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Par Carenews INFO - Publié le 14 novembre 2025 - 15:36 - Mise à jour le 14 novembre 2025 - 15:55 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Crise dans la solidarité internationale : comment les ONG peuvent-elles s’adapter ?

Les ONG de solidarités internationales françaises rencontrent une crise multifactorielle, souligne Coordination Sud, une organisation qui rassemble des ONG de solidarité internationale française. Elle a récemment publié une étude se penchant cette crise et les stratégies d’adaptation mises en place par les organisations pour y faire face.

Pour les auteurs de l'étude, les organisations de solidarité internationale doivent repenser leurs choix stratégiques à l'aune d'un contexte mondial transformé. Crédit : iStock / Marina Danchenko
Pour les auteurs de l'étude, les organisations de solidarité internationale doivent repenser leurs choix stratégiques à l'aune d'un contexte mondial transformé. Crédit : iStock / Marina Danchenko

 

Démantèlement de l’Usaid aux États-Unis, réduction de l’aide publique au développement en France et en Europe : depuis plus d’un an, les organisations de solidarité internationale ont été marquées par des réductions de financement drastiques, menaçant leur modèle.  

Ces difficultés s’inscrivent dans un cadre international plus large pesant sur la solidarité internationale, soutient le réseau Coordination Sud, organisation rassemblant plus de 170 ONG françaises de solidarité internationale, dans une étude publiée récemment. Intitulée « Poursuivre, s’adapter ou se réinventer face à des vents contraires » et lancée en juin 2025, cette dernière est basée sur des entretiens avec plusieurs ONG du secteur.   

« Pour la première fois depuis plus de vingt ans, le nombre de régimes autocratiques (91 pays) dépasse celui des démocraties (88 pays), avec une part actuelle d’environ 72 % de la population mondiale vivant désormais sous des régimes autoritaires », relèvent les auteurs de l’étude. Ils mettent notamment en avant la montée en puissance d’une « vague conservatrice et autoritaire » mondiale, accompagnée d’une « vague d’affaiblissement du multilatéralisme et de remise en cause de la "domination occidentale" », chamboulant les activités des organisations. 

De ce contexte, découle en effet selon eux, une série de remise en question de la solidarité internationale, parmi lesquelles la baisse des financements, mais aussi un recul du droit international humanitaire, une restriction des libertés civiques dans certains États, ou encore une montée en puissance des enjeux sécuritaires, rendant plus difficile la mobilité des associations. 

 

La légitimité des organisations de solidarité internationales en question  

  

L’étude évoque également les débats sur la « localisation » de l’aide, un « sujet montant depuis plusieurs années », et qui consiste à « placer les acteurs et actrices locales en première ligne dans les activités de solidarité internationale ».  

Ces discussions s’inscrivent dans des contextes géopolitiques parfois défavorables aux organisations de solidarité internationale françaises. Par exemple, « la légitimité du secteur de la solidarité internationale française est bousculée, en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, par l’accélération du mouvement de "dégagisme", dont témoigne une partie des opinions publiques et par un sentiment "anti-Français" grandissant ». Tout en soulignant une instrumentalisation par certains  gouvernements, les auteurs insistent sur une confrontation du secteur « aux limites des approches traditionnelles de leurs relations partenariales ». 

Dans ce contexte, ils se penchent également sur les réponses mises en place par les organisations interrogées. Concernant la remise en cause de la légitimité des organisations de solidarité internationale par exemple, les réponses évoquées par les organisations consistent à « mener son introspection », à « repenser la communication pour dépasser les biais de langage », à « rééquilibrer les rôles » et « faire évoluer les modèles de financement » pour sortir les organisations locales « des schémas de dépendance habituels », ou encore à « redonner du pouvoir dans la conception de leurs projets ». 

 

Face à la réduction des financements, un resserrement des activités et une « sidération »

 

Confrontées à la réduction massive des financements et donc à la nécessité de réduire leurs activités, « certaines organisations expriment la volonté de se recentrer sur une "niche" ou un "cœur de métier", pour lequel elles pensent avoir une expertise reconnue et un "avantage comparatif" », rapportent encore les auteurs de l’étude. L’adaptation à la baisse des financements passe également par une réduction des équipes, la mutualisation de certaines ressources ou encore des stratégies de diversification des financements quand elles sont possibles. 

 


À lire aussi : La déception des ONG de solidarité internationales à l’issue de la conférence de Séville 


 

Néanmoins, les auteurs de l’étude remarquent une difficulté pour les organisations à sortir de leur « modèle économique » actuel, surtout dans « une période de changements brutaux provoquant la sidération et l’instinct de survie », ainsi qu’une influence limitée des organisations de solidarité internationale pour faire évoluer la situation qu’elles subissent. « Parmi les propositions, nous avons entendu celle de mener un plaidoyer concerté au niveau des député·es, pour tenter de contrer les baisses de subventions », notent-ils. 

 

La situation qui ne devrait pas, selon nous, connaître de retour en arrière, du moins pas vers le contexte que nous avons connu ces dernières décennies, et que l’on pourrait qualifier de "Trente Glorieuses des organisations de solidarité internationale", de la chute du Mur de Berlin à la pandémie de Covid ». Coordination Sud.

   

« Un monde nouveau » pour les organisations de solidarité internationale 

  

D’une manière plus globale, les auteurs de l’étude évoquent pour décrire le contexte international, un « monde nouveau », soulignant « une situation qui ne devrait pas, selon nous, connaître de retour en arrière, du moins pas vers le contexte que nous avons connu ces dernières décennies, et que l’on pourrait qualifier de "Trente Glorieuses des organisations de solidarité internationale", de la chute du Mur de Berlin à la pandémie de Covid ». 

Dans ce contexte, les organisations de solidarité internationale doivent apprendre à travailler différemment « sans nécessairement avoir le temps de repenser leur modèle plus globalement ». Elles développent des stratégies de « contournement d’entraves », décrivent les auteurs. « Le risque de ces stratégies, qui visent le maintien de l’action, est de se situer davantage dans une optique défensive de  “sauvegarde”, plutôt que de "transformation". Et le danger soulevé par certaines organisations est que ces aménagements de sauvegarde finissent par les mettre en porte-à-faux avec leur mission initiale », alertent-ils.  

  

Un appel au repositionnement stratégique 

  

Pour les auteurs de l’étude, le travail de réinvention des organisations de solidarité internationale doit donc passer « par une série de grands choix stratégiques ». « Après le premier temps de la sidération, après le second temps du“bricolage” pour continuer à faire ce que l’on fait, vient le temps des changements à opérer », mettent-ils en avant. 

Face à l’hétérogénéité des réponses, les auteurs alertent cependant « sur un risque de tensions et de scissions, au sein des organisations, mais aussi entre elles ». Ils proposent plusieurs pistes, incluent davantage de collaboration au sein du secteur ainsi qu’« une reprise du contrôle du narratif de manière collective, grâce à une communication à la hauteur, en ce qui concerne les messages mais aussi les canaux et les formats de diffusion ». 

 

Élisabeth Crépin-Leblond 

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