Aller au contenu principal
Par Ipama - Publié le 16 avril 2025 - 18:00 - Mise à jour le 16 avril 2025 - 18:00
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Événements : la redirection ou la mort ?

Et si les crises sociales, environnementales, économiques et géopolitiques avaient raison des événements ? Dans un monde soumis à des contraintes de plus en plus importantes, l'organisation d'événements pourrait être remise en cause, comme cela a déjà été le cas lors de la crise COVID. Face à ce contexte, les événements peuvent toutefois se réinventer pour être à la mesure des défis contemporains.

Événements : la redirection ou la mort ? La réinvention du monde de l'événementiel
Événements : la redirection ou la mort ? La réinvention du monde de l'événementiel

Travailler dans l’événementiel requiert un engagement total. Il faut :

  • une implication complète,
  • accepter d’évoluer dans l’urgence et selon des horaires à géométrie variable,
  • s’adapter en permanence pour servir la réussite de l’événement et satisfaire l’ensemble des participants (artistes, athlètes, staffs, techniciens, prestataires, publics, organisation, diffuseurs…).

Travailler dans l’événementiel signifie aussi s’engager pour un domaine qui nous passionne ou pour une activité dont nous sommes convaincus qu’elle exerce une plus-value, qu’elle apporte des émotions, du lien, qu’elle crée de la valeur sociale.

Travailler dans l’événementiel, enfin, peut impliquer le passage d’un projet à l’autre, sans avoir le temps de souffler ou de sortir du fameux tunnel que tous les professionnels du secteur connaissent trop bien et redoutent.

 

Au bout du tunnel… le mur ? Quelques enseignements d’un traumatisme collectif

 

Prendre un mur en pleine face, c’est l’impression que beaucoup ont ressentie. Brutale, inattendue, la violence de la crise COVID a agi comme un électrochoc sur beaucoup. Du jour au lendemain, le monde et les activités ont été divisés : d’un côté, l’essentiel, de l’autre, tout le reste.

Les activités événementielles ont été mises entre parenthèses pour assurer la santé collective, avant de revenir sur le devant de la scène en configuration aménagée (huis clos puis jauges réduites, mesures sanitaires). Très vite, le besoin de refaire société s’est imposé et, lorsque la situation l’a à nouveau permis, la vie « normale » et le rythme événementiel ont repris leurs droits. Pourquoi mentionner à nouveau cette période alors qu’elle semble bel et bien derrière nous ? Tout simplement parce qu’elle nous invite à interroger en profondeur nos métiers et nos pratiques, leurs fragilités et à définir quels sont les enjeux des événements, aujourd’hui et demain.

Le Parc OL à huis clos lors de la crise du Covid-19 (Photo by JEFF PACHOUD / AFP)
Le Parc OL à huis clos lors de la crise du Covid-19 (Photo by JEFF PACHOUD / AFP)

 

Enjeu n°1 : les événements doivent démontrer qu’ils sont essentiels… ou doivent le devenir

 

Le risque de maintenir les événements était donc supérieur à leurs bénéfices éventuels ou supposés. Charge au secteur de démontrer en quoi ils sont nécessaires ou de se réinventer pour les rendre incontournables, voire même indispensables.

Les organisateurs doivent dépasser le stade des convictions, des impressions, des ressentis, des constats de terrain et des éléments rhétoriques sur leur impact présumé ou leur héritage.

Concrètement :

  • D’un point de vue social ou économique, quels sont les bénéfices de leurs événements ?
  • Quels en sont les impacts d’un point de vue environnemental ?
  • Est-ce que la balance coût-bénéfice est positive ?
  • Peut-on placer environnement, économie et social sur le même plan ? Peut-on tolérer certains impacts négatifs pour en justifier d’autres plus positifs ?

Se poser ces questions est la première étape pour les acteurs du secteur. Elles interrogent l’essence même des événements, leur raison d’être, aujourd’hui et demain, mais aussi ce qui peut être attendu d’eux.

