Les fondations territoriales, pour une philanthropie d’hyper-proximité
On compte une quinzaine de fondations territoriales en France, qui agissent en faveur de l’intérêt général sur un territoire défini, à l’échelle d’un quartier, d’une ville ou d’un département. Exemples avec la Fondation de Lille, la première-née de ces fondations en France, et avec la Fondation territoriale de la Vienne, créée grâce à l’accompagnement d’Admical.

« Au départ, nous étions sept ou huit dirigeants de la section du Centre des jeunes dirigeants (CJD) de Poitiers-Châtellerault à vouloir nous engager sur notre territoire sous forme de mécénat, mais nous ne savions pas du tout comment nous y prendre », raconte Vianney Hamoir. Celui-ci était alors dirigeant dans une coopérative de distribution de la Vienne et membre du CJD. « Nous nous sommes alors rapprochés d’Admical, association qui fédère les entreprises mécènes, pour leur demander conseil. Sans avoir, à l’époque, l’idée de créer une structure à l’issue de notre réflexion. »
« Nous avions une grille d’entrée très simple et finalement assez utilitariste : comment contribuer à rendre notre territoire plus attractif, pour résoudre nos problèmes de recrutement ? », raconte Vianney Hamoir. « Avec la conviction que l’entreprise tire une partie de son dynamisme de ce qu’il se passe sur son territoire, et qu’il est donc juste qu’elle contribue à la qualité de vie de ce territoire. »
Un accompagnement par Admical
Le petit groupe de dirigeants de la Vienne est donc accompagné par Admical, qui lui apporte une méthodologie de projet, l’aide à préciser ses souhaits et à réfléchir aux différents dispositifs existants de mécénat collectif, pour voir lequel serait le plus approprié dans son cas.
« La démarche nous a tellement convaincus que nous avons fini par passer à l’action », sourit Vianney Hamoir. Après quelques mois de réflexion et de préfiguration, le collectif a donc créé la Fondation territoriale de la Vienne, abritée par la Fondation de Lille, qui se définit elle-même comme la première-née des fondations territoriales en France.
Des acteurs philanthropiques d’hyper-proximité
Comme l’explique Delphine Vandevoorde, directrice de la Fondation de Lille, « les fondations territoriales n’ont pas de statut juridique propre : elles peuvent être fondation reconnue d’utilité publique, comme cela est notre cas, fondation abritée, comme la Fondation de la Vienne, ou fonds de dotation ». Néanmoins, elles ont plusieurs caractéristiques, qui avaient été mises en évidence dès 2013 par le Centre français des fonds et fondations (CFF) dans son rapport « Fondations territoriales, pour une philanthropie de proximité ».
Il s’agit d’abord de structures d’intérêt général à but non lucratif, qui sont ancrées dans leur territoire (un quartier, une ville, un département…) et ont des missions multi-causes, visant avant tout à répondre aux besoins de ce territoire. Elles sont créées par un collectif de représentants de la société civile – pas forcément des entreprises –, et sont soutenues par les financements et les dons des habitants ou d’acteurs locaux. On en compte une quinzaine en France. « Il s’agit de structures philanthropiques d’hyper-proximité, qui ont la spécificité de partir des besoins du territoire, souligne Delphine Vandevoorde. Leur action est très complémentaire de celle des autres acteurs philanthropiques. »
Ainsi, la Fondation de Lille, reconnue d’utilité publique depuis 1997 et fondation abritante depuis 2008, intervient sur plusieurs types de causes sur l’ensemble du territoire des Hauts-de-France : l’action sociale de proximité, l’environnement, la culture l’éducation, les projets innovants pour le territoire, etc.
Une quarantaine d’entreprises mécènes réunies dans la Fondation de la Vienne
La Fondation de la Vienne, elle, a la spécificité d'avoir été créée à l'initiative d'entrepreneurs. Elle compte aujourd'hui une quarantaine d’entreprises mécènes impliquées dans la structure, avec la volonté d’accueillir le plus possible d’acteurs économiques du territoire, de toutes tailles, et pas forcément adhérentes du CJD. « Certaines des entreprises mécènes ont peu de moyens et interviennent sur de tout petits montants. Mais c’est la force de cette fondation de mutualiser les montants de mécénat de plusieurs entreprises, pour agir en faveur du territoire », note Vianney Hamoir, qui est devenu président de la Fondation de la Vienne. « La plupart des entreprises impliquée dans la fondation ne faisaient pas de mécénat avant », précise-t-il.
La structure mène en continu un travail pour identifier les problématiques des habitants du département avec ses partenaires du territoire : la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (Ddeets), le conseil départemental, la métropole du Grand Poitiers et d’autres intercommunalités de la Vienne, mais aussi la caisse d’allocations familiales, l’Union départementale des associations familiales ou la Mutualité sociale agricole.
Un rôle d’ingénierie territoriale
Pour démarrer, la fondation, qui a été officiellement lancée en septembre 2023, a choisi de se concentrer sur deux causes : la mobilité pour tous et l’alimentation de qualité pour tous. Elle a ainsi soutenu trois associations du territoire agissant dans ces domaines en 2023, et dix en 2024, en finançant leur fonctionnement et non pas un projet particulier, dans le souci de ne pas alourdir la gestion de ces organisations.
De manière générale les fondations territoriales jouent aussi un rôle important d’ingénierie territoriale, de mise en relation et de coordination des différents acteurs du territoire, d’accompagnement et de conseil de ces acteurs. Avec d’autres organisations, la Fondation de Lille se bat pour que ce rôle de création de liens, propre à toutes les fondations territoriales, soit mieux reconnu et financé en tant que tel.
Un incubateur de mécénat collectif territorial
Du côté d’Admical, l’expérience menée dans la Vienne a fait naître un dispositif d’incubation du mécénat collectif territorial. « Avec cet incubateur, nous accompagnons des entrepreneurs qui ont envie d’agir en faveur de l’intérêt général sur leur territoire et veulent s’unir pour développer le mécénat territorial », explique Perle Lagier, responsable du mécénat collectif territorial et du mécénat sportif à Admical.
À la suite des entrepreneurs de la Vienne, Admical a ainsi accompagné des dirigeants de Guadeloupe qui, après leur période d’incubation, ont créé la Fondation M’Guadeloupe, fondation territoriale abritée par la Fondation Face. En 2024, un nouvel appel à projets a permis de lancer l'accompagnement d'entreprises sur trois territoires : les Deux-Sèvres, le Pays de Grasse et la Drôme.
« L’accompagnement, qui dure de 12 à 18 mois, n’a pas vocation à aboutir forcément à la création d’une fondation territoriale, précise Perle Lagier. L’idée est d’étudier quel dispositif correspond le mieux aux acteurs du territoire, pour répondre aux besoins de ce territoire : il peut s’agir d’une fondation ou d’un fonds de dotation, mais aussi potentiellement d’un club de mécènes ou d’une association. »
Un nouvel appel à projets sera lancé au deuxième trimestre 2025 pour accompagner à nouveau des entrepreneurs sur trois ou quatre territoires.
Camille Dorival