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Par Carenews INFO - Publié le 7 décembre 2023 - 10:00 - Mise à jour le 7 décembre 2023 - 11:01 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Logement : les inégalités creusent la précarité, alerte Oxfam

Dans son rapport « Logement : inégalités à toutes les étapes », publié lundi 4 décembre, l’ONG Oxfam alerte sur la crise du logement en France et fait le constat d’une explosion des inégalités dans ce secteur.

Le rapport met en lumière les mécanismes de la crise du logement en France. Crédits : iStock
Le rapport met en lumière les mécanismes de la crise du logement en France. Crédits : iStock

 

En se basant notamment sur les chiffres fournis par l’Insee, l’ONG met en lumière l’accroissement des inégalités qui touchent la question du logement en France. Sa part occupe une place de plus en plus importante dans les budgets des Français.

En moyenne entre 2001 et 2020, les prix de l’immobilier ont augmenté de 125,6 % en France. Les revenus bruts des ménages n’ont quant à eux progressé que de 29 %. « Autrement dit, en vingt ans les prix des biens immobiliers ont augmenté 4 fois plus vite que les revenus », montre l’ONG qui compare la crise du logement à « une bombe sociale à retardement ». 

Car en parallèle, le nombre de résidence des populations les plus riches a augmenté. 3,5 % des ménages français détiennent aujourd’hui plus de 5 logements, soit 50 % des logements mis en location par des particuliers en France, note Oxfam. 

Une inégalité qui se constate entre les territoires. En France, 37,8 millions de logements sont recensés pour 68 millions d’habitants, soit un logement pour 1,7 personne. Mais l’offre abordable et suffisante de logements n’est pas équitablement répartie sur le territoire français. Par exemple, ce sont dans les métropoles, où se trouvent le plus grand nombre d'offres d’emplois, que l’accès au logement est le plus difficile, note le rapport.

« Il y a un manque de logement adapté là où le besoin en logement est le plus important », constate Oxfam, qui plaide pour une réponse territorialisée et identifie plusieurs causes à cette crise du logement.


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Le désengagement de l’État accentue la financiarisation du logement

La première réside dans un désengagement progressif de l’État sur la question du logement. D’un soutien massif à la construction après la Seconde Guerre mondiale, l’État français a peu à peu privilégié les aides personnelles au logement. En 2016, l’État a financé la construction de 126 000 logements sociaux, en 2021, 95 000, et en 2022, 96 000.

Un choix politique plus tourné vers l’accession à la propriété qu'auparavant, mais qui a des conséquences. « Le désengagement de la puissance publique laisse une plus grande place à des acteurs financiarisés et à une quête de rentabilité à tout prix », dénonce Oxfam dans son rapport. 

Selon l’ONG, le logement intermédiaire est devenu « un nouveau marché d’investissement privé », ce qui a pour conséquence « de créer des déséquilibres importants entre l’offre et la demande sur le marché du logement ».

Les premiers touchés par cette financiarisation sont les seniors et les étudiants, surreprésentés dans la population des locataires. « L’offre privée augmente fortement et affecte directement le pouvoir d’achat, voire la qualité des logements. Pourtant, avec les 3 millions d’étudiant.es et les plus de 14 millions de seniors (plus de 65 ans), l’enjeu est considérable », rapporte Oxfam. Les investissements dans les résidences étudiantes privées ont ainsi augmenté de 13,7 % entre 2021 et 2022. 

Les femmes, qui représentent 82 % des familles monoparentales, font également partie des populations les plus touchées par la diminution des logements aidés.

 

La fiscalité favorise les inégalités

L’autre phénomène dénoncé par l’ONG est l’existence de niches fiscales. L’ONG en dénombre notamment trois qui auraient coûté 11 milliards d’euros à l'État français en 12 ans. 

Un tel montant « aurait pu permettre la construction de plus de 70 500 logements sociaux supplémentaires », indique-t-elle à titre de comparaison.

La fiscalité creuse les inégalités entre les plus riches et les plus modestes, souvent locataires, montre l’ONG.  Entre 1998 et 2018, « alors que le patrimoine des 10 % les moins bien dotés a été divisé par 2, celui des 10 % les mieux dotés à, lui, été multiplié par 2,25, tiré par l’évolution du patrimoine immobilier et la valorisation de celui-ci ».

Une des conséquences d’une répartition inégale de la propriété est l’augmentation des logements vacants. Entre 2013 et 2018, l’ONG rapporte une hausse de ces derniers de 2,1% par an.

La régulation d’acteurs privés comme Airbnb est également pris en compte par Oxfam. « Une réforme de la fiscalité des plateformes de location courte durée et leur régulation pourraient être un levier essentiel pour la réduction des inégalités de richesses en France », plaide l’ONG. 

 

L’accession à la propriété de plus en plus difficile

Enfin, Oxfam montre que l’augmentation des prix de l’immobilier a « pour effet d’exclure de l’accession à la propriété les plus modestes voire la “classe moyenne” ». 

En 2023, 57,2 % des ménages sont propriétaires de leur résidence principale en France. Une part en légère diminution depuis 2014. 

Surtout l’envol des prix entraîne une augmentation de l’endettement. En 2020, les ménages étaient endettés en moyenne sur 22 ans pour acquérir leur résidence principale contre 15,5 ans en 2000. Un endettement qui pose problème, d’autant « qu’une grande partie du parc est surévaluée, car elle n’a pas bénéficié d’investissement dans sa rénovation énergétique », montre Oxfam. 

La dimension écologique doit être prise en compte pour ne pas laisser s’installer la précarité énergétique, affirme l’ONG. Une précarité qui touche 3 millions de personnes en France, en majorité locataires. « 5,2 millions de passoires thermiques – soit 17 % du parc résidentiel – doivent être rénovées », met en avant Oxfam. 

L’ONG conclut son rapport par une série de propositions centrées autour de quatre recommandations principales : la constitutionnalisation du droit au logement, la restriction ou l’interdiction de la présence d’acteurs financiarisés sur le marché du logement, le renforcement du service public du logement et l’introduction de la possibilité pour les communes d’interdire la mise en location pour une courte durée des résidences secondaires.

 

 

Elisabeth Crépin-Leblond 

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