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Par Carenews INFO - Publié le 4 juin 2020 - 11:00 - Mise à jour le 4 juin 2020 - 16:13
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Laurence Lepetit (France générosités) : « Les collectes de fin d’année seront plus vitales que jamais »

Après que la crise du Covid-19 et le confinement ont sursollicité certaines associations et que d’autres ont été mises à l’arrêt, les organisations font le bilan des dons faits par les Français·es pendant cette période exceptionnelle. L’état des lieux avec Laurence Lepetit, déléguée générale de France générosités, le syndicat professionnel des associations et fondations faisant appel aux générosités.

Crédit photo : DR.
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  • Face à la crise du Covid-19, quelles tendances en matière de dons vos membres vous ont-ils fait remonter ? 

Deux grandes tendances en matière de générosité ont pu être observées pendant cette période exceptionnelle. Les associations et fondations n’ont en effet pas toutes été égales face à cette crise. Les collectes de dons ont essentiellement concerné toutes les organisations en première ligne, soit celles de proximité et/ou qui s'occupent de précarité sociale, ainsi que toutes les associations et fondations impliquées dans la recherche médicale. 

Le budget supplémentaire de la Croix-Rouge dédié au Covid-19 a par exemple atteint 20 millions d’euros, une somme financée à 75 % par la générosité des particuliers et entreprises. Toutes organisations spécialisées confondues, du Secours populaire aux Restos du cœur, entre 20 et 30 % de foyers supplémentaires ont bénéficié d’aide alimentaire. Les organisations nous ont expliqué recevoir énormément de personnes qui n’étaient jamais venues solliciter leur aide auparavant, comme des artisans ou des familles monoparentales.

L’autre versant de la période, c’est que toutes les autres causes, qui se trouvent actuellement dans l’angle mort médiatique, souffrent. Le président de la Ligue nationale contre le cancer, Axel Kahn, a rapporté la semaine dernière que l'organisation avait perdu 10 millions d’euros en deux mois. C’est très inquiétant quand on sait qu’il y a 150 000 mort·e·s du cancer chaque année en France. 

Enfin, les associations et fondations nous ont fait part d’un troisième phénomène. Des organisations qui n’étaient pas financées par la générosité du public y viennent, car elles sont privées des revenus de leurs activités. Je pense par exemple aux communautés Emmaüs, qui ont lancé, pour la première fois de leur histoire, un grand appel aux dons visant à récolter 5 millions d’euros. Dans un ordre d’idée différent, tout le secteur médical, qui était assez peu financé par le public — 4 % pour les membres de France générosités—, s’est ouvert à la générosité des particuliers et collecte bien plus de fonds qu’auparavant.    

  • Une augmentation des dons en ligne collectés la première quinzaine d’avril 2020 de près de 700 % par rapport à la même période en 2019, mais tout de même 6 % des donateurs qui déclarent que la situation actuelle les incite à arrêter de soutenir les associations ou à diminuer le montant de leurs dons... Le bilan de la générosité des Français·es pendant le confinement est-il globalement positif ? 

Nous restons prudents. Oui, il y a eu une grande solidarité qui doit être célébrée, mais il faut désormais que nous puissions capitaliser dessus. Toutes les organisations en première ligne ont lancé des campagnes très fortes et ont été plutôt bien soutenues, mais majoritairement par leurs donateurs existants. On constate un effet important de fidélisation et d’augmentation de la base de donateurs existante, avec soit une augmentation du don, soit des donateurs qui ont donné à davantage de causes. Finalement, il y a eu assez peu de nouveaux donateurs, 2 % selon le baromètre de la générosité spécial Covid-19 d'Isoskèle. Les organisations ont ainsi constaté énormément d'engagements des citoyen·ne·s, de solidarité locale, de quartier, qui ne se sont pas encore transformés en dons. Le baromètre d’Isoskèle évalue que 41 % des personnes non donatrices sont indécises concernant leur soutien à des associations à l’avenir. Ce sont ces personnes qu’il faut que l’on arrive à convaincre, car les associations vont encore avoir besoin de la générosité du public. 

