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Par Carenews INFO - Publié le 10 avril 2025 - 17:43 - Mise à jour le 10 avril 2025 - 18:51 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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« Le succès du service civique est aussi le succès des associations » , selon Nadia Bellaoui (Agence du service civique)

Le service civique a fêté ses quinze ans d’existence le 15 mars dernier. À cette occasion, Nadia Bellaoui, présidente de l’Agence du service civique, tire le bilan des réussites et des défis à venir.

Nadia Bellaoui est présidente de l'Agence du service civique depuis décembre 2022. Crédit : Hervé Hamon / Agence du Service Civique.
Nadia Bellaoui est présidente de l'Agence du service civique depuis décembre 2022. Crédit : Hervé Hamon / Agence du Service Civique.

 

 

  • Carenews : Plus de 850 000 jeunes ont réalisé une mission de service civique depuis sa création. Environ un jeune sur dix dans les âges du dispositif participe à une mission de service civique. Peut-on considérer que le service civique atteint ses objectifs ?  

 

Nadia Bellaoui : Le service civique est devenu un fait générationnel. Il fait partie des possibilités que les jeunes connaissent et qui fait partie de leur parcours.   

Pour ceux qui ont plus de difficultés, le service civique est également perçu comme une façon de raccrocher et d’être un tremplin vers l’emploi.  

  

  • Il y a-t-il des secteurs particulièrement plébiscités par les jeunes ?  

  

Sur les 850 000 jeunes qui ont fait un service civique depuis sa création, 520 000 ont été accueillis dans des associations, fédérations et unions associatives. Cela représente 60 % des jeunes en service civique, qui ont été accueillis dans 20 000 structures associatives différentes. Le succès du service civique est donc aussi le succès des associations et de leur capacité à proposer aux jeunes des missions d’intérêt général longues, intensives, accompagnées et attractives. 

  

  • Les associations font face à des restrictions budgétaires importantes. Craignez-vous que cette situation pèse sur le service civique ? 

  

La santé des associations est évidemment une préoccupation pour nous et une condition nécessaire pour le bon accueil des jeunes en service civique.  

Un an après le service civique, 85 % des jeunes disent qu’ils sont satisfaits de leur expérience. Ils expliquent également à 74 % qu’ils ont mobilisés les compétences acquises dans leur parcours professionnel, ainsi que pour leur orientation ou réorientation. Or, cet impact favorable dans le parcours de jeunes tient beaucoup à la qualité de l’accompagnement proposé par l’organisme d’accueil. Nous sommes donc attentifs aujourd’hui, et nous constatons que les associations sont toujours engagées et volontaires pour bien accueillir les jeunes et leur offrir des missions de qualité.  

 


À lire également : 15 ans après sa création, le service civique a rassemblé 850 000 jeunes mais fait face à de nombreux défis


 

 

  • Le service civique écologique a été lancé en 2024 par le gouvernement. Quel premier bilan tirez-vous ?  

 

En 2024, la création du service civique écologique connaît un début de succès puisque nous atteignons 7 000 entrées en mission, alors que l’objectif était de 6 500. L’essentiel est encore devant nous puisque nous avons vocation à accueillir 50 000 jeunes engagés dans un service civique écologique d’ici à 2027. 

Cette première année a été très prometteuse grâce aux jeunes qui ont répondu à l’appel mais aussi grâce aux organismes, que ce soient des associations spécialisées qui jusqu’ici accueillaient peu de jeunes en service civique, ou des collectivités territoriales qui se sont engagées dans des expérimentations, comme l’île de la Réunion, la commune de Sète ou le département de la Gironde. 

Du côté des jeunes, cela répond à une demande. L’engagement concret, long et intensif est une réponse à l’éco-anxiété à un moment où trois jeunes sur quatre sont inquiets du réchauffement climatique, soit beaucoup plus que les 35-50 ans. Il y a donc vraiment un enjeu particulier à proposer aux jeunes une action qui les sorte de l’inquiétude et de l’anxiété.  

 

L’engagement concret, long et intensif est une réponse à l’éco-anxiété à un moment où trois jeunes sur quatre sont inquiets du réchauffement climatique. »

  

  • Le gouvernement a fixé un objectif de 150 000 missions de service civique en 2025, soit le même qu’en 2023 et en 2024. N’est-ce pas paradoxal de lancer un nouveau champ avec le service civique écologique sans envisager une croissance du nombre de jeunes engagés ?  

