Le bénévolat associatif en 2025 : une ressource stratégique à sécuriser
Avec plus de 1,6 million d’associations actives, le monde associatif demeure un pilier essentiel de la solidarité en France : accompagnement social, prévention santé, handicap, lutte contre l’isolement, accès au sport, à la culture ou aux loisirs…Une grande partie de ces missions repose sur l’engagement quotidien de millions de bénévoles, qui font vivre, souvent dans l’ombre, l’essentiel de l’action associative. Dans un secteur où près de 90 % des structures ne comptent aucun salarié, ce sont eux qui assurent la continuité du lien social. Depuis 2007, Nos Épaules et Vos Ailes, le fonds de dotation de l’association GPMA, accompagne des organisations engagées auprès des publics les plus fragiles. Et partout, le même constat s’impose : les formes d’engagement changent. De nombreuses associations s’interrogent désormais sur leur capacité à recruter, renouveler et fidéliser leurs bénévoles, dans un contexte où les besoins augmentent et où les budgets se resserrent. Comprendre comment évolue le bénévolat – qui s’engage, pourquoi, et dans quelles conditions – est devenu indispensable pour que les associations puissent adapter leur fonctionnement et maintenir leur capacité d’action. Et l’enjeu dépasse le seul secteur associatif, tant le bénévolat constitue une ressource sociale et économique essentielle pour la société dans son ensemble.
Un bénévolat qui change de visage
En 2025, 34 % des Français déclarent « donner du temps gratuitement pour les autres ou pour une cause ». Parmi eux, 21 % sont engagés dans une association, soit près de 12 millions de bénévoles : un socle stable depuis quinze ans, malgré un léger recul post-pandémie.
Pourtant, beaucoup d’associations ont le sentiment que « les bénévoles se font rares ». Ce n’est pas une baisse massive du bénévolat qui l’explique, mais une transformation profonde des profils et des modalités d’engagement.

Seniors en retrait, jeunes plus présents
La tendance la plus marquante des dernières années est le recul des 65 ans et plus, une tranche d’âge où les retraités sont très majoritaires et qui a longtemps constitué la colonne vertébrale du bénévolat associatif. Leur taux d’engagement est passé de 38 % en 2010 à 24 % en 2025, soit une baisse de 7 points en quinze ans.
Ce repli est particulièrement préoccupant, car les seniors engagés sont aussi ceux qui donnent le plus de temps : près d’un quart des bénévoles retraités consacre au moins une journée par semaine au bénévolat (soit 3 fois plus que les non-retraités !), et environ 40 % d’entre eux occupent un mandat ou une fonction de responsabilité, ce qui en fait des pivots de l’organisation associative – présidences, bureaux, gestion d’équipes, relations avec les partenaires. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution : le souhait de préserver davantage son temps personnel, le recul de l’âge de départ à la retraite ou encore le poids croissant des responsabilités d’aidance, qu’il s’agisse de parents âgés ou de petits-enfants.
À l’inverse, l’engagement des 15–34 ans progresse nettement, mais leurs pratiques diffèrent profondément de celles de leurs aînés. Ils privilégient des missions courtes, ciblées, compatibles avec leurs études, leurs débuts de vie professionnelle ou leur mobilité géographique. Leur engagement est plus fragmenté, davantage orienté vers des expériences qui « font sens » immédiatement.
Une évolution du bénévolat qui reflète les transformations de la société
Les formes d’engagement changent. Depuis quinze ans, les très gros volumes d’engagement diminuent, surtout en raison du retrait des seniors, tandis que les engagements réguliers (quelques heures par mois) progressent et que les actions très ponctuelles (interventions isolées sur une journée ou un événement) reculent légèrement. Les bénévoles ne s’engagent donc pas moins, mais différemment.
Les recherches en sociologie de l’engagement mettent en évidence un véritable changement de nature du bénévolat. On observe un glissement d’un engagement « total », hérité des logiques militantes, à un « engagement distancié » : réversible, modulable, centré sur l’action plutôt que sur l’appartenance à une structure et surtout facilement conciliable avec la vie quotidienne. Les bénévoles d’aujourd’hui agissent dans une logique plus pragmatique et plus personnelle : se rendre utile, tester une vocation, retrouver un rythme après une retraite ou une période de chômage, ou encore développer des compétences transférables.
Cette évolution suit de près les transformations de la société — accélération des rythmes de vie, recherche de sens, besoin de flexibilité — et elle correspond aux attentes des Français. Selon le Baromètre France Bénévolat, plus de 25 millions de Français non bénévoles n’excluent pas l’idée de s’engager, mais sous certaines conditions : des missions souples, limitées dans le temps, clairement définies et compatibles avec une vie familiale dense ou un emploi exigeant.
S’adapter aux nouvelles formes d’engagement : trois leviers pour les associations
Aller vers ceux qui ne s’engagent pas spontanément
Les études montrent en effet que le contact humain reste le principal déclencheur d’engagement : 29 % des non-bénévoles déclarent qu’un encouragement direct les inciterait à franchir le pas, un taux qui atteint même 40 % chez les plus de 65 ans. Cette démarche est particulièrement déterminante auprès des publics moins diplômés, aujourd’hui deux fois moins présents dans le bénévolat (12 % contre 26 % pour les diplômés du supérieur), alors qu’ils s’impliquent souvent davantage une fois entrés dans une équipe.
