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Par Carenews INFO - Publié le 5 mai 2025 - 16:16 - Mise à jour le 5 mai 2025 - 16:16
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TRIBUNE - Santé mentale des jeunes : l’entreprise un levier pour reprendre pied ?

Face à la dégradation de la santé mentale des jeunes, l'entreprise a son rôle à jouer pour leur offrir un espace sécurisant et leur permettre de se reconstruire, assure, dans cette tribune, Laïla Mamou, directrice de l’engagement citoyen du Crédit Agricole PFM et présidente du fonds de dotation For Youth.

Laïla Mamou plaide pour que l'entreprise prenne davantage en compte la question de la santé mentale des jeunes. Crédit : Amélie Marzouk.
Laïla Mamou plaide pour que l'entreprise prenne davantage en compte la question de la santé mentale des jeunes. Crédit : Amélie Marzouk.

 

 

Ils arrivent le matin, parfois hésitants, le regard flou, les épaules basses. Certains plaisantent, d’autres restent en retrait, à l’écoute. Je les croise parfois dans les couloirs, entre deux réunions, dans les associations que je visite. Ils observent, apprennent, cherchent leur place. Souvent, sans le savoir, l’entreprise leur offre ce que le travail peut avoir de plus précieux : une boussole, une routine structurante, des visages familiers, et la satisfaction d’une mission accomplie.

 

68 % des 18-24 ans se déclarent stressés

 

Pourtant, les chiffres sont là, implacables et ils nous parlent. Le dernier sondage d’Opinionway  pour la Fondation Ramsay, publié le 2 avril 2025 dernier,  révèle que 68 % des jeunes de 18-24 ans se déclarent « stressés », dont 20 % « très stressés » (9 points au-dessus des autres tranches d’âge). Cette étude corrobore l’enquête nationale « EnClass 2024 » commandée par l’Agence nationale de la santé publique : plus de la moitié des adolescents interrogés déclarent souffrir de troubles psychologiques ou somatiques récurrents, et un quart d’entre eux  affirme avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois.

Ce mal-être ne surgit pas de nulle part. Il s’est enraciné, lentement, en silence dans notre société. La pandémie de Covid, en a été à la fois un accélérateur et un révélateur. Pendant deux ans, les jeunes ont vécu sous contrainte. Durant toute cette période, une partie de leur jeunesse a été mise entre parenthèses. Confinements, couvre-feu, cours à distance, solitude dans des chambres d’étudiants trop petites, leur quotidien s’est alors refermé sur leurs perspectives.

Ce sacrifice silencieux a laissé des traces profondes. De 2017 à 2022, la proportion des jeunes présentant des symptômes anxio-dépressifs sévères a plus que doublé, passant de 4,5 % à 9,5 %. Ce seul chiffre suffit à montrer l’ampleur du phénomène. Ce n’est pas un hasard si, cinq ans après l’apparition de la crise sanitaire mondiale, la santé mentale a été déclarée grande cause nationale. Les adolescents sont aujourd’hui la catégorie sociale la plus frappée par les conséquences de l’isolement.

 

L'entreprise, un espace pour se reconstruire ? 

 

Ils ont besoin d’espace pour se reconstruire et l’entreprise peut à sa manière en offrir un. Mieux encore, elle peut devenir un levier d’élévation sociale pour ces jeunes cabossés par l’époque. Le travail n’est pas l’ennemi du bien-être, il peut même en être l’un des fondements, parce qu’il donne des repères, parce qu’il crée du lien, et parce qu’il rend à chacun le sentiment d’être utile, reconnu et à sa place.

Beaucoup d’entreprises l’ont déjà compris et agissent en ce sens. Elles repensent leurs dispositifs d’accueil, forment leurs équipes à mieux gérer la pression, mobilisent des managers engagés, ouvrent des espaces de parole. Elles ne cherchent pas seulement la performance de l’individu mais elles participent à sa construction personnelle. J’ai vu des jeunes s’épanouir à mesure que grandissaient leurs responsabilités. J’ai vu naître des talents là où il n’y avait que du doute. J’ai vu des cadres, formés à l’écoute, devenir des repères solides, des entreprises soutenir des projets de vie, tendre la main à des jeunes sans filet, les aider à se relever.

Souvent, je repense à Matthieu, ce jeune en rupture, qui a été accompagné en alternance jusqu'à son bac professionnel. Il n'avait pas de famille, pas de soutien. En plus de sa formation, son soutien psychologique et ses loyers en retard ont été pris en charge par l'entreprise grâce à un management de proximité adapté. Matthieu a bénéficié d’une intégration pensée pour qu'il ne soit pas qu'un numéro, mais un jeune à qui l'on a donné sa chance. C’est cela aussi, une entreprise.

Et l’élan ne s’arrête pas aux murs des bureaux. Chaque jour, des collaborateurs donnent de leur temps et de leur énergie, encouragés par des employeurs qui permettent à leurs équipes de s'investir dans le bénévolat. Des associations remarquables comme La Maison perchée, accompagnent des jeunes vivant avec un trouble psychique, et construisent avec des entreprises des solutions pour une meilleure inclusion de la santé mentale. Ce tissu d’initiatives forme déjà un écosystème solidaire encore trop méconnu qui ne demande qu’à être amplifié.

 

Intégrer la santé mentale au coeur des décisions des entreprises 

 

Selon un sondage récent de l’institut Ipsos, 80 % des 18-28 ans considèrent que l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est un critère déterminant dans le choix d’une entreprise. Ils privilégieront celles qui prennent soin de leurs équipes, celles qui ont compris que bien-être et performance ne s’excluent pas, mais se renforcent. L’entreprise a déjà commencé à agir. Il est temps, désormais, d’amplifier cet engagement en intégrant pleinement la santé mentale au cœur des décisions dans des stratégies visibles et mesurables.

L’entreprise ne peut pas tout, mais elle peut beaucoup. Elle peut offrir un cadre, ouvrir un horizon, restaurer la confiance. Et parfois — oui, parfois — elle peut même sauver une vie. Parfois, l’entreprise permet tout simplement de reprendre pied.

 

Par Laïla Mamou,

Directrice de l’engagement citoyen du Crédit Agricole PFM et présidente du fonds de dotation For Youth. 

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