Aller au contenu principal
Par Carenews INFO - Publié le 5 novembre 2021 - 17:12 - Mise à jour le 8 novembre 2021 - 09:04
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Quelle place pour les femmes dans le secteur de l’insertion ?

Le milieu de l’insertion est réputé comme très masculin. Quelles places les femmes occupent-elles dans ce secteur ? Eléments de réponses avec la Fédération des entreprises d'insertion et le témoignage de la dirigeante de l'association Carton plein.

L'égalité dans le secteur de l'insertion. Crédit : iStock
L'égalité dans le secteur de l'insertion. Crédit : iStock

 

Sur-représentées dans les métiers de l’ESS (associations, aides à la personne, etc) et sous-représentées (BTP, insertion, espaces verts, etc), les femmes occupent des postes très stéréotypées dans des secteurs qui le sont également. Le secteur de la Tech en est un exemple. En octobre, le dernier rapport triennal sur l’égalité dans l’ESS pointait encore des disparités dans les métiers du care, un peu moins dans les instances de direction. 

Et si la question de la parité dans les instances de direction était la porte d'entrée vers plus d’égalité ? C’est ce que nous avons constaté dans un secteur comme l’insertion. Explications avec Muriel Pibouleau chargée de professionnalisation et responsable qualité à la Fédération des entreprises d’insertion et témoignage de la directrice de l’association Carton plein, Odile Rosset. 

 

Des femmes dirigeantes plus présentes ?

 

Une étude de l’INSEE de mars 2019 portant sur la progression des femmes à la tête des entreprises indiquait que celle-ci était lente mais existait. Particulièrement dans des secteurs où elles sont moins nombreuses, « comme l’industrie ou la construction ». 

Le 27 octobre 2021, le Sénat a adopté, en première lecture, la proposition de loi Rixain qui veut rendre obligatoire, au sein d'entreprises de plus de 1 000 salariés, le ratio de 30 % de femmes en 2027 (puis 40 % en 2030) parmi « les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes ». 

 

Et Le secteur de l’insertion, plus paritaire ? 

 

Un rapport publié en 2016 par la Fédération des entreprises d'insertion a attiré notre attention, d’apparence à contre-courant des constats habituels. Les entreprises d’insertion seraient deux fois plus dirigées par des femmes (32 %) que dans les TPE/PME (15,4 %). 

Muriel Pibouleau, chargée de professionnalisation et responsable qualité à la fédération qui avait porté le rapport à l’époque, nous précise :

L’enquête a été faite sur nos adhérentes. La Fédération des entreprises d'insertion fédère des entreprises d’insertion professionnelle et des entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI). Sur 550 entreprises d'insertion, 150 sont des entreprises de travail temporaire d’insertion, très féminisées. Les directeurs des agences d’intérim sont majoritairement des femmes, ce qui explique une partie du chiffre des 32 % »

 

Des freins liés aux stéréotypes du secteur

À la fédération, un travail est mené sur l'élargissement des choix professionnels, pour lever les stéréotypes de genre de certains types de métier. « Par exemple, nous travaillons avec Pôle emploi et les missions locales pour leur faire entendre qu’il faut ouvrir plus de métiers aux femmes, leur dire que d'autres secteurs d’activité sont possibles que ceux habituellement proposés », précise Muriel Pibouleau. Pour elle, il faut plus de sensibilisation à tous les niveaux.

« Nos chargés d’insertion sont alertés sur les freins liés à la mobilité, aux addictions, au logement ou la garde d’enfants de ces femmes. Nous en parlons aussi avec les prescripteurs ». 

L’entrepreneuriat comme levier d'égalité

 

Autre constat du rapport, les femmes avaient moins « créé » d’entreprise d’insertion en comparaison aux hommes dirigeants qui ont créé ou racheté leur propre entreprise d’insertion (43 %). Cela s’explique par le fait que les femmes étaient salariées avant d’évoluer sur un poste de dirigeantes.

Il y a un vrai enjeu pour nous sur ce sujet de la création des entreprises d’insertion pour les femmes. Ce sont des entreprises qui leur parlent, entre l’ancrage social des publics visés et l’environnement. Deux thématiques où les femmes sont très présentes », détaille Muriel Pibouleau. 

C’est d’ailleurs un véritable défi pour la fédération d’arriver à intéresser plus de femmes à la création d’EITI, des entreprises d’insertion par le travail indépendant. 

Je pense qu’il faut accompagner plus de femmes à devenir travailleuses indépendantes, il y a un vrai travail à mener sur leur légitimité à être chef d'entreprise. Il faut envoyer un signal fort d’encouragement aux femmes sur ces deux formes d'entreprise dans les secteur de l’insertion, pour les faire sortir de leur posture de salariées et qu’elles osent devenir dirigeantes”, détaille Muriel Pibouleau. 

 

Témoignage de la dirigeante de Carton plein

 

Odile Rosset est la dirigeante de l’association Carton plein, qui développe des solutions inclusives et durables, où travaille un public en situation de grande précarité via le « dispositif premières heures » de la Ville de Paris autour de missions de tri et de valorisation de cartons. Elle a accepté de témoigner sur son parcours et sa prise de poste dans le secteur de l'insertion. 

Je pense qu’il y a plus une domination de genre et de classe, dans le sens où je suis une femme ingénieure et donc diplomée avec de l'expérience. Ce titre d’ingénieure me permet d’être reconnue et légitimée dans ce que je fais avant d’être considérée comme une femme. »

Odile Rosset a suivi une formation d’ingénieure en génie civil et est diplômée d’un troisième cycle en urbanisme. Dans ses études, elle se souvient que les femmes représentaient 20 % des effectifs en génie civil et étaient majoritaires en urbanisme. Des stéréotypes de genre bien présents dans des études supérieures pour accéder à un poste d'ingénieure et qui ne l’ont jamais dérangé pour aller au bout de ses ambitions.  

Elle a travaillé neuf ans sur le territoire de Plaine Commune en Seine-Saint-Denis et ensuite en tant que directrice de projets urbains, avec des acteurs des quartiers et de l’ESS. Elle a choisi de quitter son poste de fonctionnaire pour rejoindre la direction de l’association. « Je ne me sens pas illégitime à ce poste. C’est dû à mon expérience je dirais, plus qu’au genre. Pour une jeune femme, il faudrait peut être plus faire ses preuves ».

Elle ajoute qu’au sein de l’association, la parité est un sujet très important. « Nous menons un gros travail sur la parité des publics visés. Il y a deux ans, il y avait 15 % de femmes insérées, aujourd’hui on en est à 40 %. On travaille beaucoup sur le comment attirer plus et mieux les femmes seules, vivant à la rue, très souvent invisibilisées, principalement par sécurité », nous explique Odile Rosset.  

 L’enjeu est plutôt dans comment on accueille la parité dans le milieu de l’insertion, car pour le coup, on y est pas du tout. Sur l’activité cyclo-logistique, on a jamais accueilli de femmes en tant que salariées en insertion. Dans le recrutement, clairement, on fait de la discrimination positive. Si une femme sans-abri postule, c’est sûr qu’on la prendra. On est vigilant à cette parité au sein de l’association. »

La dirigeante  pense qu’il faut que cette question de la parité « irrigue, inspire et requestionne les pratiques dans les associations, dans chacune de leurs actions aussi bien au niveau du recrutement, du réseau des partenaires, de l'accompagnement, de l'orientation, de l'emploi, pour au final faire bouger toutes les lignes », conclut-elle. 

 

 

Christina Diego 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer