acteurs comme France Générosités et nous avons réussi à nous mobiliser de manière efficace. La plupart des députés ont reçu plusieurs courriers, des e-mails etc. Le messages est passé. Ce qui est regrettable, c’est que cela se fasse de manière défensive. Tout le temps que l’on passe à essayer d'éviter que le gouvernement prenne des mesures défavorables au secteur, on aurait pu l’employer à construire. Pour être fort, le secteur a besoin d’être financé. Or, l’ensemble des ressources publiques se tarit. Les ventes de prestations ne sont pas envisageables pour tous les acteurs.

Le gouvernement argue que le mécénat se porte trop bien, qu’il se développe trop, et que le manque à gagner de l’État devient trop important. Mais que va-t-il dire aux bénéficiaires qui n’auront plus accès à certains programmes ? Le gouvernement n’a pas effectué de mesure d’impact sur les conséquences de l’article 50. Pourtant, il entraînera sûrement une baisse de  100 millions d’euros pour les acteurs de terrain. Les femmes victimes de violences conjugales et les chercheurs ne font pas partie de l’amendement Coluche par exemple (non impacté par la mesure, NDLR). En France, il n’y a que 70 000 entreprises mécènes sur 4,5 millions. Est-ce le moment de freiner le mécénat ?

De plus, même si l’État permet aux entreprises de déduire 60 % du montant de leurs dons de leurs impôts, cela veut dire qu’elles donnent les 40 % restants, sans compter le temps consacré par leurs équipes. Quand le gouvernement affirme qu’il n’y a que 80 entreprises concernées par la mesure, il oublie de dire que ces entreprises dépensent 560 millions d’euros dans l’année. Ce n’est pas le nombre d’entreprises qui compte, c’est le budget. Le fait d’augmenter le plancher de défiscalisation pour les PME de 10 000 à 20 000 euros est une bonne chose, mais cela va représenter quelques millions d’euros alors qu’on en aura fait perdre des dizaines de millions en échange. Soit l’État n’a pas confiance en l’intérêt général et ses acteurs et compte subventionner les associations à leur place, soit il devra expliquer aux bénéficiaires pourquoi il n’y a plus d’argent. 

Un rapport de la Cour des comptes a récemment épinglé la fondations FACE. Pourquoi le CFF n’a pas pris la parole sur le sujet ?

C’est le rôle de la Cour des comptes et de la Justice. Il existe aussi le label IDEAS (qui atteste la qualité de la gouvernance, de la gestion financière et du suivi de l'efficacité de l’action des associations et des fondations, NDLR) et le comité de la charte (organisme français de contrôle des associations et fondations qui sont labellisées « Don en Confiance », NDLR). Le CFF n’a pas ces prérogatives, ni les moyens pour enquêter. Nous regrettons toutes les dérives mais nous savons aussi que la fondation a mis en œuvre des mesures pour redresser la situation. Un rapport de la Cour des comptes de novembre 2018 a aussi rappelé la nécessité pour l’État d’exercer son contrôle. 

Il s’agit donc d’un cas isolé ?

Oui, car de la même manière, dans le cas de la fondation LVMH, toutes ses opérations ont été suivies par le Ministère de la Culture et les autorités compétentes. Si a posteriori la Cour des comptes s’est étonnée de certaines pratiques, les pouvoirs publics étaient au courant. Ces deux exemples, FACE et LVMH, ne représentent pas grand chose au regard de la totalité du secteur. Les fondations reconnues d’utilité publique sont très anciennes et très encadrées. Ce n’est pas parce qu’il y a eu deux cas de dysfonctionnements qu’il faut jeter l'opprobre sur tout un secteur. Depuis 20 ans, je ne rencontre que des acteurs du mécénat qui sont sincèrement engagés dans leur démarche.

 

Propos recueillis par Hélène Fargues 

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