Cependant, malgré leur fermeture brutale dans un premier temps, les lieux d’événements (physiques et digitaux) ont rapidement à nouveau fonctionné. Des concerts ont été organisés (sans public, configuration minimaliste) pour être diffusés, les plateformes ont élargi leurs accès ou les ont rendus temporairement gratuits, les tournages ont repris, et les événements sportifs ont continué à huis clos à l’étranger. La dimension culturelle et/ou divertissement, elle, est donc restée prioritaire.

Second point notable, certains lieux ont rouvert lorsqu’il a fallu trouver des espaces suffisamment grands pour accueillir des publics en masse et installer des lieux temporaires de vaccination. Gestion et sécurisation des lieux et des flux, contrôle d’accès, signalétique, communication, logistique, acheminement et gestion de stocks sont autant de compétences événementielles qui se sont révélées essentielles pour accueillir et vacciner dans les meilleures conditions des foules importantes. Cette capacité d’adaptation et la transversalité des compétences peuvent être des points centraux pour rendre les événements essentiels et participer à leur redirection.

 

Alors que les tensions sont nombreuses, tant au niveau social, qu’environnemental et économique, les événements doivent déterminer leur plus-value et leur contribution à l’intérêt général, comment les concrétiser et les valoriser."

 

Enjeu n°2 : faire collectif pour rediriger le secteur

 

Ces éléments font écho à la matérialité (ce qui est important et impactant pour mon événement et mon écosystème) et à l’impossibilité d’un découplage complet entre les gains socio-économiques et leurs conséquences environnementales. Ils interrogent la capacité des événements à servir l’intérêt général ou contribuer à une forme de progrès sociétal.

 

Rapports du GIEC, catastrophes climatiques, inflation, crises sociales et environnementales… le monde de l’événementiel doit plus que jamais mesurer l’ampleur des défis que doit relever l’humanité."

 

Mieux : il doit déterminer quelle sera sa place et sa contribution à l’édifice collectif. L’événement de demain ne peut pas se permettre d’être « hors sol », au risque de se couper de son public, de ses financeurs et des collectivités.

La « fin de l’abondance » et la sobriété, qui ont occupé un temps l’attention médiatique et populaire après le début de la guerre en Ukraine, ont poussé la société dans son ensemble à revoir ses pratiques.

  • Est-ce que demain arroser des pelouses de football ou rugby sera toléré (et tolérable) si des sécheresses intenses privent les habitants de l’accès à l’eau courante sur certaines plages horaires ?
  • Est-ce que demain déplacer des artistes et leurs équipes d’un bout à l’autre de la planète sera accepté (et acceptable) si on limite par ailleurs les mobilités ?
  • Est-ce que demain allouer des ressources (énergies, aliments, boissons) à ces événements sera acceptable si les consommations sont restreintes au quotidien ?
  •  Est-ce que demain organiser des Jeux Olympiques, a fortiori d’hiver, sera toujours envisageable ?

Les rapports du Shift Project sur la décarbonation de la Culture ou du Sport affichent des lignes directrices claires : il faut désormais faire moins, et faire mieux, dans le respect du vivant et des limites planétaires. Le prisme de la sobriété et de l’organisation plus responsable s’impose comme un nouveau filtre pour envisager l’activité événementielle autrement. En d’autres mots, la rediriger vers l’essentiel et l’intérêt général.

Les Grands Événements Sportifs Internationaux, dont les Coupes du monde de football (édition 2026 organisée par le trio Mexique/USA/Canada, édition 2030 sur trois continents, dans 25 stades et édition 2034 en Arabie Saoudite) qui verront le nombre de participants passer de 32 à 48 (voire 64) et le nombre de matchs doubler, s’inscrivent dans une logique à contre-courant. Ils risquent de se heurter à l’opposition du public, des ONG mais aussi d’être confrontés à des limites physiques et environnementales.