Pour les organisations qui se sont trouvées dans l’angle mort médiatique, les collectes de fin d’année, la période où 40 % de l’ensemble des dons sont réalisés en France, seront plus vitales que jamais. Mais les associations mobilisées en première ligne contre le Covid-19 et ses conséquences auront également besoin de la générosité des Français·es. Elles ont pu faire face à l’urgence, mais leurs projets « classiques » vont forcément souffrir d’un manque de ressources. Et puis, aujourd’hui, nous ne pouvons pas encore évaluer le nombre de personnes qui vont tomber durablement dans des situations de grande précarité. Véronique Fayet, la présidente du Secours Catholique, a comparé cette crise au fonctionnement des tsunamis : il y a d’abord la déferlante, puis toutes ses conséquences, qui vont durer plusieurs années.

En bref

- Pendant le confinement, les dons des Français·es ont augmenté (+ 700 % de dons en ligne la première quinzaine d’avril 2020 par rapport à la même période en 2019), mais les organisations comptabilisent peu de nouveaux donateurs.

- Les dons ont été consacrés à gérer l’urgence de la pandémie et du confinement. Les associations qui n’étaient pas directement impliquées dans la lutte contre le Covid-19 et ses conséquences enregistrent un manque à gagner.

- Plus de 40 % des non donateurs·trices hésitent à donner à une association après la crise.

  • Les associations et fondations étrangères ont-elles fait les mêmes constats concernant les impacts du Covid-19 sur la générosité du public ?

La « Charities Aid Foundation » (CAF America) a sondé 880 organisations dans 122 pays sur l'impact mondial du Covid-19 sur les associations. 73 % de ces organisations constatent un déclin du don, et la moitié d’entre elles s’attend à une perte de ressources de plus de 20 % dans l’année qui arrive. 6 % des organisations pensent toutefois que les dons vont augmenter, ce qui montre également un différentiel de causes. Les résultats varient selon les pays, puisque les rapports à la philanthropie diffèrent beaucoup. Aux États-Unis, par exemple, des mesures fiscales très fortes ont été prises. Une stimulus bill, notamment, offre dans le cadre de la crise un crédit d’impôt de 100 % sur les dons des particuliers. Le plafond des dons pour les entreprises a également été augmenté.

Quoi qu’il en soit, à l’international comme en France, les organisations insistent sur la nécessité d’avoir des dons non fléchés pour couvrir leur fonctionnement. Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’aider à développer un projet spécifique, puisque beaucoup d’entre eux ont été mis en sommeil pendant cette année, mais de permettre aux structures de passer le cap de la crise et ainsi continuer à déployer leurs projets dans les années à venir.

  • Comment susciter la générosité après le confinement ?

Nous avons fait des demandes politiques au gouvernement avec des propositions spécifiques dans le projet de loi de finances rectificative. Dont, tout d’abord, un soutien exceptionnel à la collecte de dons. Nous réclamons le passage de la réduction d'impôts à 75 % pour toutes les causes, car cette crise est multicauses et multiforme, et qu’un coup de pouce du gouvernement sur la générosité permettrait aux donateurs assujettis à l’impôt sur le revenu de démultiplier leur impact. Et comme nos membres nous font remonter les revendications des petits donateurs non imposables qui ne bénéficient pas de réduction d’impôts sur leurs dons, nous demandons également un crédit d’impôt sur la CSG pour pouvoir aussi démultiplier l’effort de ces donateurs-là. Enfin, nous proposons d’ouvrir le don de RTT à un collègue souhaitant s’engager bénévolement auprès d’une association. Pour résumer, nous souhaitons valoriser l’engagement des particuliers et augmenter leurs dons sur la période d’octobre à décembre dans l’objectif de préserver au maximum les collectes de fin d‘année. 

Propos recueillis par Mélissa Perraudeau 

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