Salon de l’agriculture : entre prise de conscience écologique et greenwashing
Alors que l’exécutif continue d’esquisser des propositions perçues par les associations comme anti-écologiques, la volonté de construire une agriculture durable est prônée par nombre d’exposants au Salon de l’agriculture.
« Pour nous, pour la planète, pour nos producteurs locaux », ce sont les mots brandis sur l’imposant stand de l’Agence Bio installé à l’entrée du pavillon 4. À côté, « le show des grandes transitions de l’agriculture », diffusé en direct sur TV agri, met en scène des invités qui débattent autour des transitions du monde agricole. Au Salon de l’agriculture, le vocabulaire en lien avec l’écologie s’affiche sans vergogne sur les stands. L’événement se déroule au Parc des expositions à Paris entre le 24 février et le 3 mars.
Greenwashing ou véritable tournant ? Du côté des principaux syndicats agricoles, qui occupent une place centrale lors de cette édition - tant au sens littéral que figuré -, les normes environnementales sont pourtant largement perçues comme de « l’écologie punitive ». Pour répondre à la colère des agriculteurs, l'exécutif continue d’ailleurs d’esquisser des propositions considérées par les associations comme anti-écologiques.
« L'écologie fait partie du métier »
Pourtant, Isabelle Douillon, éleveuse et adhérente à la Confédération paysanne, syndicat classé à gauche, est convaincue : « les agriculteurs ne demandent pas d'arrêter les normes, mais de pouvoir se les approprier plus facilement ». « Si on veut préserver le paysan et la terre qui nous nourrit, il va falloir prendre en compte les considérations écologiques », affirme-t-elle.
Installé comme un îlot de résistance au milieu de la FNSEA et de la Coordination rurale, deux syndicats réputés frileux vis-à-vis des politiques environnementales, la Confédération paysanne « représente les agriculteurs qui protègent la planète » et prône « une agriculture équilibrée, respectueuse et qui permet de gagner sa vie ».
« L'écologie fait partie du métier d’agriculteur », affirme l'éleveuse à la retraite.
Une transition digi-durable ?
Un acteur occupe une grande partie du hall 4, volant la vedette aux autres stands : il s’agit de la Ferme digitale qui regroupe une cinquantaine d’exposants.
L’association à laquelle adhèrent start-up, banques, cabinets de conseils et écoles supérieures, promeut « l’innovation et le numérique pour une agriculture performante, durable et citoyenne ». Ici aussi, les exposants croient en la nécessaire amélioration de l’empreinte environnementale de l’agriculture. « Développer l’agroécologie, se tourner vers le bio et réduire l’utilisation des produits phytosanitaires », c’est l’ambition à laquelle adhèrent les 90 entreprises membres de l’association. Pour marier les objectifs de performances et de respect de l'environnement, le recours au triptyque « génétique, numérique, robotique » est prôné comme la solution du futur. Une sorte de techno-solutionnisme qui ne fait pas l’unanimité au sein des associations environnementales.
Faire des agriculteurs des acteurs de la transition
Occupant également une place centrale dans le salon, le stand du label de commerce équitable « Agri-éthique » n’a rien à envier aux 800 mètres carrés dédiés à la Ferme digitale. Pourtant, le label s’inscrit dans une démarche plus élémentaire : « réaffirmer les valeurs d'un monde agricole qui se consacre à sa mission première : nourrir les gens dans le respect de la terre confiée aux agriculteurs ».
Pour ce faire, le label, présent sur toutes les filières de France, met l’accent sur l'accompagnement des fermes partenaires dans la transition agro-écologique en permettant aux agriculteurs de mesurer où ils en sont et quelle trajectoire adopter pour changer leurs pratiques.
Un accompagnement nécessaire et revendiqué par nombre d’agriculteurs, à l’image de Bernard qui est également président du Conseil national de la résilience alimentaire (CNRA). Il a engagé cette transition il y a 25 ans. « Quand on a 60 ans et qu’on a été biberonnés aux labours, aux engrais et aux pesticides, c’est une sacrée révolution de se bouger pour aller là-dedans ».
Pour les membres du label, il est primordial de redonner du pouvoir d'action à l’agriculteur. « L’impression de ne pas être impliqué dans la construction des normes et les contrôles récurrents sur leur façon de travailler n'aident pas dans la vision que les agriculteurs ont de la transition écologique », explique Jean-Marie Poilvet, chargé de projet pour Agri-éthique, lors d’une conférence autour de l’agroécologie.
Le président du CNRA acquiesce : « Les agriculteurs sont beaucoup plus favorables à la transition quand ils en sont acteurs ».
Un marge de progrès possible
La conférence tenue au stand d’Agri-éthique se conclut sur un constat décevant : le terme « transition agroécologique » est absent de la vision politique portée par l'exécutif concernant l’écologie. Or, « ce dont on a besoin pour entamer une vraie transition c’est d’avoir une politique agricole qui intègre le mot agroécologie, le pense et le définit ».
Le stand de l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) présente plusieurs initiatives expérimentales sur les volailles, le végétal ou le laitier, menées en interne. Toutes ne sont pas validées par les associations environnementales, à l’image du cépage résistant aux maladies cryptogamiques qui constitue une modification génétique de la plante. En revanche, d’autres expérimentations tournant autour de l’agroécologie pourraient avoir un réel impact et diminuer l’empreinte carbone du secteur agricole dans les années à venir. À titre d’exemple, la ferme expérimentale de Saint-Laurent-de-la-Prée, qui a vocation à restaurer la biodiversité.
Félicité Dussel