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Par Carenews INFO - Publié le 17 octobre 2024 - 16:56 - Mise à jour le 18 octobre 2024 - 12:32 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Quelle est la mission des associations dans les centres de rétention administrative ?

Cinq associations interviennent dans les centres de rétention administrative (CRA) pour informer les personnes étrangères retenues et les accompagner dans leur accès au droit. Une mission remise en question début octobre par Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur.

L'accompagnement par les associations est prévu dans la loi. Crédits : iStock.
L'accompagnement par les associations est prévu dans la loi. Crédits : iStock.

 

En France, les personnes étrangères faisant l’objet d’une décision d’éloignement du territoire peuvent être placées dans des centres de rétention administrative (CRA) sur décision du préfet. Elles sont retenues dans ces lieux fermés dans l’attente de l’exécution de leur renvoi. Cinq associations les y accompagnent dans l’accès à leurs droits.  

Une mission à laquelle s’est attaqué le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau dans les colonnes du Figaro le 2 octobre. Il a exposé sa volonté que « l'État soit plus exigeant vis-à-vis des associations qui interviennent en CRA », estimant que celles-ci sont « juge et partie ». « La mission des associations est encadrée par la loi, le pouvoir réglementaire et un marché public. Elle est essentielle dans un État de droit », répond Guillaume Landry, directeur de l’appui juridique pour France terre d’asile.  

En effet, selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, « le ministre chargé de l'immigration conclut une convention avec une ou plusieurs personnes morales ayant pour mission d'informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits ». La Cimade prend en charge un accompagnement social depuis 1984 et l'accompagnement juridique depuis 1989. Aujourd’hui, quatre autres associations participent à l’aide à l’exercice des droits, dans des centres différents : France terre d’asile, le Forum réfugiés, le Groupe SOS solidarité-Assfam et Solidarité Mayotte. Pour cela, elles ont toutes répondu à un marché public. En 2022, le financement des associations à ce titre s’est élevé à 6,5 millions d’euros, précisait l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin lors d’une séance de Questions au gouvernement en décembre 2022. 

 

Un accompagnement qui « paraît essentiel » 

 

« Nous informons les personnes de leurs droits et de leurs obligations vis-à-vis du placement en rétention et de la mesure d’éloignement dont ils sont l’objet, décrit Guillaume Landry. Puis nous les accompagnons dans les différentes démarches administratives et juridictionnelles, notamment dans l’exercice du droit au recours ». En effet, elles ont la possibilité de contester la décision de placement en rétention prise à leur encontre devant le juge des libertés et de la détention (JLD), mais aussi la légalité de la mesure d'éloignement dont elles font l’objet en saisissant le juge administratif.  

« La rétention administrative pèse fortement sur les droits et libertés des personnes et le droit des étrangers est particulièrement complexe, il le devient de plus en plus », poursuit Guillaume Landry. Il rappelle que la détention en CRA ne résulte pas d’une mesure pénale mais administrative. Il mentionne aussi un rapport de la Cour des comptes publié en janvier 2024 : « les effectifs des services des étrangers en préfecture sont insuffisants pour faire face à la hausse de l’activité et réaliser un examen attentif de la situation administrative des personnes étrangères », « des services surchargés commettent des erreurs de fond et de procédure lors des interpellations, de la rédaction et de la notification de la mesure d’éloignement et du placement en rétention », peut-on lire dans le rapport.  

 « L’accompagnement des personnes paraît essentiel dans ce contexte, continue Guillaume Landry. Il faut qu’elles puissent être en mesure de comprendre les obligations qu’on leur impose pour être en capacité d’apporter des éléments factuels sur leur situation ».  

 

Des garanties d’indépendance 

 

« Je considère que le conseil juridique et social aux personnes retenues dans les CRA relève de l’Ofii (Office français de l’immigration et l’intégration) et non des associations, qui sont juges et parties », affirme le ministre de l’Intérieur actuel Bruno Retailleau dans son interview au Figaro. « Nous aidons les personnes mais c’est le juge qui prend une décision. Nous intervenons à la demande des personnes, ce sont elles qui décident si elles veulent mobiliser les démarches », se défend Guillaume Landry.  

« Confier une telle mission d’aide à l’exercice des droits à une autorité sous la tutelle du ministère compétent en la matière paraît curieux », ajoute-t-il à propos de l’Ofii. Il mentionne une décision du Conseil d’État en 2009, stipulant que « l’État ne peut conclure une telle convention qu’avec des personnes morales présentant des garanties d’indépendance et de compétences suffisantes, notamment sur le plan juridique et social ».  

Les cinq associations intervenant dans les centres de rétention administrative publient chaque année un rapport commun, dans lequel elles effectuent le bilan de leur action et décrivent la situation dans les CRA. Dans un communiqué publié le 11 octobre, La Cimade analyse les prises de position de Bruno Retailleau comme « un affaiblissement de l’État de droit et des piliers d’une société démocratique que constituent la liberté d’expression et le rôle des associations comme contre-pouvoir ». Les associations « viennent régulièrement rappeler aux autorités les manquements et abus dont [celles-ci] peuvent être responsables lorsqu’elles agissent hors du cadre légal », affirme La Cimade. « Le droit de témoignage de ce qui se passe dans ces lieux de privation de liberté, de dénonciation des abus lorsqu’ils sont constatés, d’expression critique des politiques conduites, est nécessaire au bon fonctionnement d’une démocratie ».  

 

Célia Szymczak

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