Les artistes clament toujours plus fort leurs engagements sociaux et environnementaux
En ce début d’année, un certain nombre de propositions artistiques sont liées à une forme d’engagement social ou environnemental. Tour d’horizon de ces artistes qui « plombent l’ambiance ».
Dans une des chansons au titre provocateur de son nouvel album Civilisation, Orelsan se met dans la peau d’un fêtard du samedi soir dont le principe est « zéro lendemain ». Son ambition ? Profiter du moment : « Dites au voisin qu'on ne va jamais baisser l’son ». Mais en se servant une boisson dans un verre en plastique, il ne peut pas s’empêcher de penser à ce déchet « qui finira peut-être dans l’océan Pacifique ». Avant de se reprendre « Attends, mais qu’est-ce que je raconte ? ». Tout au long de la chanson, sa soirée sera polluée par des pensées à propos de l’environnement et de la misère dans le monde. Bref, ce que démontre Orelsan, c’est que 2022, c’est la fin de l’insouciance. Même dans des moments de joie, on ne peut pas s'empêcher d'être conscient.
Et tout son album est comme ça : il navigue entre paroles légères et regard cynique sur la société. Il n’y a qu’à écouter le pugnace « L’odeur de l’essence » qui n’est pas tendre avec notre société… C'est le moins que l’on puisse dire. Même Emmanuel Macron s’est penché sur le dossier Orelsan : « C’est quand même quelqu’un qui dépeint la société comme un sociologue », a-t-il dit du rappeur selon Libération. La musique devient un objet commenté dans les plus hautes sphères politiques.
La fin de l’insouciance
Dans son livre « La fête est finie ? », Jérémie Peltier, directeur des études à la Fondation Jean Jaurès tente d’expliquer les raisons du déclin de la fête dans la société française. Parmi elles, il évoque le fait que ces moments d’apparence insouciants, deviennent sérieux et politiques. Que tout est prétexte à faire passer un message et que la légèreté n’est plus la norme. Et si, par extension, c’était la même chose avec la musique ?
Le renouveau de la chanson engagée ?
Et il n’y a qu’à voir les autres propositions artistiques de ce début d’année. L’engagement social est partout… On est bien loin d’un « Ces soirées-là » de Yannick ou des « Démons de Minuit » de Images. L’une des séquences marquantes de ce mois de janvier, c’est le passage de Stromae au 20 heures de TF1 du 9 janvier. Le chanteur belge a réalisé une performance millimétrée avec sa chanson « L’Enfer », deuxième extrait de son nouvel album qui sortira en mars. Outre le débat sur la confusion entre information et divertissement, c’est le thème abordé qui a fait de cette séquence un moment de télévision : la maladie mentale. Pas très gai tout ça. Va-t-il falloir s’habituer à danser, à draguer et à chanter sur des chansons qui parlent de la fonte des glaces ou de la misère dans le monde ?
Vous me direz, la chanson engagée est vieille comme le monde. Jean Ferrat se qualifiait lui-même de chanteur engagé en défenseur des valeurs communistes. Oui, mais cette chanson engagée là, elle n’était pas pop. Elle était plutôt restreinte à un périmètre bien spécifique. Mais alors, est-ce un bien ou un mal ? À vous de juger, il n’y a pas de réponse absolue.
Le cinéma s'engage de plus en plus
Le cinéma n’est pas non plus épargné par cette appétence pour les sujets sociaux. Et depuis peu, idem pour les sujets environnementaux.
Un internaute, Bo McCready, s’est amusé à compiler et analyser, grâce au site IMDB, la répartition des genres de films à travers les époques. On observe un bond impressionnant du genre documentaire depuis les années 90-2000. Il représente, en 2020, 26 % du total des films sortis. On peut, sans trop s’avancer, considérer que le genre documentaire est plus porteur d’engagements sociaux et environnementaux. En revanche, le genre comédie musicale décroît considérablement et représente 1 % des films sortis en 2021.
Et ce début d’année n’est pas en reste avec le somptueux film Ouistreham d’Emmanuel Carrère. Sorti le 12 janvier, il adapte le livre de la journaliste Florence Aubenas qui s’est immergé pendant plusieurs mois et a vécu la vie de personnes démunies, vivant de petits boulots et de galère. Le film ouvre le débat sur cette pratique qu’est le journalisme d’immersion mais permet également d’alerter sur les conditions précaires d’une grande frange de la société.
La naissance du thriller environnemental
Autre signe du temps, l’éclosion d’un nouveau genre cinématographique : le thriller environnemental. En 2020, aux États-Unis, Dark Waters de Todd Haynes, narre le combat entre une entreprise polluante et un fermier qui veut faire reconnaître les dangers du téflon. Et le réalisateur arrive même à créer de la tension autour de ces enjeux.
En France, le film Goliath sortira le 9 mars au cinéma. Réalisé par Frédéric Tellier, il racontera la vie de trois personnages autour d’un scandale environnemental qui va faire que leurs destins vont se croiser. Il y a fort à parier que ce genre va s'immiscer peu à peu dans les salles de cinéma. La preuve, en 2021, le Festival de Cannes a même proposé une sélection consacrée à des films traitant du climat.
Bref, en 2022, les artistes cassent l’ambiance. Ils ne vous laissent jamais tranquille mais vous invitent sans cesse à vous questionner sur ce qui vous entoure. À consommer avec modération.
Théo Nepipvoda