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Par Carenews INFO - Publié le 28 mars 2024 - 15:30 - Mise à jour le 28 mars 2024 - 16:20 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Qui sont les écureuils, ces militants écolos perchés dans les arbres ?

Les protestations qui entourent la construction de l’autoroute A69 ont braqué les projecteurs ces dernières semaines sur les « écureuils », des militants écologistes qui occupent les arbres dont ils prennent la défense. Le mouvement a été créé en 2019 par Thomas Braille, un grimpeur arboriste qui alerte sur la destruction d’arbres sains en France.

Les écureuils militent contre la destruction des arbres et des zones boisées. Crédits : iStock
Les écureuils militent contre la destruction des arbres et des zones boisées. Crédits : iStock

 

Ils se perchent dans les arbres pour empêcher leur destruction. « Les écureuils », comme on les surnomme, font parler d’eux dans les protestations qui entourent la construction de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Ces militants écologistes ont un mode d’action spécifique : ils occupent les arbres dont ils contestent l'abattage. Une forme de résistance civile, non-violente, mais non sans risque. 

Dimanche dernier, plusieurs d’entre eux sont descendus des arbres de la zone à défendre (ZAD) de la « Crem’arbre », située à Saïx dans le Tarn, après près de 40 jours d’occupation des cimes des chênes anciens menacés par le tracé de l’autoroute. Leur décision a fait suite à l’obtention d’un sursis à l'abattage jusqu’au 1er septembre, délivré par l’Office français de la biodiversité, qui a confirmé le classement du bois en zone à fort enjeu environnemental. Un victoire temporaire pour les écureuils, célébrée dans la liesse.

« Nous choisissons cette forme d’action parce qu’elle est efficace », explique Olivier Chollet, référent du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA) du Vaurais. 

 

Un lutte engagée en 2019

L’association dont il est membre a été fondée en 2019 par Thomas Braille, un grimpeur arboriste tarnais. Ce dernier a commencé par occuper les platanes menacés de destruction dans son village de Mazamet, avant de s’accrocher pendant 28 jours à celui situé devant le ministère de la Transition écologique afin d’alerter sur les atteintes régulières portées aux arbres des villes et au droit de l’environnement. 

En quelques années sa méthode a essaimé et le GNSA compte désormais une soixantaine de groupes locaux répartis sur le territoire français. Leur but : défendre les arbres et les zones boisées menacés de destruction. Leur mode d’action privilégié : la grimpe pour bloquer les abattages. 

« Il n’y a pas plus non-violent. Les militants sont en hauteur, loin de ce qui peut se passer au sol et moins sujets aux violences des forces de l’ordre », défend Olivier Chollet. 

Parmi ces défenseurs des arbres ayant rejoint Thomas Braille, on retrouve des professionnels, cordistes ou grimpeuses et grimpeurs comme lui, mais aussi des amateurs ralliés à la cause et « formés à la grimpe », de manière plus ou moins rapide.

« Il y a des gens qui sont prêts à grimper sans même ne rien y connaître », rapporte Olivier Chollet. Ce fut le cas à la ZAD de la « Crem’arbre », où le GNSA est accompagné de militants indépendants ou venus d’autres collectifs et associations.

L’association se charge de former les nouveaux grimpeurs et fait signer à ses adhérents une charte de principe fondée sur la non-violence ainsi qu’une décharge de responsabilité indiquant que les militants mettront en œuvre les principes de bases de sécurité.

 

La conviction de la nécessité des arbres

Grèves de la faim et de la soif, occupation d’arbres dans différents coins de France mais aussi sensibilisation et dialogue avec les autorités quand il est possible… L’implication des militants dans le GNSA vient souvent grignoter leur vie personnelle et professionnelle. D’autant que pour être efficace, l’occupation d’un arbre ou d’un bois menacé nécessite la plupart du temps de s'inscrire dans un temps long.

« Cela prend un temps fou », confie Olivier Chollet qui affirme mobiliser deux à trois jours par semaine au GNSA. « J’avance parfois plus sur l’association que sur mon travail », constate le formateur de 52 ans en commerce, vente, management et RSE. 

D’autres mettent de côté pendant un temps leurs activités professionnelles pour se percher en haut d’arbres rapporte Olivier Chollet, à l’image de leur fondateur Thomas Braille.

Mais si les écureuils sont aussi déterminés, c’est parce qu’ils sont convaincus de la nécessité de leur lutte. 

« Ce que nous avons essayé de montrer avec cette grève de la soif et de la faim, c’est qui c’est ce qui risque de nous arriver dans quelques années si on ne fait rien », défendait ainsi Thomas Braille en octobre 2023 sur le plateau de Télématin à l’évocation de la grève de la faim et de la soif qu’il avait mené depuis fin août, l’ayant mené à une hospitalisation.


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 « Comme si c’était quelqu’un de ma famille »,

« C’est grâce aux arbres qu’il y a de la vie sur terre », argumente quant à lui Olivier Chollet, appuyant sur leur rôle dans les écosystèmes. « Les arbres font bien plus que de l’ombre, ils rafraîchissent le climat local, maintiennent l’humidité dans les sols, apportent de l’oxygène, servent d’habitat aux insectes et aux petits mammifères et agissent contre l’érosion», ajoute-t-il avant de conclure « qu’ils apportent aussi de la beauté ». 