  

En tant que présidente de l’Agence du service civique, je vous dirais volontiers que plus il y a de possibilités de rejoindre le service civique, mieux c’est. Mais même à périmètre constant, nous avons vocation à bouger. C’est une condition de réussite, nous ne pouvons pas chaque année continuer à publier les mêmes offres de mission, sans tenir compte des attentes des jeunes.  

Aujourd’hui, il y a beaucoup de candidatures sur les missions environnementales et écologiques de manière générale. Il est donc souhaitable que les organismes se mettent à proposer des missions sur ces terrains. Ils y sont d’ailleurs favorables. Un certain nombre de grands acteurs du service civique ont déjà créés de nouvelles missions ou de nouveaux partenariats.  

D’autant plus que les sujets de transition écologique sont très larges. Chacun dans son activité principale a une raison d’y participer. Ce n’est pas comme si on ajoutait un nouveau secteur qui n’a rien à voir avec les enjeux des structures. La transition écologique est un effort qui concerne tout le monde.  

  

  • Qu’est-ce que l’engagement de jeunes peut apporter de spécifique aux associations et à la société ? 

  

Nous savons déjà ce qu’apportent les bénévoles par rapport au monde professionnel. Cette solidarité en acte, vis-à-vis de personnes en difficultés ou des causes, a un sens particulier.  

Le service civique est d’une certaine manière un bénévolat intensif et long qui permet de faire vivre cette position d’un alter ego volontaire pour aider son voisin. Cela produit quelque chose de vraiment intéressant dans le monde associatif car les volontaires viennent en complémentarité des bénévoles et des salariés.  

Cela est aussi vrai dans les services publics. Par exemple, dans un établissement scolaire, les volontaires en service civique sont une passerelle entre les jeunes et l’institution.  

 

Pour un citoyen, dans un hôpital ou dans un tribunal par exemple, avoir quelqu’un qui n’est pas l’institution en tant que telle mais qui est un pair, un autre citoyen qui a décidé de s’engager pour les autres, donne une profondeur à la culture démocratique du pays. »

 

Leur position particulière suscite aussi chez les bénéficiaires des associations ou des usagers du service public un regard particulier. Ils sont reconnaissants envers ce jeune qui s’engage. Pour un citoyen, dans un hôpital ou dans un tribunal par exemple, avoir quelqu’un qui n’est pas l’institution en tant que telle mais qui est un pair, un autre citoyen qui a décidé de s’engager pour les autres, donne une profondeur à la culture démocratique du pays. À la fois très concrètement et symboliquement, la posture du service civique change quelque chose.  

Pour les associations, la présence dans la durée et intensive de jeunes vient aussi questionner la manière dont elles fonctionnent. Par exemple, la question du « pourquoi » est une question que les jeunes se posent spontanément, au-delà de la question du « comment ». Le fait que les organismes d’intérêt général se rajeunissent et évoluent, pour être mieux à même de répondre aux besoins sociétaux, fait aussi partie des enjeux du service civique. 

  

  • L’Agence du service civique fait-elle face à des défis particuliers ?  

  

Notre défi est le même depuis quinze ans c’est-à-dire d’offrir des missions de qualité aux jeunes.  

Nous avons également le défi de réussir le service écologique, de contribuer à la lutte contre la dépendance et au bien-vieillir avec le service civique solidarité senior, et de continuer à répondre aux enjeux de société comme la gestion ou la préparation de la population aux crises prévisibles. Il y a vraiment des sujets de société sur lequel le service civique doit continuer d’être présent.  

L’autre grand défi est de se tourner vers les jeunes dans leur diversité.  

  

  • Estimez-vous que le service civique est assez inclusif aujourd’hui ? 

  

Chaque année le service civique progresse. Il est de plus en plus ouvert, inclusif et universel. C’est une préoccupation permanente et cela doit le rester. Le service civique est aujourd’hui présent partout en France, en hexagone et dans les Dom-Tom. 30 % des jeunes agissent en milieu rural et 14 % dans les quartiers politiques de la ville.  

Mais c’est un effort permanent d’aller à la rencontre de tous les jeunes. Nous devons aussi permettre aux jeunes en situation de handicap de représenter plus que 3 % des jeunes en service civique.  

