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Par Fondation Nexity - Publié le 30 octobre 2020 - 14:29 - Mise à jour le 10 novembre 2021 - 17:36
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La précarité menstruelle, facteur d’inégalités femmes-hommes

En France, 1,7 million de femmes manquent de protection hygiénique et plus d’une femme sur trois ne change pas suffisamment de protection ou à recours à l’utilisation de protections de fortune. La précarité menstruelle a de nombreuses facettes : économique indiscutablement, sanitaire indéniablement et sociale.

 

D’après une étude réalisée par le journal Le Monde en 2019, dans sa vie, une femme dépense en moyenne 3 800 euros en hygiène menstruelle, cette somme pouvant représenter jusqu’à 5 % du budget d’une femme. En effet, outre les protections hygiéniques, d’autres dépenses directement liées aux menstruations, telles que les anti-douleurs ou les rendez-vous gynécologiques, sont également à prendre en compte. S’agissant des protections hygiéniques, elles représentent à elle seule un budget allant de 5 à 7 euros par mois, selon les associations.

Le coût élevé des protections hygiéniques

Ce coût n’est pas négligeable et représente un investissement pour les femmes et jeunes filles en situation de précarité, qui doivent se passer de protections hygiéniques, alors même que ce sont des produits de première nécessité, pour pouvoir subvenir aux autres besoins vitaux.

La précarité menstruelle touche en premier lieu les personnes sans domicile fixe, qui subissent déjà un manque d’hygiène global ; mais aussi les étudiantes. En effet,  selon un rapport de 2015, publié par l’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), près de 20 % des étudiants français vivent sous le seuil de pauvreté et ne peuvent subvenir correctement à leurs besoins.

Face à cette situation, la mobilisation de collectifs féministes, tels que Georgette Sand, est forte et permet le 1er janvier 2016, l’adoption d’une baisse de la taxe sur la valeur ajoutée à 5,5 % sur les produits hygiéniques. Ils ne sont alors plus considérés comme des produits de luxe, taxés à 20 %, mais comme des produits de première nécessité. Selon l’ancienne députée Catherine Coutelle, cet abaissement de la TVA aurait dû engendrer une diminution du prix de la boite de tampons de 60 centimes.

Mais, cette baisse de la TVA s’est-elle réellement répercutée sur les prix de vente des produits hygiéniques ?

Pour Sophie Janinet, membre du collectif Georgette Sand :

L’abaissement de la TVA n’a pas été répercuté sur les produits de grandes marques. Le seul impact de la reclassification des protections hygiéniques en produits de première nécessité alors qu’elles étaient avant considérées comme produits de luxe a été symbolique. La mobilisation autour du sujet a permis de lever un tabou et de créer une prise de conscience collective.

Des protections hygiéniques gratuites ?

Et en effet, depuis 2015-2016, la prise de conscience collective est visible et des associations comme Règles Elémentaires ou Dons Solidaires portent de véritables campagnes de communication et de collectes de produits d’hygiène auprès du grand public et au profit des plus précaires.

Ces mouvements ont permis de renforcer également l’action politique sur le sujet. Ainsi le 28 mai 2019, à l’occasion de la journée mondiale pour l’hygiène menstruelle des femmes, Marlène Schiappa, à l’époque secrétaire d’état chargée de l’égalité femmes-hommes, a réuni plusieurs ministres, parlementaires, associations et industriels afin de mettre en place une politique pour lutter contre la précarité menstruelle. Une “mission sur l’expérimentation de la gratuité des protections hygiéniques” a ainsi été confiée à Patricia Schillinger, sénatrice, qui a étudié les objectifs et modalités de la mise en place d’un tel dispositif dans plusieurs lieux collectifs. Elle a ainsi rendu un rapport le 16 octobre 2019 qui préconise la mise à disposition de protections féminines dans les centres communaux d’action sociale, dans les universités, lycées, collèges et dans les prisons.

Au même moment, dans certaines universités, telles que La Sorbonne ou l’Université Rennes 2, les étudiantes et étudiants prennent les choses en main en mettant en place des dispositifs de distribution gratuite de protections hygiéniques via des budgets participatifs. Cela interroge cependant sur le financement de cette gratuité : la médecine universitaire (ou scolaire) ne devrait-elle pas prendre en charge financièrement ce sujet d’hygiène, de lutte contre la précarité et d’égalité femmes/hommes ?

Un an plus tard, le 28 mai 2020, Marlène Schiappa, Brune Poirson, secrétaire d’État à la Transition écologique, Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre de la Santé et Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie ont annoncé dans une tribune du Huffington Post  que « dès le mois de septembre, la mise à disposition de protections hygiéniques gratuites sera expérimentée auprès d’élèves du second degré et d’étudiantes, de femmes détenues, de femmes précaires et sans abri ».

