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Par Groupe ADP - Publié le 23 février 2022 - 18:16 - Mise à jour le 23 février 2022 - 18:20
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Rencontre Groupe ADP X 1001 mots

Interview | Florent de Bodman (1001mots) : D’après James Heckman, prix Nobel d’économie, « une puéricultrice a plus d’impact social qu’un professeur d’université» À l’occasion de la sortie de son livre À portée de mots (Ed. Autrement), Florent de Bodman, co-fondateur et DG de l’association 1001mots, est intervenu sur le sujet de la petite enfance à la Maison de l'Environnement Nord du Groupe ADP. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions.

 © Emma David

Vous avez fait du développement langagier des tout-petits votre principal cheval de bataille depuis plusieurs années. Qu’est-ce qui vous a mené des bureaux de Bercy à l’engagement terrain du monde associatif ? 

 

Florent de Bodman. Après ma sortie de l’ENA, j’ai travaillé 5 ans au ministère des Finances. Je m’occupais de sujets tels que le chômage des jeunes et j’avais l’impression que l’État arrivait trop tard. À 20 ans, il est très difficile de redonner ses chances à un jeune qui a décroché tôt du système scolaire.

 

C’est à cette époque que j’ai découvert le programme "Abecedarian". Lancée dans les années 1970, cette étude américaine a suivi 100 enfants dont la moitié avaient été accueillis dans une crèche pilote. Elle a montré que le passage par cette crèche a suffi à doubler leurs chances de réussite professionnelle à l’âge adulte ! Le prix Nobel d’économie James Heckman a calculé que ce programme a eu un meilleur « rendement social » que les projets menés avec des enfants plus âgés : pour 1 dollar investi au départ, les bénéfices collectifs étaient de 7 dollars (sur les 30 premières années de vie de ces enfants). Ce résultat impressionnant était quasi-inconnu en France. Pour moi, cela a été un déclic.

 

Dans les années 70, « tout se jouait avant 6 ans ». Aujourd’hui, la période clé pour l’égalité des chances est avant l’entrée en maternelle. Que savons-nous de plus qu’il y a 50 ans sur l’importance du langage dans le développement des tout-petits ? 

 

Dans les années 90, de nouvelles techniques d’imagerie cérébrale se sont développées. Ceci a permis de franchir un nouveau palier dans la compréhension de ce qu’il se passe dans le cerveau des tout-petits.

 

On sait aujourd’hui que les toutes premières années de vie ont une très grande importance, notamment dans la maitrise du langage. D’ailleurs, son apprentissage commence bien avant la naissance. Dès le 3e trimestre de grossesse, le bébé entend des voix. Lorsqu’il naît, il sait différencier sa langue maternelle d’autres langues. À partir du sixième mois, l’enfant commence à comprendre le sens de certains mots, et à 1 an, il peut comprendre 80 mots différents.

 

Selon Stanislas Dehaene, psychologue spécialisé en neurosciences et professeur au Collège de France, pour qu’un enfant apprenne à parler, il faut qu’il soit activement impliqué dans l’échange (en lui posant des questions par exemple). Parler à son enfant signifie « converser » avec lui, attendre sa réponse bien qu’elle ne soit pas verbale au début.

 

 

Vous préconisez de voir les crèches non plus comme de simples lieux de garde, mais comme des temps pédagogiques privilégiés de la petite enfance. Quelles sont les pratiques qui favorisent le plus le développement langagier des 0-3 ans ? 

 

Les neurosciences ont montré que l’apprentissage du langage repose sur quatre piliers.

 

  1. L’attention de l’enfant : quand on parle à un bébé, lui montrer qu’on s’adresse à lui, en le regardant dans les yeux, en se mettant à sa hauteur, fait toute la différence.

 

  1. L’implication active de l’enfant : le bébé ne doit pas seulement écouter l’adulte, il doit être encouragé à s’exprimer. Pour cela, on peut lui poser des questions (par exemple « Tu as entendu le bruit dehors, qu’est-ce que c’est ? »), puis laisser un temps de silence de quelques secondes après la question. Le bébé ne parle pas encore, mais il pourra déjà répondre par un sourire, un geste du doigt, puis par des syllabes ou un mot isolé. C’est déjà le début d’un dialogue entre l’adulte et le bébé, où l’on prend la parole chacun à son tour.