 

Nous devons aussi permettre aux jeunes en situation de handicap de représenter plus que 3 % des jeunes en service civique. »

  

  • Comment vérifiez-vous que les structures accueillantes répondent bien à une mission d’intérêt général ?  

  

Agréer des organismes d’accueil, les contrôler et faire respecter les droits des volontaires constitue la raison d’être de l’Agence du service civique. Nous le faisons à travers une procédure d’instruction exigeante. Nous demandons un projet d’accueil - c’est-à-dire la capacité à proposer un tutorat à la mission et au projet à venir - que nous vérifions a priori et a posteriori.  

Chaque année, nous disposons du compte rendu de l’activité de l’organisme et nous vérifions à travers de contrôles sur site que les organismes ne mettent pas en danger les jeunes, que ce soit dans le cas de violences sexistes et sexuelles ou d’instrumentalisations diverses. Nous savons que les jeunes sont fragiles et qu’il s’agit de faire respecter leur droit. Cela fait partie du rôle de l’agence de contrôler qu’il n’y a pas d’abus.  

  

  • Il y a-t-il des structures auxquelles vous retirez l’agrément après contrôle ? Dans quelles proportions ?  

  

De manière générale, les retraits d’agrément sont rares. Ils existent et ce sont des faits caractérisés. Mais le parti pris est davantage d’accompagner les structures quand il y a des difficultés ou des pratiques insatisfaisantes pour qu’elles puissent rectifier leurs comportements et continuer d’accueillir des volontaires.  

Certaines structures peuvent également être agrées pour trois ans et ne pas accueillir chaque année des volontaires. Il y a des conditions à réunir pour offrir aux jeunes des missions de qualité et c’est important pour les organisations de prendre du recul quand elles ne sont pas en situation de le faire.  

  

  • Le service civique peut se faire en France ou à l’étranger. Avez-vous des indications sur la répartition entre ceux qui restent en France et ceux qui partent à l’étranger ?  

  

Sur les 850 000 jeunes qui ont été accueillis en service civique depuis sa création, près de 15 500 se sont engagés à l’étranger. Les deux premières destinations de ces jeunes sont l’Allemagne et l’Espagne.  

Clairement, les missions de service civique à l’étranger demandent un accompagnement plus important et donc des organismes d’accueil plus expérimentés. Souvent d’ailleurs, ce sont des structures largement spécialisées dans le volontariat accueillant également des volontariats de solidarité internationale. C’est donc la sphère de France volontaires, qui est devenu un groupement d’intérêt public, qui structure ce milieu avec ses spécificités. 

Nous sommes particulièrement attentifs au respect des droits des volontaires et de leur intégrité morale et physique car il peut y avoir des risques dans certains pays. Il s’agit de bien veiller à ce que les jeunes quand ils veulent s’engager pour l’intérêt général ne se trouvent pas pris dans des difficultés qui les dépassent.  

  

  • Pour finir, si vous deviez encourager un jeune à faire un service civique, que lui diriez-vous ? À l’inverse si vous deviez encourager une association à accueillir un jeune, que lui diriez-vous ?  

  

Aux deux, je leur dirais qu’ils ont tout à gagner à se lancer dans le service civique.  

Aux jeunes, je dirais que chacun à une mission qui lui ressemble près de chez lui, qui peut changer sa vie. Qu’ils n’hésitent pas à se tourner vers la plateforme de l’agence service-civique.gouv.fr, pour se renseigner sur les possibilités. Dans la durée, cette expérience leur sera bénéfique.  

 

Accueillir des jeunes en service civique, ce n’est pas seulement soutenir l’action des bénévoles et des professionnels par des personnes disponibles, mais c’est aussi faire un pari sur l’avenir. »

 

Aux associations, je leur dirais qu’accueillir des jeunes en service civique, ce n’est pas seulement soutenir l’action des bénévoles et des professionnels par des personnes disponibles, mais c’est aussi faire un pari sur l’avenir. Nous avons besoin du regard des jeunes, de leur nouvelle manière d’agir et des questions qu'ils nous posent pour être plus en phase avec l’objet social de l’association.  

L’objet du service civique en somme, c’est l’objet de l’avenir. La meilleure manière de se préparer aux besoins sociaux, c’est de le faire avec les nouvelles générations. 

 

Propos recueillis par Élisabeth Crépin-Leblond

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