Appel aux institutions : Valorisons l’ODD 17 !
En ce 28 juin, Le RAMEAU appelle à écouter la capacité des Territoires à incarner l’ODD 17 en pratiques. Au moment où la France s’apprête à présenter à l’ONU sa Revue Nationale Volontaire de l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable, le laboratoire de recherche empirique invite au « pari de la confiance », et publie une lettre ouverte aux institutions publiques et académiques.
« Le 8 juin dernier, Le RAMEAU lançait un Appel à la mobilisation des réseaux de référence, partenaires du RAMEAU, pour être à l’écoute des 350 « catalyseurs territoriaux » qui se réunissent le 4 juillet prochain. La 9e Rencontre des pionniers des alliances en Territoire sera l’occasion de faire le point sur l’implication de la société civile aux côtés des Collectivités locales et territoriales dans les Projets de Territoires qui incarnent l’ODD 17 en pratique.
20 jours plus tard, en ce 28 juin, au lendemain de son Assemblée Générale, notre laboratoire de recherche empirique lance un nouvel Appel ; cette fois-ci à destination des institutions publiques et académiques. Si nous voulons pouvoir activer les trois impacts du faire alliance – la Performance, l’Innovation et la Confiance – nous devons prendre en compte les trois temporalités différentes du mouvement de co-construction du bien commun qui a émergé depuis deux décennies, en France et dans le monde.
Le temps court de la Performance collective
Le système de gestion de l’intérêt général est au cœur de la Performance collective. Il se traduit par une articulation politico-technique qu’il convient d’appréhender avec attention. Toute naïveté en la matière serait contreproductive. Face à l’ampleur de la transformation systémique que nous vivons, la capacité à assurer à la fois la cohérence des actions et la cohésion des acteurs est un Art difficile. Qui peut prétendre aujourd’hui dire « je sais ce qu’il faudrait faire » ? La « fin des arrogances »[1] annoncée en 2016 à l’occasion des 10 ans du RAMEAU est arrivée ! Pour répondre avec Sagesse à la multiplicité des défis actuels, il convient de comprendre et d’intégrer la tension grandissante entre le cadre collectif nécessairement national, voire international, qui garantit le « contrat social » du faire société, et l’action nécessairement locale, qui permet de (ré)inventer des solutions pertinentes intégrant les priorités, les spécificités et l’écosystème de proximité. Nous devons apprendre à les articuler.
Il serait vain et stupide d’opposer le « 1er kilomètre des besoins » avec le « dernier kilomètre des solutions » … mais il est loin d’être évident d’en inventer les articulations. C’est cette tension entre les légitimités respectives des différents échelons territoriaux que la Fondation des Territoires s’est attachée à qualifier durant ses 5 ans de préfiguration, et plus encore depuis un an qu’elle existe de plein exercice. Elle a été volontairement placée sous l’égide de la Fondation de Lille, la première fondation territoriale en France. Créer un dialogue fécond entre la diversité des profils d’acteur à l’écoute des Territoires est une contribution - modeste mais effective – pour mieux comprendre les complémentarités possibles pour Agir ensemble.
Au cœur du programme d’action 2023 de la Fondation des Territoires se trouvent quatre programmes : celui de clarifier la diversité des notions de Territoire(s) avec la Chaire InterActions d’AgroParisTech, celui d’animer une réflexion commune entre les différents profils de l’écosystème local avec le Réseau des Catalyseurs Territoriaux, celui de co-construire la méthode de valorisation des « Chefs de projet innovation territoriale » avec Le RAMEAU, et celui d’évaluer dans la durée les Contrats de Relance et de Transition Ecologique avec l’ANPP-Territoires de Projets.
Les avancées de ces différents programmes seront partagées le 4 juillet prochain à l’occasion de la 9ème Rencontre des pionniers des alliances en territoire. Elle aura lieu juste avant que la France ne présente les résultats de sa Revue Nationale Volontaire de l’Agenda 2030 lors du Forum politique de haut niveau à l’ONU. C’est l’occasion d’entendre des illustrations concrètes de l’ODD 17 en pratiques dans la diversité de nos Territoires, y compris ultra-marins.
Le nécessaire moyen terme de l’innovation sociétale
Les preuves et l’épreuve du temps sont les seuls indicateurs crédibles de l’innovation. Prenons garde à ne pas confondre ce qui relève d’initiatives pertinentes avec ce qu’est réellement une innovation transformatrice. La médecine de demain avec l’AFM-Téléthon, la mobilité durable et inclusive avec Wimoov, l’emploi d’utilité locale avec Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD), ou encore l’engagement citoyen des jeunes avec Unis-Cités ont été de réelles innovations sociétales… mais ont pris plusieurs décennies à émerger ! Les travaux de recherche empirique du RAMEAU (dé)montrent qu’il faut 4 saisons de 7 ans pour que l’innovation passe de son stade de « signal faible » à celui d’une solution appropriée par tous et pour tous.
Pour bien appréhender la nécessité de cette temporalité, il faut rappeler les conditions d’une innovation sociétale : elle doit allier la réduction d’une fragilité, la (ré)conciliation entre l’économie et l’intérêt général pour inventer le modèle socio-économique correspondant, et la capacité à (ré)inventer localement ce qui se saurait être déployé par une simple programmation d’une méthodologie universelle. Face à la complexité grandissante des situations, à l’accroissement des fragilités et à la raréfaction des ressources, il est plus que jamais urgent d’investir dans une démarche de R&D Sociétale à la hauteur de nos défis communs.
