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Par Carenews INFO - Publié le 28 mai 2024 - 08:00 - Mise à jour le 28 mai 2024 - 08:00
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TRIBUNE - L’économie sociale et solidaire, remède à la fièvre sociale

Dans la série La Fièvre, associations et coopératives apparaissent comme des solutions susceptibles d'apaiser la société lorsqu'elle s'enflamme, soulignent Marlène Schiappa et Matthias Savignac dans cette tribune. Cette forme d'économie, qui privilégie la coopération plutôt que la compétition, regroupe plus de 10 millions d'organisations dans le monde. L'ONU en a fait l'un des outils de résolution des objectifs de développement durable. 

La série La Fièvre, disponible sur Canal +, valorise les initiatives d'économie sociale et solidaire comme des solutions pour apaiser la société française. Crédit : Canal + / Quad+Ten
La série La Fièvre, disponible sur Canal +, valorise les initiatives d'économie sociale et solidaire comme des solutions pour apaiser la société française. Crédit : Canal + / Quad+Ten

 

La nouvelle série d’Éric Benzekri, La Fièvre, a été très commentée et analysée. La presse est unanime : cette série décrit avec précision les maux de la société française. À tel point que son créateur est même convié à analyser la situation politique actuelle et à partager ses prédictions dans les plus grands thinks tanks. Avec un talent certain de conteur politique, Eric Benzekri met en scène dans cette série les grands clivages de l’époque autour de la « tenaille identitaire » analysée par le politologue, aujourd'hui décédé, Laurent Bouvet.

Politiques, sport-business, médias, agences de communication, humoristes, psychiatres et même familles : dans cette histoire, aucun groupe constitué, aucune corporation ne semble échapper à la fièvre qui s’empare de toute la société pour la cliver violemment. Aucune valeur refuge, aucun groupe stable. Tout est nitroglycérine. Mais dans cette représentation du monde, une entité subsiste qui semble au contraire incarner le retour au calme, l’apaisement, le consensus : c’est l’économie sociale et solidaire. Si elle n’est pas nommée comme telle, elle apparaît pourtant à deux reprises comme solution consensuelle, quasi magique.

 

associations et coopératives mises à l'honneur 

 

D’abord sous sa forme associative. La famille des associations apparaît instinctivement dès lors qu’il faut redorer le blason du footballeur et de son club. Les images montrent le footballeur filmé par des caméras évoquant, avant un match, son soutien à l’engagement associatif. Associations en faveur des enfants des quartiers, des personnes handicapées… quelle que soit la cause à défendre, la simple carte « engagement associatif » brandie dans les médias semble suffire à faire retomber (temporairement) la pression. Avec une réplique majeure : « tout le monde aime les associations. »

Par la suite, une autre famille de l’ESS apparaît comme une solution pour faire baisser la fièvre : la famille coopérative. Tout personnage a besoin d’un méchant à qui s’opposer dans l’histoire pour apparaître comme le héros, selon n’importe quel schéma narratif. Dans La Fièvre, le méchant incontestable – les groupes identitaires des deux bords sont par nature clivants donc soutenus par certains – apparaît sous les traits flous des actionnaires du club de foot. Personnages fantomatiques et très conceptuels, ils forment une sorte de « mon ennemi, c’est la finance » très hollandien.

La solution ? Créer une coopérative dans laquelle le footballeur violent, le coach et la secrétaire-comptable ont tous voix au chapitre des décisions, y compris pour la plus anecdotique, comme savoir si le chien peut rester dans les bureaux du club. Les rares scènes de connivences de la série se déroulent autour de ce schéma coopératif et de son apprentissage de la démocratie. Ces scènes offrant parmi les seuls sourires de plusieurs des personnages de l’histoire, habituellement plus sombres.

 

L'ESS, un amortisseur de crise

 

Cette mise en valeur est salutaire et doit être soulignée. Oui, l’ESS est un amortisseur de crise. Ce que montre La Fièvre, l’ESS le fait dans l’ombre (autre titre de série politique…) de longue date. Les structures de l’ESS, depuis des générations, n’ont d’ailleurs pas attendu les crises pour être des lieux de démocratie, d’engagement, de solidarité, de non-lucrativité. Elles sont trop peu mises en valeur, sacrifiées dans la communication sur l’autel des levées de fonds aussi spectaculaires qu’éphémères, parfois prisonnières du dogme de la sobriété, qui induit que communiquer serait réservé à l’économie capitaliste.

Et parce que ce que fait l’ESS est tellement ancré dans l’inconscient de ceux qui portent ses activités que cela leur paraît normal. Pourtant, de plus en plus de ces organisations franchissent le cap de la performance économique au service de la performance sociale, adaptent leur fonctionnement sans renier leurs valeurs, cherchent à se moderniser pour être mieux comprises.

 

plus de 10 millions d'entreprises sociales et solidaires dans le monde 

 

Il y a à peine un an, sous la double impulsion du secrétariat d’État chargé de l’économie sociale et solidaire français d’alors et du ministère espagnol, l’Organisation des Nations-unies (ONU) adoptait une résolution mondiale inédite en faveur de l’économie sociale et solidaire comme outil de résolution des objectifs de développement durable (ODD). Nous étions à l’ONU, avec d’autres acteurs, pour prendre la parole et défendre la vision française de cette économie de la poignée de main, et non de la main tendue, trop souvent narrée comme une économie de la réparation alors qu’elle sait aussi être performante.

Appartenir à l’ESS est aujourd’hui une valeur ajoutée certaine. La Fièvre le démontre mieux que n’importe quel discours. Ce n’est pas un hasard si Système U décide par exemple de se rebaptiser Coopérative U et d’assumer son identité démocratique et redistributive en 2024. En France, des coopératives agricoles aux lamaneurs de Marseille, les coopératives cartonnent. Et comme le clame Coop FR, tous les secteurs n’ont pas vocation à appartenir à des modèles lucratifs. La Fondation Schwab, une organisation sœur du World Economic Forum, vient par exemple de recenser pas moins de 10 millions d’entreprises sociales et solidaires dans le monde !

Si l’ESS n’est pas toujours nommée comme telle lorsqu’il s’agit de mettre en lumière ses familles (fondations, mutuelles, coopératives, sociétés commerciales de l’ESS…) réjouissons-nous qu’elle véhicule dans l’imaginaire collectif des valeurs positives. Cette économie qui privilégie la coopération face à la compétition peut, comme le raconte Benzekri, résoudre bien des crises. Et faire redescendre la température.

 

Matthias Savignac, président du groupe MGEN

Marlène Schiappa, ancienne ministre de l’économie sociale et solidaire, présidente d’Actives et associée de Tilder

 

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