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Par Carenews INFO - Publié le 23 mai 2024 - 09:00 - Mise à jour le 23 mai 2024 - 09:00
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Chute des dons d’invendus aux épiceries solidaires : Andès France sonne l’alarme

Alors que le nombre de bénéficiaires des épiceries solidaires a augmenté du fait de l’inflation, le volume des dons des grandes surfaces a diminué d’un tiers en 2023. Un constat alarmant tiré du bilan annuel d’Andès.

En 2023, les épiceries solidaires ont enregistré une baisse de près d'un tiers des dons d'invendus qui leur sont faits par la grande distribution. Crédit : Andès.
En 2023, les épiceries solidaires ont enregistré une baisse de près d'un tiers des dons d'invendus qui leur sont faits par la grande distribution. Crédit : Andès.

 

29 % de dons d’invendus en moins aux épiceries solidaires de la part des grandes surfaces : c’est le chiffre qu’a révélé le dernier rapport annuel de l’Association nationale de développement des épiceries solidaires (Andès France). Face à cet effondrement des dons, 38% des épiceries du réseau ont dû réduire les quantités ou la qualité des denrées qu’elles distribuent. 

Pourtant, selon le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc), 16 % des Français souffrent de précarité alimentaire. Les plus touchés étant les femmes, les jeunes, les retraités et les travailleurs modestes. Près de la moitié (45 %) affirment ne pas pouvoir consommer ce qu'ils souhaitent. Aussi, entre 2021 et 2023, les épiceries solidaires, qui permettent aux personnes fragilisées d’acheter des produits de qualité à des coûts réduits (10 à 30 % de leur valeur marchande), ont vu leurs bénéficiaires augmenter de 31 %. 

Avec plus de 600 épiceries solidaires qui accompagnent plus de 230 000 personnes par an, Andès est le 1er réseau d'épiceries solidaires en France. 

 


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Un effondrement en volume et en qualité

 

Au-delà d'un seuil réglementaire de 400 m², les grandes surfaces sont tenues de proposer un conventionnement avec une association d’aide alimentaire pour définir les modalités de don de leurs invendus. 

Si l’obligation est toujours en vigueur, l’adoption de plusieurs lois anti-gaspillage applicables à ces grandes surfaces constitue la première raison de la chute des dons. ​​« Concrètement, les grandes surfaces ont été obligées de mettre en place des mesures d’optimisation de leur logistique, indique Christelle Perrin, directrice du pôle communication à Andès. Cela signifie qu’elles gèrent globalement mieux leurs approvisionnements et qu’elles ont donc moins d’invendus ». Ce qui signifie, par ricochets, moins de dons à fournir aux associations. 

Une autre raison se situe du côté des dispositifs anti-gaspi qui se font, quant à eux, en aval de la chaîne. Il s’agit par exemple des paniers antigaspi, des prix cassés sur les produits proches de leur date de péremption… « Ces dispositifs se sont systématisés dans quasiment tous les magasins de la grande distribution. Alors que ces produits revenaient aux associations, ils sont désormais vendus jusqu’au dernier moment », explique Christelle Perrin. Ce qui n’est pas vendu ne peut alors plus être récupéré car les dates de péremption sont soit déjà passées, soit trop proches de leur échéance. En effet, les denrées périssables qui sont données dans le cadre des invendus doivent l'être, en principe, au moins 48 heures avant l'échéance de leur date limite de consommation.

De plus, par définition, ces produits qui restent jusqu’à très tard en rayon sont des produits dont personne ne veut et qui ne correspondent pas aux besoins des personnes accompagnées dans le cadre des épiceries solidaires. 

Alors que les dons étaient auparavant constitués de yaourts, de fromages, de produits frais qui se périment assez vite mais qui étaient intéressants d’un point de vue nutritionnel, ce qui reste aujourd’hui, ce sont « généralement des produits hyper transformés, comme des sandwichs triangles, déplore Christelle Perrin. Nous ne sommes plus sur les mêmes segments de produits. »

 

des conséquences lourdes pour l’équilibre budgétaire des épiceries solidaires…

 

La baisse des dons d’invendus alimentaires est une situation sur laquelle certaines épiceries solidaires alertent depuis des années. Pourtant, du fait de situation locales très contrastées, il était jusqu’alors difficile d’établir un chiffre global. « Certaines épiceries solidaires faisaient part du fait qu’il n’y avait plus de ramasse dans leur secteur, mais au niveau global la situation restait plutôt équilibrée », explique Christelle Perrin.

