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Par Carenews INFO - Publié le 25 janvier 2024 - 14:17 - Mise à jour le 25 janvier 2024 - 16:57 - Ecrit par : Camille Dorival
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Benoît Hamon : « Singa facilite la révélation des talents et du potentiel de la migration au bénéfice de tous »

Après avoir été plusieurs fois ministre, notamment de l’économie sociale et solidaire, puis candidat à l’élection présidentielle de 2017, Benoît Hamon a choisi de s’impliquer dans le monde associatif en dirigeant l’ONG Singa Global, qui œuvre en faveur de l’inclusion des nouveaux arrivants, notamment les personnes réfugiées. Il évoque les différentes actions de Singa, mais aussi les difficultés qu’elle rencontre, notamment dans le contexte du vote récent de la nouvelle loi sur l’immigration.

Benoît Hamon occupe le poste de directeur général de l'ONG Singa Global. Crédit : Carenews.
Benoît Hamon occupe le poste de directeur général de l'ONG Singa Global. Crédit : Carenews.

 

  • Depuis 2021, vous dirigez l’ONG Singa Global. Pouvez-vous nous présenter votre association ?

 

Singa est une ONG présente dans 20 villes et sept pays (l’Allemagne, la Belgique, le Canada, l’Espagne, la France, le Luxembourg et la Suisse). Notre objet est d’accélérer l’inclusion des nouveaux arrivants, et notamment des réfugiés, à travers plusieurs dispositifs.

Premièrement, nous accompagnons les nouveaux arrivants sur des projets entrepreneuriaux, pour leur permettre de lancer ou de développer des activités. L’entrepreneuriat est souvent le moyen choisi pour échapper au déclassement qui frappe les nouveaux arrivants. Il faut 10 ans en moyenne pour qu’un immigré retrouve en France le statut social qui était le sien dans son pays de départ. L’exil est aussi une école de la patience, de l’adaptation, de l’innovation, autant de qualités propices à l’entrepreneuriat. Ainsi, 15 % des entreprises créées en France chaque année le sont par des étrangers, alors qu’ils ne représentent que 7,8 % de la population totale.

Dans nos 15 incubateurs d’entreprises créées par des personnes réfugiées, nous observons trois impacts : des créations d‘activités et d’emplois pour commencer ; la naissance d’innombrables entreprises non lucratives et utiles socialement, car pensées par les immigrés pour réparer les obstacles à l’inclusion qu’ils ont rencontrés dans leurs vies ; enfin, ces projets et succès entrepreneuriaux font évoluer les perceptions sur les migrations.

Deuxièmement, nous organisons des rencontres interculturelles, permettant de mettre en lien des nouveaux arrivants avec des « locaux », à travers des activités sportives, des sorties culturelles, des ateliers, des débats, etc. Ces rencontres rassemblent plus de 80 000 personnes chaque année.

Enfin, Singa est un acteur majeur de l’hébergement citoyen des personnes réfugiées grâce à au programme « J’accueille », qui existe en France et en Belgique. Chaque année, plusieurs centaines de personnes réfugiées sont accueillies chez des citoyens sur une période de 3 mois à 1 an. L’innovation de ce programme consiste à organiser l’accès des nouveaux arrivants au capital social et culturel des citoyens locaux. Cela accélère l’inclusion et multiplie par 6 les chances d’accéder à un logement autonome et par 4,5 fois les opportunités de trouver un emploi.

En créant des liens, Singa facilite la révélation des talents et du potentiel de la migration au bénéfice de tous.

 

  • Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

 

Nous sommes une association. Sans surprise, nos principales difficultés concernent les financements de nos activités. Notre budget est à 80 % issu de mécénat privé, et notamment de grandes entreprises comme le groupe L’Oréal, Accor, Visa ou Generali. Nous sommes soutenus en mécénat financier et en mécénat de compétences.

J’observe néanmoins que l’hostilité de plus en plus intense, sinon l’obsession xénophobe dans certains médias, partis politiques et par ricochet dans l’opinion, créent un climat qui met à l’épreuve notre écosystème. Cela nous invite à diversifier nos partenariats et les moyens de viser l’impact systémique, c’est-à-dire les transformations sociétales et économiques, en les rendant inclusives et interculturelles.

