Associations : La réforme des retraites va-t-elle ébranler le monde associatif ?
En élevant l’âge de départ à la retraite, la France pourrait se retrouver privée d’un vivier important de bénévoles. Est-ce que cela représente un danger pour les associations ?
Si la réforme des retraites entre en vigueur, l’âge légal de départ sera repoussé à 64 ans en 2030. Une réforme qui pourrait avoir un réel impact sur le monde associatif. Comment ? En privant les associations d’un vivier important de bénévoles, jeunes retraités. Selon une enquête IFOP, 26 % des plus de 65 ans sont bénévoles dans une association, un chiffre bien supérieur à la moyenne nationale.
Pour ce qui est des retraités n’ayant pas encore 65 ans, ils sont essentiels au fonctionnement des associations puisqu’ils peuvent se libérer en journée, sur de longues plages horaires et ainsi participer à des actions essentielles de la vie associative. Certains s’engagent même à temps plein, de manière bénévole, parfois à des postes de direction et sont les rouages indispensables à l’action associative.
Aux Restos du Cœur, 59 ans d’âge moyen
Aux Restos du Cœur, où la moyenne d’âge des bénévoles est de 59 ans, les conséquences pourraient être importantes. « Nous serons obligatoirement impactés puisque 60 % de notre activité bénévole est basée sur l’engagement des retraités », explique Claude Bougère, secrétaire générale bénévole des Restos du Cœur.
L’association anime 2 000 lieux d’accueil sur tout le territoire, pour distribuer des produits ou accompagner les personnes précaires. Ces centres fonctionnent en journée, aux heures de travail pour permettre l’accueil de tout le monde. « Il est certain que si on avait des personnes en activité nous n’aurions pas autant de souplesse pour notre planning sur l’année », estime Claude Bougère.
Quelle part représente le bénévolat dans le PIB français ?
Les retraités par leur action au sein d’associations sont donc créateurs de valeur et participent à l’activité économique française en réalisant des missions essentielles. Le temps libre, non travaillé, ne représente donc pas obligatoirement un temps d’inactivité, un temps perdu. On estime que la valeur monétaire du bénévolat s’élève entre 1 et 2 % du PIB national.
Autre chiffre notoire : 48 % des présidents d’associations sont retraités. Selon Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, le recul de l’âge de départ légal à la retraite aurait une conséquence sur la gouvernance des structures associatives :
Les retraités sont essentiels pour ce qui est du bénévolat de gouvernance. Ce type de bénévolat connaît une période difficile avec la crise sanitaire et le contrat d’engagement républicain. On peut craindre que cette réforme des retraites accentue cette difficulté alors que nous sommes à un moment crucial. »
Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif
L’impact des précédentes réformes des retraites
Les précédentes réformes des retraites, dites Woerth et Touraine, ont déjà eu des répercussions sur l’engagement des plus de 50 ans. France Bénévolat constate une diminution du taux d’engagement pour cette population durant les années 2010. Elle le justifie notamment par l’augmentation de l’âge de départ à la retraite, passé de 61,7 à 63,3 ans entre 2010 et 2017, mais également par les « difficultés accrues de fin de carrière, qui engendrent un besoin de souffler ».
Les associations ont bien constaté cette baisse de l’engagement de cette tranche de la population. Depuis quelques années, les Restos du Cœur ont engagé une démarche pour rajeunir le profil des bénévoles en renouvelant les façons de s’engager. Objectif : moins dépendre de l’engagement des retraités. « Nous avions déjà commencé à amorcer le changement vers des formes d’engagement nouvelles, notamment ponctuelles », explique Claude Bougère. Une réorganisation des plages horaires d’ouverture a également été effectuée pour permettre l’engagement du plus grand nombre.
Théo Nepipvoda