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Par Carenews INFO - Publié le 21 février 2023 - 15:57 - Mise à jour le 23 février 2023 - 14:37 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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Nucléaire, lobbying, professionnalisation… Comment Greenpeace s'est transformée en 50 ans

De 1971 à aujourd’hui, Greenpeace a profondément changé, s’adaptant aux époques et à leurs luttes, tout en conservant l’esprit pirate des débuts. Modes d'action, position sur le nucléaire, évolution des effectifs. Découvrez ce qui a changé depuis la création.

Action sur le Christ rédempteur à Rio en 2006. © Greenpeace / Daniel Beltrá
Action sur le Christ rédempteur à Rio en 2006. © Greenpeace / Daniel Beltrá

 

Aujourd’hui, le vert de Greenpeace recouvre une partie du globe. Afrique du Sud, Brésil, Chine… L’ONG est présente dans 55 pays, mise en marche par près de 2 500 salariés et 3 millions d’adhérents. En France, Greenpeace s'est imposée comme l'une des principales structures de lutte écologiste. Un mastodonte de la lutte environnementale, ayant conservé l’esprit pirate des premiers jours. 

Les premiers jours, c’est en 1971. Quelques militants pacifistes et écologistes, tous nord-américains, un vieux chalutier, le Phyllis Cormack, rapidement renommé Greenpeace. Leur mission commune : protester contre les essais nucléaires américains qui doivent se dérouler au large de l’Alaska. Ils vont être interceptés en moins de deux par les garde-côtes. Un échec… ou pas. « En rentrant au port de Vancouver, ils ont vu que leur tentative avait créé un certain espoir et que beaucoup de gens les attendaient », narre Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace.

 

L'équipe à bord du Phyllis Cormack pour la première expédition. © Greenpeace / Robert Keziere
L'équipe à bord du Phyllis Cormack pour la première expédition. © Greenpeace / Robert Keziere

 

Une sorte de périple initiatique duquel est née Greenpeace. Durant les années 70, l’association traverse l’Atlantique, et s’installe dans plusieurs pays du Vieux Continent. En 77, l’aventure débute en France. Des bureaux sont également créés aux Pays-Bas, ou bien en Allemagne.

Un contexte historique propice

Pourquoi le phénomène Greenpeace prend-il si vite ? « Le contexte historique est particulier. L’arme nucléaire, présente depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, devient réellement massive avec de plus en plus de pays qui s’équipent. Et puis, il y a une prise de conscience environnementale, même si elle reste marginale. De plus en plus de personnes se préoccupent de l’état des écosystèmes. D’ailleurs, Les Amis de la Terre ont vu le jour à la même période », explique Jean-François Julliard.

Les actions se multiplient alors, majoritairement contre l’arme nucléaire et pour la protection de la vie sous-marine. La médiatisation grandit. Notamment grâce à une certaine Brigitte Bardot. 1977, l’actrice qui a déjà accédé au statut de mythe est photographiée lors d’une expédition avec Greenpeace, serrant un phoque mignon dans ses bras. Photographie mémorable.

L’ONG développe une formule qui fonctionne : de la communication, de l’émotion et de la production de contenus scientifiques. Les actions spectaculaires permettant de toucher le plus de monde et ainsi de trouver des donateurs. D’ailleurs, le premier salarié de Greenpeace était chargé de la production photo, un symbole.

Les activistes endossent régulièrement le costume et la cravate pour mener les activités de lobbying, élément peut-être moins connu du grand public, mais rouage essentiel de l’activité de Greenpeace encore aujourd’hui.

 

Comment l’organisation s’est-elle structurée ?

De plein d’organisations nationales à une structuration internationale. Greenpeace International est créée en 1979 et acte la structuration de l’organisation et de ses actions. « L’ONG commence à avoir des salariés. Il y a des échanges plus structurés et une coordination plus importante entre les entités de Greenpeace. Des réunions internationales se montent, un cadre se met en place », commente Jean-François Julliard. Un fonctionnement conjoint, avec des thématiques et un agenda partagés qui va perdurer dans le temps.

Les combats spectaculaires s'enchaînent, commençant à faire les choux gras des chaînes de télévision. Comme au Canada, en 1982, quand des militants vaporisent des phoques du Groenland avec du colorant pour rendre leurs fourrures inutilisables. Ou à plusieurs reprises quand des militants s’opposent au déversement de déchets nucléaires par des navires. Ces déversements ne seront interdits qu’en 1993. 

Protestation contre le déversement de déchets radioactifs en 1982 en Atlantique. © Greenpeace / Pierre Gleizes
Protestation contre le déversement de déchets radioactifs en 1982 en Atlantique. © Greenpeace / Pierre Gleizes

Le Rainbow Warrior a tout changé 

S’ il y a un événement qui va bouleverser l’histoire de Greenpeace, c’est celui-ci. 1985, port d’Auckland. Les époux Turenge, en réalité deux agents de la DGSE, collent deux mines au bateau de l’association, un certain Rainbow Warrior. Coque explosée, navire évacué. Un photographe néerlandais d'origine portugaise, Fernando Pereira, meurt piégé à l’intérieur. Ce drame aura des conséquences politiques. Le ministre de la Défense Charles Hernu démissionnera, le patron de la DGSE sera limogé. 