Nous innovons pour augmenter sans cesse notre impact. Ainsi, nous nous sommes associés avec Impact partners pour créer un fonds d’investissement doté de 80 millions d’euros, qui pourra prendre des participations dans les projets lancés par des entrepreneurs réfugiés et nouveaux arrivants.

Nous cherchons aussi à développer des contrats à impact social pour permettre au programme « J’accueille » de changer d'échelle et pour ouvrir des accueils citoyens partout en France. Nous n’avons jusqu’à présent pas réussi à convaincre l’administration du ministère du Logement de nous suivre sur ce sujet, mais discutons avec des collectivités territoriales qui pourraient utiliser ce type de contrats pour accélérer l’inclusion sur leurs territoires.

 

  • Vous travaillez en direction des personnes réfugiées ou étrangères. A ce titre, quelle est votre position sur la loi immigration qui vient d’être votée ?

 

Rien ne va dans cette loi. Les mêmes qui ne jurent que par la famille et le travail comme valeurs structurantes d’une nation, refusent aux immigrés le regroupement familial et refusent les papiers pour ceux qui travaillent. Pire, les sénateurs et députés introduisent le principe de préférence nationale en privant d’allocations familiales des travailleurs étrangers, réguliers et qui cotisent. A ce double titre, cette loi mérite d’être jugée xénophobe.

Par ailleurs, la loi repose sur le fameux argument « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Pourtant, la France a pu accueillir et inclure 100 000 Ukrainiens en 2022 sans heurts. Donc on peut. Le gouvernement devrait assumer de dire : « on ne veut pas ». Par ailleurs, la France est loin d’être le pays le plus attractif pour les étrangers. L’augmentation des migrations internationales que l’on observe en Europe depuis trente ans, est plus faible en France (+ 36%) que chez ses voisins (+ 60% en moyenne dans les pays de l’Union européenne). La France n’accueille donc pas « toute » la misère du monde.

Enfin pourquoi cacher que 26,3 % des immigrés ont un diplôme supérieur à bac +2, contre 26,1 % des Français ? C’est la politique inhospitalière de la France qui crée et généralise la misère des immigrés.

Avec d’autres associations, nous étions prêts au dialogue avec le gouvernent et la majorité présidentielle. Nous avons pas été entendus. Nous restons aujourd’hui mobilisés pour lutter contre cette loi, qui va compliquer la vie de millions de gens et propose une ambition aberrante : rendre les Français plus heureux en rendant les étrangers malheureux.

 

  • Quels peuvent être les impacts de cette loi sur les activités de Singa ?

 

L’impact sur nos équipes, nos bénévoles et notre communauté est évidemment violent. Le signal envoyé par cette loi est clair et dit : « nous n’aimons pas l’inclusion, nous n’aimons pas l’interculturalité, nous n’aimons pas les liens qui libèrent ». Observer qu’une loi peut être écrite en ignorant totalement les faits, la réalité et l’interêt général et être fabriquée en fonction de préjugés et des peurs nous trouble. Mais toute chose crée son contraire. Les obsessions xénophobes de cette loi coalisent des citoyens, des associations, des élus, des entreprises qui croient en l’inclusion et l’hospitalité.

 

  • Quelles sont vos motivations, à titre personnel, pour vous engager au sein de Singa ?

 

Pour moi, la question de notre rapport collectif à l’altérité est fondamentale. C’est pour cela que j’ai eu envie de m’engager sur ces sujets.

Ensuite, s’engager dans l’économie sociale et solidaire est pour moi une autre manière de faire de la politique, un continuum avec mes engagements précédents. C’est une manière de faire un pas de côté, de réinterroger certaines certitudes, de voir les choses autrement, tout en ayant un impact concret important. 

Dans l’immédiat, je me sens plus utile dans le champ associatif que dans le champ partisan, mais peut-être que cela changera à nouveau un jour.

 

Propos recueillis par Camille Dorival et Théo Nepipvoda 

 

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