Le référent du groupe du Vaurais a intégré le GNSA il y a quatre ans, lorsque le maire de sa commune a décidé d'abattre deux cèdres de 150 et 200 ans installés dans le parc de la ville

« La décision se fondait sur un seul rapport d’expertise. Je ne me suis pas résolu à ça. Comme si c'était quelqu'un de ma famille qui était malade, j’ai voulu chercher d’autres diagnostics », se souvient-t-il. 

Avec d’autres personnes, il se mobilise alors pour empêcher les abattages en attendant le rendu d’un nouveau rapport, rencontre Thomas Braille et ouvre une antenne locale du GNSA. 

Depuis, Olivier Chollet s’est formé à la connaissance des arbres et aux mécanismes juridiques du droit de l’environnement, « une absolue nécessité pour pouvoir lutter », affirme-t-il.

Le groupe écologiste proteste contre l’abattage des arbres sains en ville et contre une exploitation forestière qu’ils estiment supérieure aux capacités de renouvellement de la forêt. Le GNSA dénonce aussi un « greenwashing » qui prétend remplacer les anciens arbres existants par de nouvelles plantations. 

« Ce qui compte dans un arbre c’est sa masse foliaire », appuie Olivier Chollet, affirmant « qu’il ne faut pas mélanger une forêt avec une plantation d’arbres traitée aux pesticides et aux hormones de croissance ». 

Le groupe se mobilise notamment contre la destruction de forêts en vue d’installation de parcs photovoltaïques sur la montagne de Lure en Haute-Provence ou dans les Pyrénées pour construire une usine de biocarburants. Sur le tracé de l’autoroute A69, il se mobilise aux côtés d’autres associations menées par le collectif La voie est libre.

 

Sur le tracé de l’A69, une mobilisation mouvementée

À la « Crem’arbre », les écureuils occupent les arbres depuis mi-novembre. Si la majorité sont descendus dimanche, deux militants sont remontés dans les cimes « car ils n’avaient pas confiance » dans les autorités

Au sein des militants, la défiance règne. « On a le sentiment de ne pas avoir été écoutés », lâche amer Olivier Chollet. Le GNSA appuyait son action sur le classement du bois en zone à fort enjeu écologique, qui empêche l’abattage en dehors d’une période définie. Une situation qui a été confirmée la semaine dernière par l’Office français de la biodiversité (OFB).

« Nous avons saisi l’OFB depuis des mois sans réponse, nous ne savons pas pourquoi ils sont sortis du bois maintenant », témoigne Olivier Chollet. Avec le temps, le groupe a affûté ses manières de déposer plainte. Désormais, il géolocalise ses photos et ses vidéos pour qu’elles puissent servir de preuves juridiques. Certaines d’entre elles ont documenté la présence d’une couple de mésanges bleues en train de construire leur nid dans les chênes que les écureuils défendaient. La présence de cette espèce protégée interdit tout abattage lors de la période de reproduction, ce qu’a confirmé le 22 mars l’OFB, et a donné lieu au sursis accordé.

La décision est intervenue alors que la situation devenait critique pour les écureuils. Depuis janvier, la police tentait de les déloger. « Un siège », selon Olivier Chollet, qui rendait compliqué l'approvisionnement des grimpeurs par les militants au sol. Le GNSA dénonce des méthodes harcelantes, voire violentes, comme l’usage de bombes lacrymogènes pour bloquer les ravitailleurs ou de lumières la nuit pour empêcher les écureuils de dormir.

« Je n’ai jamais vu de répression comme ça », assure Olivier Chollet, qui dit avoir participé à de nombreuses manifestations au cours de sa vie.


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Une bataille juridique

En février, le rapporteur spécial des Nations-unies sur les défenseurs de l’environnement s’est rendu sur le site de la ZAD après avoir rencontré le préfet du Tarn et le commandant du groupement de gendarmerie. Dans son rapport, il pointe plusieurs manquements de la part des forces de l’ordre, ainsi que de la privation de sommeil et de nourriture. Olivier Chollet a également saisi la Défenseure des droits, sans que cette dernière ne puisse prendre de mesures contraignantes, et le juge des référés qui a les déboutés à plusieurs reprises de leur demande de référé liberté. 

Plusieurs écureuils, quant à eux, ont dû comparaître devant les tribunaux de Castres et de Toulouse, notamment pour s’être enchaînés à des machines d’abattage. « On a l’impression que la justice ne s’opère pas de la même manière », se désole le référent du Vaurais. 

Depuis la confirmation de l’OFB, le GNSA souhaite la condamnation du préfet et du concessionnaire d’autoroute la société Astoca pour les abattages d’arbres déjà réalisés. Sur les autres ZAD, leur objectif est de tenir jusqu’au 1 avril, date d’arrêt des abattages d’arbres en raison de la nidification des oiseaux.

 

Élisabeth Crépin-Leblond

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