« L’an dernier, pour la première fois, les dons se sont effondrés pour tout le monde ». Cette baisse consolidée des dons d'invendus a des conséquences financières importantes pour les épiceries solidaires. « Certains produits comme les produits frais doivent désormais être achetés par les épiceries, or ce sont des produits coûteux auxquels s'ajoute l’inflation. »

Face à cela, pendant plusieurs années les subventions n’ont pas augmenté, alors même que le nombre de personnes accompagnées a explosé. En 2024, pour la première fois, la subvention principale pour les achats de produits, le « crédit national pour les épiceries solidaires » (Cnes), va sensiblement augmenter.

Un nouveau fonds doit également voir le jour : le fonds pour l’aide alimentaire durable, dans le cadre du programme Mieux manger pour tous. Ce fonds doit permettre d’améliorer la qualité nutritionnelle et gustative de l’approvisionnement en denrées de l’aide alimentaire, mais aussi de soutenir la participation et l’accompagnement des personnes en situation de précarité alimentaire dans l’évolution des pratiques alimentaires. 

« De belles dynamiques se mettent en place, note Christelle Perrin. Même si ça ne permet pas encore de retourner à l’équilibre budgétaire ». En effet, « la baisse des ramasses est une tendance observée depuis plusieurs années et il ne risque pas d’y avoir de retour en arrière ». 

 

…. Face auxquelles les épiceries tentent de s’organiser

 

Face à cette tendance qui s’installe, les épiceries solidaires tentent de trouver de nouvelles façons de s’organiser. Elles cherchent toujours à impliquer la grande distribution, mais d’une façon différente. De plus en plus de collectes basées sur la générosité du grand public sont ainsi organisées, tout en faisant en sorte que les grandes surfaces y participent par un abondement financier ou en produits. Elles cherchent également à pousser les campagnes d’arrondis en caisse pour les aider à se financer.

Autre solution mobilisée par les épiceries : développer des partenariats d’achat solidaire avec les producteurs. Dans le meilleur des cas, ces partenariats leur permettent d’acheter le produit à prix coûtant directement chez le producteur. « Même si l'achat restera toujours beaucoup plus cher que le don, ces partenariats nous permettent d’acheter le mieux possible », explique Christelle Perrin.

 

La justice alimentaire en danger

 

Malgré la mobilisation des épiceries solidaires pour tenter de limiter l’impact de cette baisse des dons, les conséquences se font ressentir sur le terrain. 

Dans les épiceries solidaires, le nombre de personnes accompagnées chaque mois est maîtrisé. « Ce qui peut arriver c’est de refuser des personnes en amont si le quota est plein », note toutefois Christelle Perrin. Suite à l'inflation, près de 40 % des épiceries du réseau ont mentionné qu’elles devaient réduire les quantités distribuées. L’augmentation du prix de l’énergie a également pu les amener à faire des choix : « certaines ont arrêté de distribuer des produits surgelés du fait des coûts des congélateurs, qui augmentaient trop la note d’électricité », explique la directrice du pôle communication d’Andès.

« C'est un contexte global défavorable sur les coûts », résume-t-elle. Les épiceries solidaires essaient de faire au mieux, tout en essayant de continuer à distribuer des produits de bonne qualité. La diversité de produits reste en effet importante pour les épiceries solidaires qui s’inscrivent, au-delà d’une démarche d’aide alimentaire, dans une dynamique de justice alimentaire. Il s’agit en effet, pour ces réseaux solidaires, de faire en sorte que toutes les personnes, y compris celles en difficultés, puissent avoir accès à une alimentation de qualité et durable. 

 

Félicité Dussel 

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