Pour mobiliser ce vivier, il est essentiel de proposer des missions réellement accessibles, un accompagnement concret et un environnement centré sur le lien humain, la convivialité et la reconnaissance sociale. Ces bénévoles attendent avant tout un soutien pratique et un sentiment d’appartenance, davantage qu’une formation très formelle.
Mieux accompagner pour mieux fidéliser
Les travaux sur le bénévolat montrent qu’un engagement durable repose sur une véritable gestion des ressources humaines bénévoles avec un cadre lisible et une organisation qui laisse de la place à l’initiative. L’exemple des bénévoles retraités est éclairant : parmi ceux qui ont cessé leur engagement et n’envisagent pas de reprendre, plus de la moitié évoquent des difficultés internes et notamment une hiérarchie trop lourde.
Les associations qui fidélisent le mieux sont celles qui définissent des missions claires et identifient des référents chargés de suivre les bénévoles. Elles veillent à distinguer nettement les rôles des bénévoles et ceux des salariés, afin d’éviter les malentendus et de faciliter les coopérations. Elles accordent surtout une place centrale à la qualité des relations interpersonnelles (temps de convivialité, rituels collectifs, etc.) afin de créer un véritable sentiment d’appartenance et de renforcer la motivation dans la durée.
La rétribution symbolique : une contrepartie essentielle
La reconnaissance reste l’un des moteurs les plus puissants de l’engagement bénévole : valoriser le temps donné, rendre visibles les résultats ou repérer les signes d’essoufflement sont autant d’actions qui évitent les décrochages.
Cette reconnaissance constitue une rétribution symbolique, à condition d’être adaptée aux profils : un bénévole très engagé, prêt à prendre des responsabilités, un bénévole régulier ou un expert mobilisé ponctuellement n’attendent pas la même chose. Ajuster les missions et l’accompagnement renvoie, au fond, à la logique du « don/contre-don » décrite par l’anthropologue Marcel Mauss : l’engagement dure lorsque ce que l’on reçoit équilibre ce que l’on donne ; lorsque cet équilibre se rompt, la démotivation apparaît rapidement.
Dans cette dynamique, la formation joue un rôle central. Elle sécurise les actions — face aux exigences croissantes d’accueil, de sécurité ou de gestion de projet — tout en constituant une forme précieuse de rétribution symbolique. Elle rassure les bénévoles moins diplômés et permet aux actifs et aux jeunes diplômés de développer des compétences transférables, renforçant leur sentiment de légitimité et leur fierté d’agir. Les associations qui investissent, même modestement, dans l’accueil, l’accompagnement et la formation constatent d’ailleurs une fidélisation plus forte et une image renforcée auprès de leurs partenaires.
Un enjeu pour les associations… et pour la société
Le bénévolat n’est pas seulement un appui pour les associations : il constitue une véritable force économique et sociale. Les recherches estiment qu’il représente 1 à 2 % du PIB, soit près de 950 000 emplois à temps plein, une contribution bien supérieure aux dons financiers. Sans cette énergie collective, une grande part des actions sociales, culturelles, sportives ou éducatives ne pourrait tout simplement pas être menée.
Il est aussi un enjeu de santé publique. Des études menées par des universités américaines montrent que, chez les plus de 50 ans, environ deux heures de bénévolat par semaine sont associées à une réduction du risque de perte d’autonomie, de mortalité et de troubles dépressifs. Le bénévolat protège donc aussi ceux qui s’engagent, en offrant un rôle, des liens, et un sentiment d’utilité qui comptent dans le vieillissement et la santé mentale.
Le bénévolat constitue un bien commun stratégique : il renforce la cohésion sociale, crée du lien et complète l’action de tous les acteurs engagés dans l’intérêt général. À l’heure où les besoins augmentent, où les budgets se contractent et où les formes d’engagement se recomposent, soutenir et renouveler cette dynamique devient une priorité collective.
Principales références
American Journal of Preventive Medicine (s.d.). Article : https://www.ajpmonline.org/article/S0749-3797(20)30138-0/abstract
Archambault, E., & Prouteau, L. (2010). « Un travail qui ne compte pas ? La valorisation monétaire du bénévolat associatif », Dares.
Bartel-Radic, A. (2021). Bénévolat et management. Pratiques, paradoxes et préconisations. Collection Business Science Institute, 220 pages.
Ferrand-Bechmann, D., & Baumann, L. (2023). « La recherche sur le bénévolat en France et dans le monde ». Fondation Croix-Rouge française, Les papiers de la Fondation, Regards sur la littérature 1.
France Bénévolat / IFOP (mars 2025). 6ᵉ baromètre du bénévolat associatif, avec le soutien du Crédit Mutuel.
La Fonda (2022). « Le bénévolat n’est pas une question de vie associative, mais de société », dans Quand le sport contribue au bien commun, Tribune, n° 255.
Recherches & Solidarités (2024). Le bénévolat en France. Rapport annuel.
The Conversation (s.d.). « Management : comment donner du sens à l’engagement des bénévoles ». Disponible sur : theconversation.com.