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Par Carenews INFO - Publié le 4 juin 2024 - 18:25 - Mise à jour le 5 juin 2024 - 08:33 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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À deux mois des Jeux olympiques, l’éviction des sans-abris de l’espace public francilien décriée

Le collectif Le revers de la médaille dénonce, dans son rapport intitulé « 1 an de nettoyage social avant les JOP 2024 » des politiques de dispersion des populations les plus précaires en Île-de-France. Les associations demandent la mise en place d’un dispositif d’hébergement d’urgence avant les jeux.

Pour le collectif Le revers de la médaille, un faisceau d'indices montre un « nettoyage social » à l'approche des jeux olympiques et paralympiques. Crédits : iStock
Pour le collectif Le revers de la médaille, un faisceau d'indices montre un « nettoyage social » à l'approche des jeux olympiques et paralympiques. Crédits : iStock

 

Près de 12 500 personnes ont été expulsées de bidonvilles, de regroupement de tentes, et de squats depuis un an en Île-de-France, estime le collectif d’associations Le revers de la médaille dans son rapport « 1 an de nettoyage social avant les JOP 2024 », publié lundi 5 juin.  

Le collectif, qui multiplie les actions symboliques depuis l’automne dernier, a réussi à faire entendre sa voix dans l’espace médiatique et auprès des pouvoirs publics, mais sans que ceux-ci ne lui fournissent une solution satisfaisante.  

Le rapport, présenté lors d’une conférence de presse organisée à la Maison des avocats, recense des données et des observations de terrain allant d’avril 2023 à mai 2024. Entre multiplication des expulsions, suppression de places d’hébergement et dédouanement des pouvoirs publics, les associations tirent la sonnette d’alarme. 

 

la saturation de l’hébergement d’urgence 

 

En toile de fond, elles dépeignent un dispositif d’hébergement d’urgence incapable de faire face à l’étendue des demandes dans la région. 

« Avant même l’arrivée des JO, la situation était intenable pour les sans-abris qui n’arrivent plus à accéder aux demandes d’hébergements d’urgence », témoigne Lila Cherief, chargé de projets hébergement, logement et domiciliation au Secours Catholique.  

Sans toit, les personnes ont pour seule solution d’investir l’espace public, évoquent les associations qui dénoncent les expulsions opérées par les forces policières. 

En un an, 138 expulsions ont été recensées par l’Observatoire des expulsions des lieux de vie informels. L’organisation, formée de plusieurs associations actives dans le domaine de la précarité et du mal-logement, s’est donnée pour mission de récolter des données à partir d’une veille médiatique, des contributions d’observateurs et d’acteurs de terrain.  

« À titre de comparaison, 121 expulsions avaient été recensées sur la période 2021-2022, et 122 en 2022-2023 », met en perspective le rapport. Dans les cinq premiers mois de 2024, 26 opérations d’expulsions ont été recensées.  

 « Depuis le mois d’avril de cette année, on constate une accélération soudaine des expulsions en sortie de la trêve hivernale et avant la mobilisation des policiers pour les JO », témoigne un représentant de l’observatoire. Les conditions des expulsions, dont un quart seulement font l’objet d’un diagnostic social, se détériorent, ajoute-t-il. 

En parallèle, le rapport fait état de la suppression de 3 000 places d’hôtel social en 2023, dont la moitié en Seine-Saint-Denis.  

 

Des politiques de « dispersion » 

 

Pour Le Revers de la médaille, l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques révèle et accélère un phénomène déjà existant.  

« Le processus est en cours depuis 2015, mais à l’approche des jeux il y a eu un effet d’opportunité », affirme Camille Gardesse, sociologue et membre du Collectif accès aux droits (CAD). L’augmentation des évacuations de campement de rue provoque une mise en mouvement et une fabrication de l’errance, détaille-t-elle. 

Les associations dénoncent à travers les expulsions des « politiques de dispersion », qui précarisent davantage les sans-abris et les éloignent de l’accompagnement social.  

« Les personnes s’éloignent et s’isolent, ce qui crée des ruptures de soin et encore plus de fragilité », déplore Aurélia Huot, directrice adjointe du pôle accès au droit et à la justice au sein de l’Ordre des avocats de Paris.  

Avec d’autres membres du collectif, elle dénonce également un « harcèlement policier » à l’égard de populations fragiles comme les travailleurs et travailleuses du sexe, les victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitation dans le commerce du sexe ou les usagers de drogue. « Cela met en péril la qualité de l’accompagnement et augmente les risques de contamination », abonde Léa Palozzi, chargée de projet au sein de l’association Aides qui lutte contre le Sida et les hépatites. 

 

1 000 places supplémentaires en attente 

 

En plus d’une précarisation accrue, les associations craignent de perdre la trace des personnes déplacées et dénonce l’augmentation d’un stress au travail pour les travailleurs sociaux.  

Pour Le revers de la médaille, l’éloignement des personnes sans-abris et précaires se fait également par l’envoi au sein des dix sas régionaux, dont l’existence est prévue jusqu’à fin 2024.  

Selon le rapport, plus de 5 224 personnes ont été déplacées d'Île-de-France pour aller vers d'autres régions, depuis que les sas ont été mis en place en avril 2023. 

Le dispositif, sur la base du volontariat, est défendu par la préfecture d’Île-de-France qui y voit une solution à la saturation de l’hébergement dans la région. « Il y a 120 000 places d'hébergement d'urgence dans la région. Mais le système est sous-tension, lié à la pression migratoire », met en avant le cabinet du Préfet.

Mais pour le collectif, le système des sas présente de nombreuses limites dont la saturation des différents systèmes d’hébergement dans les autres régions et le risque de contrôle des titres de séjour par la police dans les sas, qui joue un rôle dissuasif. 

« En moyenne, 42 % des personnes orientés dans un sas trouvent une solution », résume Paul Alauzy, coordinateur chez Médecins du Monde et porte-parole du collectif. 

La préfecture a également annoncé l’ouverture de 300 places d’hébergement pérennes à proximité des sites des Jeux olympiques à destination des « grands précaires et grands marginaux ». Une annonce saluée mais jugée largement insuffisante par le collectif qui affirme qu’à ce jour « 73 places ont été ouvertes et occupées ».  

« La mairie de Paris est prête à ouvrir 1 000 places. On attend l’accord de la préfecture et de l’Etat. Il y a urgence », affirme Paul Alauzy. Le collectif qui attend les conclusions de la Défenseure des droits prévoit d’envoyer son rapport aux Nations Unies et à l’Union européenne pour leur demander d’enquêter sur la situation. Il demande l’ouverture à long terme de 19 000 places supplémentaires.

 


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Élisabeth Crépin-Leblond

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