Elles seront mises à disposition dans les épiceries sociales, accueils de jour, les foyers et les centres d’hébergement, les établissements d’incarcération, les établissements du second degré et les universités. En Ile-de-France, l’expérimentation a déjà commencé. En effet, la région a financé, pour un coût de 100 000 euros, l’installation d’une douzaine de distributeurs de protections hygiéniques dans les lycées afin que les jeunes filles puissent en disposer gratuitement. Au mois d’octobre, une trentaine d’établissements scolaires seront équipés de ces distributeurs, leur déploiement se poursuivra au cours de l’année scolaire.

L'exemple de l'Écosse

Se dirige-t-on vers le modèle écossais ? En effet, depuis 2018, le gouvernement écossais a rendu gratuites les protections hygiéniques au sein des établissements scolaires. Premier pays à mettre en œuvre cette disposition, l’Écosse en assure le financement, grâce au déblocage d’un fonds de 6,4 millions d’euros. En février 2020, les membres du parlement écossais ont renforcé le dispositif et voté en première lecture la gratuité des protections périodiques pour toutes. L’ensemble des partis représentés au parlement ainsi que le gouvernement ont soutenu la proposition de loi. Le coût annuel de la mesure est chiffré à environ 28 000 euros. Ce vote est un véritable pas en faveur de la lutte contre la précarité menstruelle.

D’autres pays ou villes semblent suivre l’exemple de l’Écosse. En effet, à Séoul, en Corée du Sud, les protections hygiéniques sont gratuites pour les adolescentes, sans distinction de revenu contrairement au reste du pays. Dans quelques États américains tels que l’Illinois et la Californie, les établissements scolaires publics ont l’obligation de distribuer des protections hygiéniques gratuites. Le cas de la Colombie Britannique peut également être cité puisque depuis 2019, à la demande du ministre de l’Éducation, les établissements scolaires primaires et secondaires ont mis des protections hygiéniques gratuites à la disposition des élèves. La province débloquera ainsi 300 000 dollars par an afin de mener à bien ce projet. Le gouvernement néo-zélandais a également annoncé en juin un plan afin que toutes les écoles soient dotées de protections féminines, en commençant par 15 écoles à partir du mois de juillet, avant d’être étendu à tout le pays l’année prochaine. 

L’impact de la précarité menstruelle

Selon une étude menée par Always, marque de produits d’hygiène, environ 130 000 jeunes françaises manquent l’école régulièrement, car elles sont dans l’impossibilité financière de se procurer des protections hygiéniques. D’après une étude réalisée par Ifop (Institut Français d’Opinion Public) pour Dons Solidaires, 15 % des femmes bénéficiaires d’association, ne peuvent pas se rendre à un entretien d’embauche en raison de la précarité menstruelle et 17 % d’entre elles renoncent à sortir.   

Par ces chiffres, on constate que la précarité menstruelle est un facteur d’exclusion sociale et professionnelle pour les femmes en situation de précarité, dont l’estime de soi est déjà atteinte par le manque d’hygiène général.

Pour Tara Heuzé-Sarmini, fondatrice de l’association Règles Elémentaires :

Ne pas avoir assez de protections, et a fortiori, ne pas pouvoir en changer assez souvent, peut conduire à toutes sortes de démangeaisons et infections, et même à des chocs toxiques et septicémies, dans les cas les plus grave. Les conséquences psychologiques sont elles aussi énormes : honte, gêne, perte de confiance en soi etc… De manière très concrète, le manque de protections hygiéniques peut être un réel obstacle à la réinsertion. La mobilisation des associations et collectifs

La mobilisation des associations

En France, plusieurs associations luttent contre la précarité menstruelle. En première ligne, Règles Elémentaires, créée en 2015, qui est la première association française de lutte contre la précarité menstruelle, met en place des collectes de produits d’hygiène féminins, qui sont redistribués ensuite aux associations, telles que le Samu Social ou les Restos du Cœur, qui s’occupent des personnes les plus démunies.

L’association Dons Solidaires, crée en 2004, lutte également contre la précarité et le gaspillage. Elle a notamment organisé en 2019 une opération de collectes et distributions de produits d’hygiènes avec la marque Always. Cette opération a permis de collecter près de 4 millions de serviettes hygiéniques qui ont ensuite été redistribuées aux associations partenaires de Dons Solidaires. Ces collectes ont bénéficié à 103 500 jeunes femmes.

En septembre, Dons Solidaires a proposé à certains lycées localisés en Ile-de-France, de mettre à la disposition des jeunes filles des protections hygiéniques : en ce sens, 244 lycées, situés dans des villes où le seuil de pauvreté est plus élevé que la moyenne nationale, ont été contactés par l’association. Cependant, les associations peinent à collecter ces produits auprès des donateurs et donatrices. Marine Vuille, responsable des maraudes au Restos du Cœur, sur le secteur de Clichy confirme qu’il s’agit « d’un scandale sanitaire, mais ça coûte cher et ce n’est pas culturel de donner des protections hygiéniques ».

Du 5 au 16 octobre, en collaboration avec Dons Solidaires, une collecte de produits d’hygiène est organisée au sein des locaux de Nexity. Les produits collectés auprès des collaborateurs seront ensuite redistribués à des associations luttant contre la précarité et réparties sur le territoire. Parce que les produits d’hygiène ne sont pas un luxe mais une nécessité !

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