Comment les associations aident-elles les étudiants face à la crise du Covid-19 ?
La question des conséquences de la crise sur les étudiants est au centre des préoccupations. De nombreuses associations mettent en place des initiatives pour venir en aide aux étudiants. Explications.
Bientôt un an que les étudiants sont en « télécours », les cours en visioconférences. Leur situation, et parfois leur détresse, n’ont été mises en lumière qu’assez tardivement. On garde notamment en tête les vidéos de Rémy Buisine, journaliste vidéaste de Brut, qui montraient une file d’attente à n’en plus finir à l’occasion d’une distribution alimentaire pour les étudiants, organisée par Linkee.
33 % des étudiants ont rencontré des difficultés financières
Plusieurs enquêtes publiées par l’Observatoire de la vie Étudiante en septembre 2020 ont permis de mettre des chiffres sur les conditions de vie des étudiants pendant la crise sanitaire concernant la continuité pédagogique, la situation financière, le logement et la santé.
Selon ces études, 33 % des étudiants interrogés ont rencontré des difficultés financières durant le confinement et 16,8 % d’entre eux ont déclaré que c’est bien plus qu’en temps normal. 46,7 % des étudiants étrangers font le même constat. Face à ces difficultés financières, les étudiants semblent sacrifier en premier lieu les achats de première nécessité et notamment les dépenses alimentaires puisque 10,7 % déclarent avoir eu des restrictions alimentaires et un étudiant étranger sur trois estime ne pas avoir mangé à sa faim durant le confinement.
Ce constat, l’AGORAé, une épicerie sociale mise en place par la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes), l’a observé, comme l’explique sa vice-présidente Élise Nuret : « en six mois, on a doublé le nombre de bénéficiaires. C’est impressionnant de voir cette demande et cette détresse. » L’épicerie, qui propose des produits alimentaires à prix réduits de 90 %, compte aujourd’hui 300 bénéficiaires, soit le double comparé à septembre 2019.
Ces difficultés peuvent notamment s’expliquer par des pertes d’emplois, comme l’atteste Élise Nuret : « il y a les étudiants qui ont perdu leur travail, ceux qui n’ont pas pu travailler cet été ou encore ceux qui faisaient du babysitting. » C’est le cas de Farid, algérien de 28 ans, arrivé en France pour faire ses études il y a un an : « j’ai perdu mon travail lors du premier confinement. Je travaillais dans un hôtel. On était dix employés et ils n’ont pu en garder que deux ou trois. »
Des initiatives pour et par des étudiants
Les conséquences de la crise semblent d’ailleurs toucher davantage les étudiants étrangers et que les étudiants français. Les raisons sont multiples, mais parmi elles, un accès à la bourse du CROUS plus conditionné. Un étudiant étranger doit en effet attester de vivre depuis plus de deux ans pour en bénéficier.
C’est d’ailleurs pourquoi l’AGORAé a établi des critères d’éligibilité ne prenant pas en compte la nationalité des étudiants : « on va seulement calculer leur reste à vivre par jour. S’il est inférieur ou égal à 7,60 euros, on leur ouvre les droits », explique Élise Nuret.
À l’initiative du restaurant Les Nautes, l’antenne d’aide alimentaire de la FAGE a également mis en place, après le deuxième confinement, des distributions de plats chauds dans le 4e arrondissement de Paris, : « on n’est pas à la rue, on a eu plein d’aides, je me suis dit qu’on allait partager le gâteau. C’est bien d’aider les étudiants », témoigne le gérant du restaurant. Ce sont ainsi 50 repas chauds, à la charge du restaurant, qui sont quotidiennement distribués gratuitement à des étudiants.
Bénévole, Éléonore est témoin des difficultés financières mais aussi psychologiques que rencontrent les étudiants : « il y en a qui nous expliquent qu’ils vivent, depuis un an, dans un huit mètres carrés, qu’ils ne vont pas en cours et qu’ils sont en échec scolaire parce qu’ils sont déprimés et qu’ils n’ont plus envie de travailler. »
« Ce qu’ils expérimentent, c’est la solitude »
Deuxième enseignement inquiétant que nous apprend l’enquête de l’Observatoire de la vie Étudiante : la moitié des étudiants déclarent avoir souffert de solitude ou d’isolement pendant le confinement et 31 % ont présenté des signes de détresse psychologique. À ceux qui ripostent que c’est une situation difficile à vivre pour tout le monde, Éléonore répond :
Il ne faut pas oublier que ces personnes ont 18 ans. Elles sont au début de leur vie, en train d’apprendre, de se construire. Or, actuellement elles ne sont pas dans une situation normale où elles expérimentent les choses. Là, ce qu’elles expérimentent, c’est la solitude. Ils ne la gèrent pas aussi bien qu’un adulte et donc ils ont besoin de plus d’appuis et plus d’aide.
Et pour les diriger vers les structures de soutien adaptées et les accompagner, l’association étudiante Nightline, un service d’écoute pour les étudiants importé d’Angleterre, a opéré un recensement des différents services de soutien psychologique, comme l’explique Simon Lottier, président de la branche lilloise de Nightline : « l’objectif, c’est de donner des ressources et accompagner un peu plus les étudiants pour qu’ils puissent directement se renseigner. »
Des annonces gouvernementales saluées mais jugées insuffisantes
Le 15 janvier dernier, le gouvernement a annoncé la mise en place d’un « chèque d'accompagnement psychologique » (CAP). Entré en vigueur le 1 février, ce dispositif permet aux étudiants qui le souhaitent de consulter un spécialiste gratuitement, qu’ils soient boursiers ou non. Une mesure que Léa Santerre, présidente de l’AFGES (Association Fédérative Générale des Étudiants de Strasbourg), salue même si selon elle : « on est encore dans du réactionnel sans régler le problème à sa source. Faire une thérapie c’est long et la crise va avoir des répercussions sur le long terme. Ce dont on a peur, c’est que même si la situation universitaire se décante, il faudra, pour certains étudiants, deux ou trois ans pour se remettre de cet épisode traumatisant. »
La création d’un « chèque psy » s’est également accompagnée de la possibilité d’avoir accès à deux repas par jour à un euro dans les restaurants universitaires. Une mesure qu’attendaient déjà depuis quelques années les associations étudiantes : « c’est une annonce qu’on salue même si elle arrive un peu tard et ce n’est pas suffisant », explique Léa Santerre avant de mettre en lumière un autre problème :
Le souci, c’est qu’il faut avoir un restaurant universitaire à proximité. En Alsace, par exemple, il y a des universités qui n’ont pas de restaurants universitaires. Certains étudiants ne vont donc pas pouvoir bénéficier de ces mesures.
Aussi, la présidente de l’association rappelle que les achats alimentaires ne sont pas le premier pôle de dépense d’un étudiant. En effet, selon l’enquête de l’Observatoire de la vie Étudiante sur les conditions de vie des étudiants publiée en 2020, le loyer représente plus de la moitié des dépenses mensuelles des étudiants.
C’est d’ailleurs pourquoi l'AFGES, et d’autres fédérations étudiantes, demandent l’instauration d’un revenu de base pour les étudiants. Les politiques s’emparent également de la question puisque récemment, François Hollande a appelé à mettre en place un revenu solidaire pendant huit mois et Anne Hidalgo, une aide d’urgence de trois ans.
Lisa Domergue