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Par Carenews INFO - Publié le 13 mars 2024 - 15:16 - Mise à jour le 19 mars 2024 - 16:45 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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Ces lobbyistes porte-voix de l'environnement dans les instances européennes

Employés par les associations environnementales, ces chargés de plaidoyer tentent d’influencer les décisions politiques à l’échelle européenne. Un parlement plus conservateur à l'issue des élections européennes qui se tiennent en juin pourrait leur compliquer la tâche.

Des chargés de plaidoyer d'associations environnementales agissent à l'échelle européenne. Crédit : Manuel F-O, iStock.
Des chargés de plaidoyer d'associations environnementales agissent à l'échelle européenne. Crédit : Manuel F-O, iStock.

 

Après un accord obtenu en trilogue, tout semblait indiquer un succès pour la proposition de directive européenne concernant le devoir de vigilance qui rendrait les entreprises responsables de leurs chaînes d’approvisionnement. C’était sans compter sur la volte-face de la France qui, début mars, a pesé dans la balance en refusant le compromis du trilogue, souhaitant que seules les entreprises de plus de 5 000 salariés soient concernées contre 500 prévues par le texte.

Olivier Guérin est responsable du plaidoyer Union européenne pour l’ONG Reclaim Finance, qui œuvre pour mettre la finance au service du climat. Il travaille depuis quelques temps sur ce dossier, avec d’autres associations, et essaie d’influencer les décisions en la matière : « Nous sommes déçus de cette décision car nous nous mobilisons depuis plus d’un an via des rendez-vous avec les acteurs politiques, les ministres impliqués ainsi qu’avec l’Elysée. On nous disait que la France était favorable à la directive. Finalement, notre travail de plaidoyer a été sapé en dernière minute par des lobbys industriels qui ont influencé la position de la France », se désole-t-il.

 


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David contre Goliath ?

 

Employés par des associations environnementales, ces lobbyistes ou chargés de plaidoyer, tentent difficilement d’influencer la politique européenne en matière d’environnement, en faisant face à des lobbyistes industriels plus dispendieux : « Nous n’avons pas le budget que peuvent avoir des acteurs comme BlackRock, TotalEnergies ou BNP Paribas. Pour Reclaim Finance, je suis tout seul à aller faire du plaidoyer à Bruxelles, même si je suis parfois accompagné d’autres ONG », explique Olivier Guérin. À titre de comparaison, le Conseil européen de l’industrie chimique, qui défend les industriels du secteur, dépense à lui seul 10 millions d’euros annuellement pour son activité de lobbying et emploi 43 personnes à temps plein.

 


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Pourtant, lors du combat entre David et Goliath, n’est-ce pas David qui finit par l’emporter ? « Nous n’avons pas le même budget que ces industriels, mais nous arrivons à construire des relations de confiance avec les décideurs politiques qui reconnaissent notre expertise en la matière », se réjouit Olivier Guérin.

 

Quel est le rôle de ces chargés de plaidoyer ?

 

Au quotidien, ces lobbyistes environnementaux ont pour mission de faire entendre les positions de leurs associations auprès des décideurs politiques, qu’il s’agisse des États membres, des députés ou même parfois de la Commission européenne. Leur objectif est de peser dans la fabrique de la loi. Ils interviennent notamment au moment de l’écriture de la loi ou lors des phases de discussions. Estelle* (le prénom a été modifié) travaille pour une association environnementale française depuis un an : « Mon travail consiste à prendre contact par mail avec les personnes impliquées dans un texte identifié comme important. Je demande un rendez-vous, puis j’essaie d’instaurer une relation de travail dans la durée, de confiance », explique-t-elle. « C’est vraiment un exercice de conviction ». 

« C’est vraiment un exercice de conviction ».

L’objectif de ces professionnels : tenter de faire reprendre des propositions que leurs associations portent, et cela dès l’écriture des textes ou via des amendements. Ils interviennent également lors des moments de vote pour convaincre les députés de se prononcer en faveur ou non de certains textes. Parfois, le sentiment qui domine est celui d’un travail d’Hercule : « Depuis que je suis à ce poste, je n’ai pas encore réussi à faire adopter un amendement. Il y en a un qui était dans la position du parlement, mais qui n’était pas dans le texte final », admet Estelle. Une mission de longue haleine dont les résultats peuvent tarder.

 

3 000 ONG répertoriées comme lobbyistes à l’échelle européenne

 

Depuis les années 1960, l’Union européenne fonctionne avec la participation des groupes d’intérêt. Dans son livre Au cœur du lobbying européen, le journaliste Jean Comte explique que, faute d’expertise en interne, les institutions européennes s’appuient sur les connaissances apportées par les lobbys pour produire la loi. Ces derniers seraient donc essentiels au bon fonctionnement de la machine. Aujourd’hui, plus de 12 000 lobbys sont enregistrés dans le registre de transparence, une obligation pour pouvoir mener des actions d’influence.


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Les associations défendant l’intérêt général, elles, utilisent l’influence uniquement depuis les années 1990 avec une progression croissante de ce mode d’action au fil des décennies  : « Ces salariés d’associations en charge de promouvoir la ligne politique de l’organisation qui les emploie ont vu leur nombre et leurs attributions augmenter de manière exponentielle au cours de ces vingt dernières années », écrivait en 2015 Étienne Ollion, directeur de recherche en sociologie au CNRS. Aujourd'hui, plus de 3 000 organisations non gouvernementales et associations sont enregistrées dans le registre européen (toutes ne représentent pas l'intérêt général). Certaines associations privilégient ce mode d’action alors que d’autres préfèrent investir dans la mobilisation publique.

 

Un travail probablement plus compliqué après les élections européennes

 

Mais alors, qu’est-ce qui les différencie des lobbyistes industriels ? « Nous portons des messages alignés sur les recommandations des scientifiques alors qu’eux portent des messages alignés sur les intérêts de l’entreprise », tranche Estelle. Même point de vue du côté d’Olivier qui estime porter la voix de l’intérêt général : «  Une grosse partie de notre travail, c’est de la pédagogie. Nous mâchons les données scientifiques pour qu’elles soient compréhensibles par le politique et transférables dans la législation. » Grâce à ce positionnement d’expert, il est régulièrement appelé par les équipes des députés qui souhaitent l’avis de Reclaim Finance sur la rédaction d’un amendement.

« Vous ne tenez pas le même discours à un parlementaire de droite et un de gauche. » Olivier Guerin, Reclaim Finance.

Connaissance, mais aussi un peu de persuasion : « Vous ne tenez pas le même discours à un parlementaire de droite et un de gauche. Vous adaptez vos arguments », explique Olivier Guérin.

Les élections qui se tiendront en juin vont très certainement redessiner le visage du Parlement européen. Selon les sondages, le nombre de députés à droite et à l’extrême droite, loin d’être pro-environnements, devrait s’accroître. « Un parlement plus conservateur rendrait notre travail plus compliqué », juge le chargé de plaidoyer pour Reclaim Finance. « Il faudra voir si leurs déclarations anti-climat sont des positions électorales ou s’il s’agit d’une conviction profonde ».

 

Théo Nepipvoda

 

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