15 ans après sa création, le service civique a rassemblé 850 000 jeunes mais fait face à de nombreux défis
Créé il y a quinze ans, le service civique permet aujourd’hui à un jeune sur dix de réaliser une mission auprès d’un organisme d'intérêt général agréé. Dans un contexte marqué par les restrictions budgétaires à l’égard du secteur associatif, l’accès du service civique à tous nécessite une volonté politique forte, plaide Marie Trellu-Kane, présidente de l’association Unis-cité.

Plus de 850 000 jeunes auront effectué une mission de service civique à la fin de l’année 2025 depuis le lancement du dispositif il y a quinze ans, rapporte le ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative dans un communiqué publié lundi 15 mars.
À hauteur de 150 000 jeunes engagées dans des missions d’intérêt général en 2023 et en 2024, le service civique rassemble chaque année environ 1 jeune sur 10, âgé entre 16 et 25 ans, ou jusqu'à 30 ans s'il est en situation de handicap, complète le ministère.
« 15 ans, c’est à la fois un moment pour se féliciter des avancées, mais aussi l’occasion d’une nouvelle étape pour renforcer l’impact des missions au service de l’intérêt général », fait valoir Marie Barsacq, ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative. « Quand on donne la possibilité aux jeunes de faire, c’est toute la société qui gagne. Une ambition ? On continue », appelle de son côté Nadia Bellaoui, présidente de l’Agence du service civique.
Quand on donne la possibilité aux jeunes de faire, c’est toute la société qui gagne. »
Nadia Bellaoui, présidente de l’Agence du service civique
9 100 structures d’accueil agréées
Instauré par la loi du 10 mars 2010, le service civique s’adresse aux Français ou résidents français depuis plus d’un an sans condition de diplôme. Il permet de réaliser des missions d’intérêt général indemnisées auprès de personnes morales agrées par l’État dans le secteur public ou associatif. Son but affiché dans la loi : « renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale », ainsi qu’offrir « à toute personne volontaire l’opportunité de servir les valeurs de la République et de s’engager en faveur d’un projet collectif ».
« C’est un grand succès avec beaucoup d’impact tant au niveau de la quantité de jeunes mobilisés que de la qualité du dispositif », se réjouit Marie Trellu-Kane à la lecture des chiffres du bilan des quinze ans. L’association Unis-cité dont elle est présidente et cofondatrice a contribué au lancement du service civique et accompagne désormais environ 8 % des effectifs du dispositif. « Il reste encore beaucoup à faire », tempère-t-elle toutefois, convaincue de la nécessité d’accompagner davantage de jeunes à s’engager.
Aujourd’hui, les organismes agréés accueillant des jeunes en service civique sont au nombre de 9 100, indique le ministère : associations d’intérêt général, mais aussi collectivités territoriales, bailleurs sociaux ou services de l’État. Parmi les jeunes engagés dans une mission, 31 % sont originaires de territoires ruraux et 27 % des territoires ultramarins.
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Un dispositif à généraliser davantage ?
Pour l’année 2025, le gouvernement a fixé à 150 000 l’objectif de missions de service civique réalisées, soit un chiffre stable par rapport aux années précédentes, et ce, malgré l’extension du dispositif à de nouveaux secteurs. En effet, le gouvernement a également lancé en 2024 le service civique écologique, annonçant 50 000 jeunes mobilisés d’ici à la fin de l’année 2027. Le plan d’adaptation au changement climatique adopté récemment prévoit quant à lui d’accompagner 10 000 jeunes en service civique écologique dans des missions liées à l’adaptation.
« Il faudrait au moins une croissance de 2 ou 3 % des services civiques par an, sinon c’est contradictoire », pointe Marie Trellu-Kane. Malgré le succès, elle dénonce « un manque de vision politique sur le long terme », qui permettrait de généraliser encore plus largement le service civique. Pour la présidente d’Unis-cité, cette politique publique, qui « fait largement consensus et est soutenue par la société civile » devrait pouvoir concerner presque l’intégralité des jeunes entre 16 et 25 ans.
« Je suis convaincue que la société a plus que besoin des jeunes et du service civique. Il faudrait que tous les jeunes sachent que ça existe et puissent trouver une structure accueillante », défend-t-elle, mettant également en avant les bienfaits du service civique sur la confiance en eux des jeunes et son effet de levier vers l’accès à l’emploi ou à de nouvelles formations.
Un développement impacté par les coupes budgétaires imposées aux associations
Aujourd’hui, le développement du service civique à plus grande échelle se heurte cependant à un enjeu financier important. Les missions de service civique sont indemnisées en 2025 à hauteur de 620 euros par mois, dont 504,98 euros pris en charge par l’État et 114,85 par l’organisme d’accueil.
La structure accueillante doit également prendre en charge d’éventuels coûts liés à la formation et à l’information des jeunes qu’elle souhaite recruter. « Les jeunes issus de quartier prioritaires de la ville ou de milieux ruraux sont potentiellement exclus car ils ne sont pas informés, s’autocensurent ou ne trouvent pas de structure qui veut les accueillir », prévient Marie Trellu-Kane. Pour permettre à tous les profils de jeunes de rentrer dans le dispositif, « cela nécessite un travail de terrain, de dentelle, réalisé par la structure accueillante », ajoute-t-elle.
Or, dans un contexte de réduction des financements publics à destination des associations, les budgets alloués au service civique par les organismes d’accueil, que ce soit pour le co-financement de l’indemnité ou pour les coûts additionnels, risquent d’être impactés, réduisant les possibilités de croissance du dispositif d’engagement, voire mettant en péril le maintien à son niveau actuel.
« 72 % des jeunes trouvent un travail ou repartent en formation après un service civique bien fait », défend pourtant Marie Trellu-Kane. « Il faut que l’État réfléchisse bien. La capacité de la jeunesse à s’insérer est une des priorités sur lesquelles il ne faut pas transiger malgré le contexte. C’est vital pour notre société », argumente-t-elle.
La capacité de la jeunesse à s’insérer est une des priorités sur lesquelles il ne faut pas transiger malgré le contexte. C’est vital pour notre société. »
Marie Trellu-Kane, présidente d'Unis-cité
Pour mobiliser la sphère publique mais aussi d’éventuels mécènes face à la non-reconduction de plusieurs financements publics nationaux et à la baisse de financements des collectivités territoriales pesant sur plusieurs de ses programmes, Unis-cité a également lancé mercredi 12 mars un appel à la mobilisation. « Sans la mobilisation de tous, Unis-cité devra réduire ses effectifs et sa capacité d’accueil ! Nous refusons de voir les difficultés politiques et financières du pays conduire à un essoufflement des soutiens à l’une des organisations qui a le plus mesuré et prouvé son impact depuis des dizaines d’années », plaide l’association dans un communiqué.
Élisabeth Crépin-Leblond