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Par Carenews INFO - Publié le 24 juin 2022 - 14:33 - Mise à jour le 24 juin 2022 - 14:51 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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Roschdy Zem à la rencontre d’habitants de bidonvilles en France : « J’ai été surpris, car on les rend totalement invisibles »

Pour un documentaire de l’ONG Solidarités International, l’acteur Roschdy Zem est parti à la rencontre d’habitants de squats et bidonvilles aux conditions de vie indignes. Interview.

Roschdy Zem, « De vos propres yeux ». Crédit : Solidarités International.
Roschdy Zem, « De vos propres yeux ». Crédit : Solidarités International.

 

Pour un documentaire sorti en juin, l’acteur Roschdy Zem s’est rendu dans des sites précaires d’habitations, squats et bidonvilles, à la rencontre des populations vivant sur place. Il s’agit de la 6e saison de la série documentaire humanitaire « De vos propres yeux », un projet de l’association humanitaire Solidarités International.

Durant la première partie, l’acteur rencontre des personnes de la communauté rom vivant dans des bidonvilles près de Nantes. Il visite ensuite un squat à Aubervilliers, en banlieue parisienne, où vivent des migrants d’Afrique subsaharienne. Interview.

 

  • Pourquoi avoir voulu participer à ce projet avec Solidarités International ?

Solidarités International a réussi à me sensibiliser à la cause et au statut de ces personnes. Nous avons l’habitude de les côtoyer au quotidien sans pour autant s’arrêter pour leur parler. Ce film était l’occasion de savoir enfin qui étaient ces personnes avec lesquelles on ne discute jamais. C’était une opportunité idéale pour en apprendre un peu plus sur eux.

 

  • Avez-vous été surpris par les conditions de vie de ces personnes ?

Bien sûr ! J’ai été surpris par les conditions et également par le nombre de personnes les subissant. Surpris également parce qu’on rend ces personnes totalement invisibles et inaudibles. 

Ce sont des gens qui vivent dans une précarité extrême. Certains ont accès à l’eau grâce aux branchements apportés par Solidarités International, d’autres ne l’ont pas. Ensuite, ils n’ont pas d’électricité et vivent dans des baraquements ou des hangars. Les chiffres sont effrayants : on parle de 300 000 personnes qui vivent dans ces conditions-là.

Pour finir, j’ai découvert que des enfants n’ont pas la possibilité d’aller à l’école alors que c'est obligatoire. Cela me laisse penser que ce sont des situations qui ne sont pas prêtes d’évoluer. Les parents sont illettrés en arrivant de Roumanie, puis les enfants ne vont pas à l’école et sont eux-mêmes illettrés. Je crois qu’il y a beaucoup de cynisme là-dedans, car ils représentent une main-d'œuvre pas chère et invisible. Donc nous nous en accommodons.

 

  • Dans le documentaire, vous dites que ces personnes ont des revendications, mais qu’elles n’ont pas de haine. Pourquoi avez-vous ressenti cela ? 

Quand vous les interrogez, vous vous apercevez que ces personnes ont échappé à plus grave. Quand je demandais aux Roms s’ils envisageaient de retourner un jour en Roumanie, ils me répondaient que c’était hors de question. Là-bas, ils ont des conditions de vie encore plus déplorables qu’ici, ils sont ostracisés. Les Africains que j’ai rencontrés à Aubervilliers ont échappé à la guerre, à la misère. Ce sont des gens qui ont franchi des obstacles considérables. 

Il y a certes des demandes, des revendications. Mais pour autant, ils ne sont pas en colère, ne cassent rien. Ce qu’ils demandent est rudimentaire : de l’eau, un toit, une école pour leurs enfants, des papiers. Voilà ! Malgré tout, il y a une forme de reconnaissance envers la France de les avoir accueillis. Déjà, le fait de pouvoir être en France où ils ne sont pas chassés, frappés au quotidien, c’est déjà pour eux une grande victoire.

 

  • Quel lien avez-vous eu avec ces personnes durant le tournage ?

Solidarités international avait fait un travail préalable et quand je suis venu avec les caméras, ils étaient prévenus. Ils ont vu une opportunité intéressante de pouvoir s’exprimer pour que les gens puissent réaliser ce qu’il se passe devant chez nous. 

 

  • Vous faites un film pour rendre ces personnes visibles. Pour vous, est-ce un des objectifs du cinéma ?

Le cinéma peut être un pont, mais ce n’est pas tout. Ensuite, il faut faire le reste de la démarche. Le film, c’est juste le signal pour aller plus loin et que l’on puisse agir. 

Cela semble invraisemblable que ce soit une ONG  qui apporte de l’eau à des familles. Cela devrait être le rôle des services publics. C’est important que les gens sachent et je crois à la possibilité que les choses s’améliorent. C’est en parlant, diffusant, qu’on peut améliorer une situation comme celle-là.

 

  • Quel est le moment qui vous a le plus marqué durant le tournage ?

La rencontre avec Patrice. Il a mis l’accent sur quelque chose d’important hors caméras. Ils nous remerciait d’avoir été écouté. Ce sont des gens qui ont traversé des guerres, des mers, des pays où ils n’étaient pas les bienvenus. Ils ont vécu des choses horribles et pourtant ils n’ont personne à qui le raconter. Le fait qu’il ait pu, l’espace d’un instant, raconter son parcours, cela a été un soulagement. C’était très émouvant, cela m’a bouleversé.

 

  • Dans le documentaire, vous rencontrez Florina, une Roumaine qui a grandi en France, mais qui vit toujours dans des conditions précaires. Sa fille, à ses côtés, exprime le fait qu’elle veut devenir docteur. C’est un moment très triste, car on a ce sentiment que de génération en génération, il n’y a rien qui change et que les conditions se reproduisent. Cela a également été votre sentiment ?

 

Complètement. Il y a une volonté de figer cette situation. La petite sera Française, mais sera illettrée car elle n’ira pas à l’école parce que l’on ne lui donne pas les moyens. On est en train de créer une communauté qui n’évolue pas et qui représente une main-d'œuvre pas chère, car les pères travaillent tous dans les champs agricoles. On crée une génération d’enfants bloqués chez eux, sans horizon et sans accès au savoir. C’est terrible, c’est d’une violence inouïe.

 

Propos recueillis par Théo Nepipvoda

 

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