Une kermesse pour un immobilier différent
Dans des locaux de la Sorbonne réaménagés pour trois ans en tiers-lieu, les acteurs de l’immobilier social et solidaire se sont rassemblés lors d’un évènement pédagogique et festif. Le but partagé par les différents acteurs présents : replacer le foncier au service de l’intérêt général.
Pour sa première édition, jeudi 7 novembre, la kermesse de l’immobilier social et solidaire (« Kiss ») a investi les locaux du tiers-lieux Césure, à Paris. Dans le fond de la salle, des conférences et des débats questionnent les enjeux de l’habitat solidaire et de la transformation du foncier. Au centre, les stands présentent des innovations portées par une cinquantaine d’acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). Tous partagent la même ambition : proposer une alternative au modèle de l’immobilier lucratif afin de mettre le patrimoine foncier à disposition de l’intérêt général.
Implantée à l’entrée des expositions, la société coopérative d’intérêt collectif (Scic) Base commune affiche fièrement son ambition : « réinventer l’immobilier pour redynamiser les rez-de-chaussée ». Créée en janvier 2021 par la Scop de conseil en programmation et stratégie urbaine Le Sens de la ville et la Scic d'urbanisme transitoire Plateau urbain, la coopérative foncière solidaire achète des espaces situés en rez-de-chaussée pour les louer à des acteurs de l’ESS, des associations ou encore des artistes.
Repenser les rez-de-chaussée, l’initiative de Base commune
« Le but est de répondre à un impensé sur les rez-de-chaussée, souvent vacants ou occupés par de grandes enseignes », explique Sarah Fryde, cheffe de projet au sein de Base commune. La Scic négocie avec les promoteurs pour acheter les locaux à prix réduits et les louent ensuite « 30 à 70 % moins chers que les prix du marché », complète la chargée de projet.
Depuis sa création, Base commune a permis l’acquisition de 3 000 mètres carré de rez-de-chaussée en vue de l'implantation d'une cinquantaine de projets dans plusieurs villes dont Paris, Lyon et Malakoff. Ses projets, qui se concentrent uniquement sur des bâtiments neufs ou réhabilités, reposent sur le soutien des collectivités et des aménageurs. « Nous avons aussi lancé une levée de fonds citoyenne. Notre objectif est d’avoir un rythme de 2000 mètres carrés par an », ajoute Sarah Fryde.
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Des logements solidaires et des commerces en milieu rural
Un peu plus loin, des acteurs plus anciens sont également présents. C’est le cas du Réseau Caritas France, qui propose des logements locatifs sociaux à destination des seniors dans sept régions de France. Implantés essentiellement en zone rurale, les logements du Réseau Caritas reposent sur le principe ancestral du béguinage, un lieu qui regroupe des habitations indépendantes autour d’un espace de vie partagé.
Sur un stand à proximité, la Scic Villages vivants, fondée en 2018, agit, elle aussi, dans les territoires ruraux. La coopérative solidaire s’appuie sur de l’épargne citoyen et des investisseurs à impact pour financer des projets dans des locaux commerciaux vacants.
« Nous investissons quand nous rencontrons un porteur de projet qui a une vision connectée au territoire », explique Sylvia Plion, administratrice bénévole. Après un processus de sélection des dossiers, Villages vivants acquière le foncier nécessaire à l’activité soutenue et le loue à un loyer adapté. Parmi les vingt-quatre projets développés depuis la création de Villages vivants : des auberges, des restaurants ou encore des commerces, comme des boulangeries. « Nous sommes attentifs à la volonté de créer du lien », appuie Sylvia Plion.
À terme, les porteurs de projet ont également la possibilité de racheter les locaux de leurs activités.
Créer du lien social dans les villes
« L’immobilier solidaire répond à la crise du secteur privé lucratif et à une demande de certains acteurs publics qui apprécient notre capacité à transformer les espaces », soutient Mathias Rouet, co-initiateur de Plateau urbain. La coopérative d’urbanisme temporaire a transformé pour une durée provisoire des locaux de la Sorbonne en un tiers-lieux, où se déroule la kermesse.
L'évènement est organisé en collaboration avec la foncière responsable Bellevilles. Entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus), Bellevilles rachète des immeubles et y réhabilite des activités diverses, comme des logements, des commerces, des tiers-lieux et des espaces d’activités, dans le but de participer à la revitalisation de territoires et de patrimoine. À Toulouse par exemple, Bellevilles a réaménagé les 13 000 mètres carrés des anciennes Halles de la cartoucherie pour en faire un lieu de vie hybride accueillant à la fois un marché, un tiers-lieu, une école de cuisine ou encore des activités sportives.
Plateau Urbain de son côté aménage de manière provisoire des bâtiments vacants pour leur redonner une utilité et les mettre à disposition de personnes éloignées du foncier, comme des acteurs de l’ESS et des artistes. Depuis sa création il y a dix ans, la coopérative a ouvert plus de 55 lieux.
Organisé en même temps que le salon de l’immobilier, le but de l’évènement « est de montrer que l’immobilier solidaire a une force de frappe et qu’il est en train de monter en compétences », explique Anne Leroy, directrice de la communication de Plateau Urbain. Pour sa première édition, la kermesse a réuni plus de trois mille participants.
Élisabeth Crépin-Leblond