 

Le Rainbow Warrior après le sabotage à Auckland en Nouvelle-Zélande en 1985.  © Greenpeace / John Miller
Le Rainbow Warrior après le sabotage à Auckland en Nouvelle-Zélande en 1985.  © Greenpeace / John Miller

L’ONG Greenpeace comprend à ce moment-là qu’elle fait peur aux décideurs politiques. « Si l’État français a été capable de faire cela, c’est que Greenpeace est vraiment devenue gênante pour un certain nombre d’États. Si nous sommes gênants, c’est qu’on commence à avoir un impact », estime Jean-François Julliard. Greenpeace France fermera pour deux années à la suite du drame.

 

Une évolution des thématiques traitées

Petit à petit, Greenpeace s’intéresse à d’autres thématiques. À chaque décennie, ses marottes. En France, la lutte contre la déforestation, contre les OGM et contre le réchauffement climatique vont donner le la durant les années 90 et 2000. Puis vient la réflexion autour de thématiques comme l’alimentation et la mobilité. Bien sûr, des classiques restent : la lutte contre le nucléaire et la méthode efficace, faites de documentations scientifiques puis d’actions coup de poing.

Tout cela s’accompagne d’une deuxième phase de structuration dans les années 90 et 2000. Des bureaux ouvrent sur de nouveaux continents, Greenpeace cesse d’être une organisation occidentale. Greenpeace s’installe en Chine en 1997, Greenpeace Africa voit le jour en 2008. L’ONG commence à être ce qu’elle est aujourd’hui. D'ailleurs, la taille de l’organisation est plus ou moins restée la même depuis, notamment en termes de salariés.

 

Greenpeace, de trublion à acteur de premier plan

En parallèle, l’image de Greenpeace auprès des citoyens évolue. « À l’époque du Rainbow Warrior, les gens nous voyaient comme des agitateurs, une bande de joyeux lurons à qui on accordait pas beaucoup de crédibilité. Aujourd’hui, notre image est plus crédible grâce à notre expertise et la production de documentation » , retrace Jean-François Julliard. Une structure perçue également comme indépendante puisqu’elle est financée à 100 % par des dons privés.

En France, certaines opérations médiatiques conservent pourtant le caractère clivant du début. Comme les intrusions dans des centrales nucléaires, devenues la marque de fabrique de Greenpeace. En 2012, un militant atterrit en parapente dans la centrale de Bugey dans l’Ain. L’objectif : montrer la vulnérabilité qui persiste dans les centrales. Mais les citoyens comprennent que Greenpeace, ce n’est pas juste ça. Une organisation à deux jambes, le coup d’éclat d’un côté, les contenus étayés de l’autre.

 

2012, action à la centrale nucléaire de Bugey dans l'Ain. © Lagazeta / Greenpeace
2012, action à la centrale nucléaire de Bugey dans l'Ain. © Lagazeta / Greenpeace

 

Un retournement de l’opinion sur le nucléaire

Les années 2010 vont marquer un changement de cap pour l’organisation dans l’Hexagone. L’opinion devient de plus en plus favorable à la production d’énergie nucléaire. Greenpeace est alors obligée de se repositionner. « Quand je suis arrivé il y a dix ans, la campagne nucléaire était la priorité de Greenpeace France », se rappelle Jean-François Julliard. « Aujourd’hui, ce n’est plus le cas puisque la priorité est la sortie des énergies fossiles, c’est là-dessus que nous mettons l’accent en termes de moyens humains et financiers. Nous dépensons plus dans les campagnes énergie fossile, climat transversal, agriculture, alimentation, que sur notre campagne nucléaire. » 

Prise de conscience massive de la population concernant le réchauffement climatique, rôle accru des organisations environnementales à ce sujet, Greenpeace se dote alors de nouvelles compétences pour proposer de nouveaux modes d’action. Attaque en justice notamment de l’État avec l’Affaire du Siècle, mais également analyse des rapports d’activité des grandes entreprises. Elle s’arme pour gagner en efficacité dans la lutte à venir.

 

Célébration du jugement historique de l'Affaire du Siècle.  Emeric Fohlen / L'Affaire du Siècle
Célébration du jugement historique de l'Affaire du Siècle.  © Emeric Fohlen / L'Affaire du Siècle

 

Aujourd’hui, même si Greenpeace continue les actions spectaculaires, d’autres structures endossent le rôle de trublion auprès de l’opinion publique, reléguant Greenpeace à un rôle plus classique. Extinction Rébellion, Just Stop Oil ont agité les débats ces dernières années. Des petites sœurs de Greenpeace adeptes des actions médiatiques, très visuelles, allant jusqu’à recouvrir les tableaux d’art de soupe. Reste que depuis sa naissance en 1971, Greenpeace a véritablement défini la lutte environnementale et ses modes d’actions.

 

Théo Nepipvoda

 

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