Demain, les événements devront pousser collectivement leur compréhension des enjeux, approfondir le dialogue avec leurs parties prenantes et imaginer leurs modèles économiques et de gouvernance autour d’une soutenabilité forte. Tous secteurs confondus, les événements devront a minima intégrer voire apporter des réponses de terrain à certains pans des politiques publiques, notamment sportives, sanitaires, sociales, culturelles, ou environnementales.

Demain, l’étape de l’engagement sera l’exigence minimale, l’ambition de l’événement contributif voire régénératif se projetant déjà.

 

Enjeu n°3 : remettre en cause les normes, cap vers la circularité et la régénération

 

S’est-on déjà demandé pourquoi consomme-t-on de la bière ou des frites à un match de football, de rugby ou à un concert ? du pop-corn ou des friandises au cinéma ? Pourquoi fait-on des olas, des pogos ou des rappels ? Pourquoi de la moquette tapisse les sols de beaucoup de salons ou congrès ? Ou pourquoi distribue-t-on des goodies ?

Ces éléments constituent des normes de la fête, du spectacle et des événements de façon générale. Ils sont aujourd’hui ancrés dans les habitudes, si bien qu’ils ne sont plus questionnés. Le secteur des événements peut déterminer les nouvelles normes qu’il souhaite inspirer, les comportements plus vertueux qu’il souhaite encourager voire prescrire, en phase avec les défis contemporains. Le déploiement des Conventions des Entreprises pour le Climat invite à réfléchir au positionnement des événements comme plateforme de création et de diffusion de nouveaux récits.

L’énorme gâchis des moquettes jetables lors des salons et congrès
L’énorme gâchis des moquettes jetables lors des salons et congrès
​​

Les événements peuvent user de leur influence à plusieurs niveaux :

  • La dynamique de l’événement, sa jauge, sa ligne éditoriale et la direction artistique peuvent refléter les engagements de l’organisation (« Le message c’est le médium »)
  • La programmation peut servir de support à des messages et des incitations, tout comme les activités proposées lors de l’événement ou en marge, son format, les conditions d’organisation : off, conférences, offre alimentaire ou merchandising orientée…
  • Mettre à profit sa visibilité pour relayer des messages vertueux, ou mettre en avant des acteurs engagés (ONG, associations locales, initiatives en lien avec l’ESS de façon générale ou des innovations pertinentes)…

Le contexte émotionnel fort autour des événements permet de mieux imprégner les publics, ce qui peut ensuite renforcer leur engagement vers des comportements plus responsables. Cet effet est renforcé si des campagnes de sensibilisation sont relayées par des figures connues (artistes, sportifs…). En cela, ils peuvent inspirer de nouvelles pratiques et renforcer le passage à l’action des publics et des parties prenantes.

Les événements d’aujourd’hui ont l’opportunité unique de basculer dans une nouvelle ère. Ils font face à une  équation dont beaucoup de variables sont inédites mais qui ne comporte que peu d’inconnues. ”

Les défis contemporains sont immenses, le potentiel des événements l’est également. Pour continuer à exister, ils doivent s’engager dans une innovation de rupture et se rediriger vers l’intérêt général.

En se remettant en question, en interrogeant leurs normes, leurs habitudes, leur manière de se mettre en scène et de se raconter, et en évaluant leur capacité à contribuer à l’intérêt général, les événements peuvent se réinventer, réinventer leur production, leur organisation et les messages qu’ils véhiculent.

La définition de nouveaux récits et nouveaux imaginaires, éloignés des normes de surconsommation, du gigantisme ambiant et de la course aux records passe aussi par des événements plus sobres, plus réduits mais non moins festifs. Les codes de la fête et des événements peuvent être redéfinis pour épouser les enjeux de soutenabilité et s’inscrire dans des logiques plus locales, raisonnées et vertueuses.

 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer