5 éléments à retenir sur la surpopulation carcérale et les atteintes aux droits des personnes en rétention
Le rapport annuel du Contrôleur général des lieux de privation de liberté révélé ce jeudi 11 mai alerte sur la surpopulation carcérale en France et également les atteintes aux droits des personnes détenues en milieux de rétention (psychiatrie, centre de rétention administratif, etc.) La rédaction a sélectionné les cinq éléments les plus significatifs. Et ils sont assez alarmants.
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) annonce la couleur dès l’avant-propos du dossier de presse : « C’est assez navrant, mais l’inertie est un mur auquel se heurtent les alertes incessantes du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sur l’état déplorable des lieux qu’il visite (...). Certes, il y a bien quelques progrès. Mais trop peu. L’État semble endormi. »
Le tableau que dresse Dominique Simonnot dans le rapport annuel du CGLPL est aussi alarmant qu’accablant. Il est issu des 115 visites de contrôle effectuées cette année, dans des établissements pénitentiaires, psychiatriques, centres de rétentions administratives et zones d'attente, centres éducatifs fermés et locaux de garde à vue.
La surpopulation carcérale atteint des records
Si la pandémie de Covid avait permis une diminution du nombre de détenus, celui-ci a explosé depuis. Le taux d’occupation des maisons d’arrêts s’élève à 142,2 % en avril 2023. Les ressources humaines font défaut : elles dépendent du nombre de place théorique plutôt que réel.
Violences, manque d’hygiène et de soin, absence d’activités… les conséquences de la surpopulation et de la promiscuité sont nombreuses. Ainsi, même si les situations diffèrent selon les établissements, « il n’existe pas de prison où il n’est porté atteinte à aucun droit », alerte le rapport.
Le CGLPL appelle à une régulation carcérale, en facilitant les sorties sous surveillance. Il regrette que « les pouvoirs publics ne semblent pas déterminés à modifier l’État de droit » pour diminuer la population carcérale.
Certaines évolutions vont toutefois dans le bon sens : la création d’un « véritable code pénitentiaire », l’établissement d’un nouveau régime de travail en prison et des droits sociaux des détenus, ainsi que la mise en place d’un droit de visite des bâtonniers.
La rétention des étrangers pose problème
Dans les centres de rétention administrative, destinés aux personnes étrangères en voie d’expulsion, les problèmes persistent depuis très longtemps : la situation n’a « pas tellement » évolué depuis dix ans. Les contrôleur·e·s observent parfois un manque de mobilier et de linge de maison, l’insalubrité, une alimentation insuffisante… L’institution souligne une fois encore « des atteintes graves, durables et répétées aux droits des personnes placées en rétention. »
Les séjours dans ces centres durent 90 jours, alors que les lieux sont prévus pour des périodes de rétention de dix à quinze jours. Les personnes qui y sont retenues n’accèdent à l’information sur leur situation que de façon « parcellaire » et ne peuvent réaliser que très peu d’activités.
La situation des enfants est particulièrement préoccupante
Dominique Simonnot regrette en avant propos l’utilisation du terme « mineur » à la place « d’enfant » : « nul n’aurait l’idée de dire : j’emmène « le mineur » au collège » estime-t-elle.
La pédopsychiatrie est « marquée par une grave carence de moyens et de lourdes défaillances. » Des territoires « sont complètement dépourvus d’offre de soin. » Là encore, le rapport détaille une situation dramatique : les enfants sont hospitalisés avec des adultes, sans activités adaptées à leur situation et parfois sans scolarisation.
Des enfants sont enfermés dans des centres de rétention administrative destinés aux étrangers en voie d’expulsion, malgré les alertes de la Cour européenne des droits de l’homme. Le gouvernement français devrait agir sur le sujet, mais la CGLPL demande à ce que l’interdiction de placer des enfants en rétention ne « connaisse pas d’exception » comme le projet le prévoit pour l’instant.
La situation des trois centres éducatifs fermés visités se révèle inégale, du « succès » au cumul des « dysfonctionnements » : « Manque de personnel formé, violence, racket, drogue, délaissement. »
Les gardes à vues sont le théâtre d’atteintes aux droits « persistantes »
Dominique Simonnot a récemment écrit au ministre de l’Intérieur en dénonçant une « instrumentalisation des mesures de garde à vue à des fins répressives » au cours des manifestations contre la réforme des retraites de mars 2023. Elle soulignait aussi des « atteintes graves aux droits fondamentaux » liées aux conditions matérielles de prise en charge dans certains locaux. »
Le rapport annuel pointe le manque d’hygiène et l’étroitesse des locaux dans les services de police ainsi que le retrait de lunettes et de soutien-gorge « le plus souvent systématique » qui « place la personne entendue dans une situation humiliante. »
Les services psychiatriques sont aussi en crise
Le CGLPL contrôle également les hôpitaux psychiatriques : l’institution y relève des « soins sans consentement », des « locaux souvent miteux » et là encore, un déficit criant de ressources humaines.
Le rapport appelle l’État à lancer un « grand plan national de recrutement » de psychiatres et à ouvrir des centres médico-psychlogiques dédiés à prévenir l’enfermement.
Des patients sont également placés à l’isolement ou sous contention sans contrôle du juge des libertés et de la détention, pourtant imposé par le code de la santé publique. Une situation qui contribue à la « lugubre litanie » de description des lieux de privation de liberté.
La rédaction