 

  1. Faire un retour à l’enfant pour le guider vers le bon modèle. Quand il est plus grand, s’il prononce des mots de façon imparfaite (par exemple il dit « apin » au lieu de « lapin »), il faut l’encourager en lui disant « bravo, oui c’est un lapin ». On lui redonne ainsi le bon modèle du mot, sans lui demander de le répéter.

 

  1. La consolidation des apprentissages : elle repose sur la répétition régulière de ces moments d’échanges stimulants entre l’adulte et l’enfant.

 

Vous êtes intervenu à la Maison de l’Environnement et du Développement Durable de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, quels grands messages vouliez vous adresser aux professionnels présents ?  

 

Avant tout, notre immense remerciement pour leur engagement et leur travail quotidien. Leur métier est incroyable ! D’après James Heckman, prix Nobel d’économie, « une puéricultrice a plus d’impact social qu’un professeur d’université ».

 

Je souhaitais aussi insister sur la reconnaissance croissante de leur action. Nous revenons de loin, mais les travaux d’Esther Duflo, la commission « 1000 premiers jours », le nombre croissant d’acteurs publics et d’acteurs privés qui s’intéressent au sujet montrent que le regard sur la petite enfance est en train de changer, petit à petit.

 

Enfin, je souhaite réaffirmer notre volonté profonde d’impliquer le parent activement dans l’éveil de son enfant. L’action que nous menons conjointement avec le Groupe ADP et la Caf de la Seine-Saint-Denis a pour but de donner des idées et des conseils aux parents, afin de les impliquer au maximum dans l’éveil langagier de leurs enfants. Nous sommes persuadés que le parent est le premier éducateur du tout-petit, et qu’il peut lui transmettre beaucoup pour son éveil.

 

 

La Fondation du Groupe ADP est fière de soutenir l’association 1001 mots dans sa lutte contre les inégalités en matière d’éducation. Quelles sont les actions mises en place sur les territoires proches des aéroports parisiens ?

Le partenariat entre la Fondation du Groupe ADP et 1001mots a été lancé en 2020 pour l’accompagnement de familles vulnérables d’Aulnay-sous-Bois. Le soutien de la Fondation du Groupe ADP a eu un effet de levier incroyable pour notre association : c’est grâce à ce don que nous avons pu accompagner les premières familles inscrites via un emailing envoyé par la Caf du 93.

L’accompagnement à distance de 1001mots est proposé aux familles par les professionnels de trois centres sociaux d’Aulnay-sous-Bois, une équipe de PMI et par des campagnes d’emailing et SMS envoyé par la Caf 93, dès les premiers mois de l’enfant. Cet accompagnement vise à redonner confiance aux parents dans leurs pratiques parentales, tout en créant des liens entre eux pour rompre leur isolement, ainsi qu’à stimuler la parole et l’éveil langagier des enfants pour in fine renforcer leurs chances de réussite scolaire ultérieure. La Caf du 93 a souhaité s’associer à cette action ambitieuse au bénéfice des familles allocataires vulnérables du département.

Concrètement, l’accompagnement pour un semestre (renouvelable) proposé par 1001mots se compose de :

  • L’envoi postal, tous les 2 mois, de livres adaptés aux âges des enfants ;

 

  • L’envoi régulier de SMS (3 par semaine), avec notamment des photos ou vidéos destinées à illustrer concrètement les conseils envoyés aux parents et leur montrer des idées d'interactions possibles avec leurs enfants ;

 

  • Des appels d’orthophonistes qui proposent des conseils personnalisés.

 

Quels sont les retours des principaux bénéficiaires ?

Le 9 avril 2021, le premier email présentant l’accompagnement 1001mots a été envoyé aux allocataires de la Caf 93 gagnant moins de 1,5 SMIC par foyer, et ayant un enfant âgé entre 0 et 3 ans.

Les résultats de cette expérimentation ont été très positifs. Ils ont permis d’intégrer au programme 1001mots 172 familles aulnaysiennes dont l’accompagnement a débuté en mai 2021. Parmi ces 172 familles, 162 ont été inscrites grâce à l’emailing Caf 93 qui avait été envoyé à 1842 foyers, donnant ainsi le taux d’inscription très positif de 9%.

Suite à cette première année de partenariat, la Fondation du Groupe ADP a souhaité poursuivre son engagement auprès de 1001mots pour 3 ans supplémentaires ! Ceci va permettre de déployer progressivement notre action dans ce département, et de changer la donne pour les familles du 93.

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