Dans la hotte du Père Noël, le cadeau idéal ? Et si c’était un livre !

Chaque année, la thématique de Noël inspire Catherine Thomas-Antérion, neurologue et membre du Conseil scientifique de l'Observatoire B2V des Mémoires. Elle nous livre cette année ses réflexions sur les bienfaits de la lecture sur la mémoire mais pas seulement...

Au moment de boucler les achats de Noël, les lutins emballent des cadeaux lecture sous toutes leurs formes ! Ils espèrent que personne ne dira au pied du sapin en offrant un livre aux plus jeunes : « c’est bon pour l’école » et aux plus vieux : « ça évite la maladie d’Alzheimer ». Il suffit de défendre tout simplement les bienfaits de la distraction et de la récréation qu’offre la lecture… qui est aussi une promesse, le livre refermé, d’action ! Un livre comme toute rencontre peut changer une manière de penser et le cours d’une vie, il suffit pour cela parfois d’un très petit roman ou d’une nouvelle dans une collection de poche à 2 ou 3 euros. Il n’y a guère de cadeaux qui ont ce pouvoir-là.

La lecture est un contrepoison aux divertissements derrière l’écran, divertissements volontiers addictifs qui riment avec abrutissements. Le livre est résolument le cadeau idéal y compris pour ceux et celles qui ne lisent jamais ! Il peut contenir plein d’images pour les plus réfractaires. Il existe des livres pour tous les budgets, certains sont édités à petits prix, les bourses ou magasins spécialisés de livres d’occasion sont nombreux. Mais pourquoi offrir un livre ? Avant tout pour le plaisir ! C’est important dans une époque ou les indicateurs de stress, d’anxiété, de dépression ou d’addiction sont très alarmants. 

Aimer lire est une porte ouverte sur l’imagination, la détente avec l’apprentissage des pauses, de la lenteur, de la rêvasserie, de la méditation dont les bienfaits ne sont plus à démontrer. La lecture est l’activité par excellence qui fait du bien à notre cerveau trop connecté, trop agité, trop pressé. On ne compte plus les travaux neuroscientifiques montrant un effet positif sur le développement intellectuel de l’enfant, la qualité des interactions sociales, la compréhension des situations sociales complexes survenant hors du champ de nos repères de vie habituels et sur la gestion (et richesse) des émotions. Comment ne pas avoir envie d’offrir tout cela à ceux que l’on aime ?

Le cadeau peut être un livre électronique à charger sur la tablette même si elle augmente le temps d’écran, là où un livre en papier nous en libère mais après tout une liseuse c’est pratique ! Il peut être audio pour les yeux fatigués. Le livre papier garde l’avantage d’une double stimulation sensorielle : acte sensori-moteur de tourner les pages et vision. On peut offrir aux très jeunes enfants pour s’exercer et imiter, un livre en tissu au berceau puis un livre allant dans le bain. Les bambins adorent tourner les pages ! Encore plus extraordinaire la lecture partagée est une activité incomparable sur le plan cognitif… émotionnel, affectif et social et peut démarrer tôt dans la vie… avec un livre très simple, qu’il est important de bien choisir, car parent ou grand parent on va le lire des centaines de fois… ou initier une demande insatiable.

Lorsqu’on parle livres, on parle des BD, des mangas que privilégient les écoliers et les collégiens ou des romans en tête de liste des lycéens et des adultes. Le Père Noël peut abonner à un journal ou un magazine… ou offrir une carte d’entrée dans une bibliothèque qui est finalement une invitation à dénicher par soi-même la lecture idéale.

Lire augmente l’accès aux mots rares. Enrichir le vocabulaire n’est pas une coquetterie mais permet de développer la mémoire sémantique, le maniement des concepts, la compréhension et alimente les connaissances nécessaires au développement des aires cérébrales de reconnaissance des mots ce qui facilite la communication au quotidien… 

Les mots rares (de basse fréquence) sont accessibles dès le très jeune âge et participent à améliorer communication et compréhension à l’âge adulte et donc aisance et intégration. Un travail a montré que l’on trouve plus de mots rares dans les albums imagés (64/1000) que dans les conversations entre adultes (39/1000) ou les mots adressés par les adultes à leurs enfants (27/1000)⁽¹⁾ ! J’ai ouvert pour vous les albums du rayon à partir de 3 ans d’une librairie et j’ai trouvé : « le loup jubile, la cloche tintinnabule, le taffetas doré » et vérifié avec le jeune public assis dans la librairie que celui-ci appréciait et répétait ces jolis mots ! « Rien ne surgit du néant. Chaque progrès prend appui sur les socles établis. Lorsque le cerveau est confronté à un problème inconnu, il commence par sélectionner parmi le répertoire des compétences disponibles, celle qui est la plus apte « à faire le job ». »⁽²⁾ Donner envie de lire et de se réjouir de lire peut commencer en découvrant dans ses souliers un abécédaire qui va préparer ensuite à jouer avec sa soupe de pâtes pour trouver les lettres utiles à écrire son prénom !!!

Une dernière chose à souhaiter au lecteur que l’on a gâté d’un nouveau livre… améliorer ses aptitudes empathiques⁽³⁾ ! Ceci s’observe de façon significative dès la crèche chez les bambins (18-30 mois) les plus exposés à la lecture partagée puis se poursuit chez les adultes : ainsi une méta-analyse récente a montré l’influence positive du volume de lecture accumulé au cours de la vie sur le degré d’empathie. Ni l’âge, ni le sexe, ni l’intelligence, ni le niveau d’isolement social, ni les traits de personnalité, ni le degré d’exposition aux œuvres non fictionnelles ne l’expliquent par ailleurs.⁽²⁾ Enfin, les lecteurs d’ouvrages de fiction quel que soit leur âge ont une « meilleure théorie de l’esprit » c’est à dire une plus grande capacité à deviner ce qu’une autre personne est en train de ressentir ou de penser. La lecture activité solitaire qui recentre est une ouverture sur le monde et les autres… La lecture nous bonifie. Pour toutes ces raisons, elle va bien avec l’esprit de Noël ou avec les vœux d’une nouvelle année à venir pleine de promesses de rencontres fructueuses.