En plein vote du PLF, les associations alertent sur l’augmentation de la précarité énergétique
Une semaine avant la journée nationale contre la précarité énergétique, qui aura lieu le 12 novembre prochain, la Fondation abbé Pierre, le Réseau action climat, le collectif Rénovons et les Territoires zéro exclusion énergétique lancent un cri d’alerte à l’intention des pouvoirs publics.
« 12 millions de personnes souffrent de la précarité énergétique en France », s’indigne Christophe Robert, directeur général de la Fondation abbé Pierre, lors d’une conférence de presse réunissant plusieurs associations, une semaine avant la journée nationale contre la précarité énergétique prévue le 12 novembre.
Parmi les ménages qui souffrent de la précarité énergétique, près de 60 % sont locataires, rappellent le directeur de la fondation, en s’appuyant sur le baromètre réalisé par le Médiateur national de l’énergie du 4 au 18 septembre 2023, auprès d’un échantillon représentatif de 2 002 foyers en France.
Ce baromètre révèle notamment que 26 % des ménages interrogés ont déclaré avoir souffert du froid, contre 14 % en 2020. Parmi eux, 34 % indiquent avoir un logement mal isolé et 14 % font état d’une installation de chauffage insuffisante. En parallèle, le nombre de ménages ayant souffert de la chaleur a quant à lui augmenté de 26 % en dix ans, rapporte la Fondation abbé Pierre.
Des impacts lourds sur la santé
« Nous sommes dans une situation qui témoigne d’une forte dégradation de la situation », s’inquiète Christophe Robert, avec pour cause principale la hausse des prix de l’énergie et l’augmentation des privations matérielles supportées par les ménages.
En parallèle, l’Observatoire nationale de la précarité énergétique (ONPE) a recensé en 2023 4,8 millions de logements considérés comme des passoires thermiques, c’est-à-dire ayant un diagnostic de performance énergétique classé F et G.
« Vivre dans un logement froid affecte grandement la santé et l’exclusion des personnes », appuie Christophe Robert rappelant que les personnes exposées à la précarité énergétique sont en moins bonne santé que les autres.
Selon une étude menée par la Fondation abbé Pierre et le Centre régional d'études et d'informations pour la santé et le handicap (CREAI-ORS) du Languedoc-Roussillon, 48 % des adultes exposés à la précarité énergétique souffrent de migraines et 22 % de bronchites chroniques contre 32 % et 10 % des personnes qui n’y sont pas exposées. Les enfants exposés, quant à eux, souffrent à 30 % de sifflements respiratoires, contre 7 % chez les autres.
Selon une autre étude du ministère de la Transition écologique, la rénovation des 1,7 million de passoires énergétiques du parc locatif privé d’ici à 2028 et des 1,9 million de logements dont le DPE est classé E d’ici 2034 permettrait de prévenir le décès de plus de 10 000 personnes.
L’accès au chèque énergie en question
Pour lutter contre la précarité énergétique et ses effets néfastes, les associations appellent les pouvoirs publics à se saisir du problème. La Fondation abbé Pierre en particulier souhaite une augmentation du chèque énergie, dont le montant moyen de 150 euros n’a pas évolué depuis 2019 malgré l’inflation.
« Le dispositif est également menacé par une réforme qui prévoit de mettre fin à son versement automatique », alerte Christophe Robert qui demande la conservation du revenu fiscal de référence comme critère pour verser le chèque.
Le directeur général de la fondation critique le choix du gouvernement de généraliser le passage par la plateforme en ligne dédiée, qui n’a permis pour l’instant de ne recenser que 120 000 ménages sur le million concerné. La fondation appelle également à inscrire dans la loi l’interdiction toute l’année des coupures d’électricité et de les remplacer par une réduction de puissance.
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La réduction de MaPrimeRénov dans le viseur
« L’absence de rénovation des logements est véritable fléau social et un enjeu climatique majeur », appuie de son côté Morgane Créach, directrice générale du Réseau action climat. « Procrastiner à ce point est irresponsable », dénonce-t-elle en mentionnant la réduction du budget alloué au dispositif MaPrimeRénov et en alertant sur les impacts du réchauffement climatique.
Le projet de loi de finances 2025 prévoit en effet une réduction d’1,5 milliard d’euros du budget alloué à la prime dédiée à la rénovation énergétique, pour passer ce dernier de 4 à 2,5 milliards d’euros. Cette diminution est justifiée par le gouvernement par une « sous-consommation » des crédits en 2024 et par la nécessité de réduire les dépenses de l’Etat.
« Cette logique est construite à l’envers », dénonce Damien Barbosa, coordinateur du collectif Rénovons. Pour ce responsable associatif, la non-saisie de la prime par les ménages s’explique avant tout par un déficit de confiance face aux fraudes et à un système trop complexe, et par un « stop and go » des pouvoirs publics au sujet du budget alloué à la prime. « Il faut de la stabilité et garantir un niveau de financement égale à celui de l’année dernière », plaide-t-il.
Pour Sébastien Arles, adjoint au maire de Marseille en charge de la transition écologique, de la lutte et de l’adaptation au bouleversement climatique et prenant la parole au nom des Territoires zéro exclusion énergétique, il faut également sensibiliser et former plus de professionnels à la question de l’éco-rénovation des bâtiments pour permettre le bon déploiement du dispositif.
« L’autre enjeu est de réduire notre dépendance énergétique », soutient-il, en citant l’exemple des communautés locales de l’énergie expérimentées à Marseille. Ces entités juridiques permettent aux citoyens, aux petites entreprises et aux autorités locales de produire, de gérer et de consommer leur propre énergie.
Élisabeth Crépin-Leblond