La démarche stratégique pour piloter et accompagner l’innovation sociétale est connue et modélisée. Elle doit intégrer l’anticipation des besoins et des contraintes de l’étape suivante au risque d’être confrontée à un « plafond de verre » infranchissable. C’est le cas d’une multitude d’initiatives innovantes qui foisonnent mais ne parviennent pas à trouver leur juste équilibre socio-économique, au cœur de « l’équilibre de la maison ». Cette réalité aujourd’hui largement documentée a des conséquences très concrètes sur l’investissement, l’évaluation et le cadre juridique adapté à ces nouvelles formes d’émergence de solutions durables.
L’écosystème anticipe souvent mal que les candidats aux changements d’échelle de leur invention (… qui ne devient innovation que si elle est appropriée par l’écosystème !) n’ont pas conscience que la modélisation et le déploiement exigeront d’autres compétences et d’autres moyens que ceux mobilisés pour l’émergence et l’expérimentation. Cela nécessite pourtant un dialogue entre les innovateurs et les institutions qui relève souvent plus du choc de culture que du dialogue fécond entre le zodiac et le porte-avion…
Pourtant, après la « preuve de concept » qu’il convient de savoir modéliser à partir d’une capitalisation rigoureuse des résultats empiriques, il est indispensable de prendre le temps d’inventer le modèle de déploiement… non pas seul, mais avec les institutions capables d’en connaitre et reconnaitre la valeur. Dans le chemin du médicament, cela s’appelle l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) !
Autre condition indispensable, la compréhension de la territorialisation de l’action. Née sur un Territoire, l’innovation sociétale – qui se différencie en cela de l’innovation technique & technologique – a besoin de s’y réimplanter si elle veut être pertinente et efficiente. Autrement dit, la méthode seule ne parvient pas à reproduire l’efficacité « thérapeutique » de l’inventeur, si elle n’est réappropriée en fonction des spécificités locales, ainsi que par les acteurs et actions déjà engagées par ailleurs. La temporalité de la prise en compte de cette territorialisation est toujours très largement sous-estimée. Bien que nous sachions par expérience qu’il n’en est rien, nous continuons à (faire) croire naïvement qu’un vigneron pourra produire le même vin en plantant un cep de pinot noir en Alsace, en Bourgogne ou en Champagne … Dans le pays historique de la gastronomie territoriale, il serait temps de ne plus croire à l’universalité des solutions sociétales qui - pas plus que le bon vin - ne sont universelles…
Enfin, bien souvent, la confusion se porte sur le périmètre de l’action engagée. Pour devenir innovation, la solution doit dépasser très largement la seule capacité de l’acteur à l’origine de la solution afin que ce soit l’écosystème tout entier qui puisse s’en inspirer. C’est en cela que l’AFM-Téléthon, Wimoov, Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée ou encore Unis-Cité préalablement cités peuvent prétendre avoir fait émerger de réelles innovations sociétales… dont parfois les protagonistes eux-mêmes ont oublié qu’ils en ont été à l’origine. Seuls l’épreuve et les preuves du temps permettent d’en faire un Récit objectif et d’en mesurer la valeur transformatrice profonde.
Après 3 ans d’investissement dans l’ingénierie d’innovation territoriale pour en démontrer la valeur, le Fonds ODD 17 rendra compte le 4 juillet prochain de la quadruple évaluation qu’il a réalisée. Cette dernière prouve que l’ingénierie d’alliance d’intérêt général n’est pas une dépense, mais bien un investissement. En moyenne, elle permet d’accompagner des projets deux fois plus frugaux, trois fois plus durables et avec un coefficient démultiplicateur pour l’investisseur sociétal qui en prend le risque de 7 pour 1. Certes les montants sont en moyennes dix fois moins élevés, mais l’investissement n’en reste pas moins performant… Il nous faut en en inventer le système de gestion adapté. C’est ce que propose de tester le Fonds ODD 17 entre 2023 et 2025.
Le long terme pour relever le défi de la (re)construction de la confiance
En ces temps d’incertitudes, aucune baguette magique ne peut créer la confiance et renouer les liens qui se sont distendus ces dernières décennies. Il nous faut collectivement prendre le temps de les reconstruire afin de (re)trouver notre Lien commun. L’étude d’impact 2018-2022 de l’Observatoire des partenariats l’avait souligné, mais l’étude « la parole des jeunes en actions » nous en rappelle l’urgence ! C’est avec eux et non pour eux que nous pourrons faire face à nos défis communs. Là où les Territoires incarnent « l’intérêt général à portée de main », les jeunes incarnent notre Avenir commun.
La Fondation pour la Co-construction du bien commun a lancé en octobre dernier la démarche « Intérêt général 2050 ». Après un temps d’écoute, notamment auprès des jeunes et des territoires, un travail avec 8 acteurs de référence de la prospective en France a été menée. Cette démarche a permis d’établir un premier constat qui sera partagé le 5 octobre lors du colloque « Jeunes & Territoires 2050 ». D’ici-là, les premiers enseignements seront mis en débat le 4 juillet.
Ensemble, faisons le « pari de la confiance » ! C’est en articulant les légitimités respectives des différents acteurs que nous pourrons inventer les solutions de demain. C’est cela l’ODD 17 en pratiques. Ne doutons pas que les 7 ans qui nous mènent à 2030 nous aiderons à en trouver les chemins et les modalités adaptées. »
Charles-Benoît HEIDSIECK, Président-Fondateur Le RAMEAU