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Par Carenews PRO - Publié le 12 mai 2021 - 10:00 - Mise à jour le 26 décembre 2023 - 13:50 - Ecrit par : Christina Diego
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3 questions sur la taxonomie verte à Maud Gaudry du cabinet Mazars

Lancée par la Commission européenne, la taxonomie verte vise à définir la liste des activités les plus réductrices en émissions de gaz à effet de serre. Un acte délégué très attendu vient d’être publié le 21 avril dernier pour sa mise en œuvre. Explications.

Entretien sur la taxonomie verte avec Maud Gaudry du cabinet Mazars. Crédit : Choukhri Dje
Entretien sur la taxonomie verte avec Maud Gaudry du cabinet Mazars. Crédit : Choukhri Dje

 

Pour mieux comprendre à quoi correspond précisément la taxonomie verte et les enjeux de l’acte délégué publié le 21 avril dernier par la Commission européenne, nous nous sommes entretenu avec Maud Gaudry, directrice Sustainability au sein du cabinet Mazars qui accompagne ses clients dans leurs obligations de reporting en développement durable et sur leur stratégie RSE. 

Lancée par la Commission européenne en 2018, l’idée de créer une « taxonomie verte » pour les activités économiques doit permettre de définir un seuil d’émissions de CO2 en-deçà duquel les entreprises seront considérées comme « vertes ». C’est-à-dire contribuant à « l’évolution positive du climat ou atténuant le réchauffement climatique », a expliqué Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, en charge d’une Économie adaptée aux personnes, dans une tribune publiée par Les Echos

En juin 2020, le Parlement européen a adopté un règlement définissant cette taxonomie, qui devrait être effective à la fin de l’année 2021, puis totalement en 2022. En pratique, les investisseurs financiers devront pouvoir avoir accès aux activités dites vertes des entités économiques, selon des indicateurs de taxonomie des entreprises dans lesquelles ils souhaitent investir. Pour régir cette finance verte au niveau européen, un premier acte délégué vient d’être publié le 21 avril dernier. Un second est prévu en juin prochain.

 

  • Carenews : Quels sont les objectifs de l'acte délégué de taxonomie verte publié par la Commission européenne ? 

 

Maud Gaudry : C’est un outil pensé pour la sphère financière. Cet acte délégué, publié le 21 avril par la Commission européenne, était une des pièces manquantes. Il en manque encore une, qui doit permettre au texte de rentrer en vigueur début 2022. Il était attendu avec impatience. 

La taxonomie est un élément du dispositif européen pour permettre aux acteurs financiers européens de diriger les flux colossaux d'investissements que l’UE a décidé d'allouer à sa politique de développement durable, notamment à ses objectifs climatiques, soit les - 55 % d’émissions polluantes en 2030 et devenir le premier continent zéro carbone en 2050. Pour y parvenir, les investisseurs européens ont pour mandat d’allouer prioritairement les fonds d’investissement sur des activités dites vertes, car elles vont contribuer le plus vite et le plus en profondeur à l'atteinte de ces objectifs climatiques. C’est un outil à l’attention des financiers qui doit être produit par les acteurs économiques.

Cet outil a été créé conjointement par un panel d'experts dont beaucoup viennent de la sphère financière, d’autres du monde académique et économique. C’est une norme produite au départ par des experts scientifiques sur la base de connaissances et de méthodologies scientifiques qui renseignent sur comment faire pour réduire les émissions polluantes, quelles sont les activités qui doivent être arrêtées, celles qui doivent être encouragées, etc.

 

  • Que va changer cette taxonomie verte pour les entreprises françaises ? 

 

M. G : Jusqu’à présent, le positionnement des acteurs économiques dans l’univers du développement durable se faisait sans aucun référentiel commun, mais sur une base déclarative sans être soumis aux scientifiques qui sont ceux qui peuvent dire si les activités sont polluantes ou non. Ce qui change vraiment c’est que la taxonomie crée un référentiel d’activités vertes qui ont été déterminées “vertes” sur la base de critères scientifiques. D’ailleurs, un lien existe avec la stratégie RSE des entreprises, feuille de route qui définit sa contribution à l’environnement et à son écosystème que sont le social et le sociétal, au delà de la valeur financière créée. 

La taxonomie verte est donc un outil de cartographie et d’analyse qui permet à une entité de se positionner par rapport à une trajectoire de réduction des émissions carbone. C’est cet exercice qui va lui permettre de savoir où elle en est par rapport à la réduction de ses émissions. La taxonomie est un vrai outil de positionnement et d’analyse stratégique. 

En France, la taxonomie s’applique de manière obligatoire aux activités censées produire une déclaration de performance extra-financière. Elle concernera, en Europe, environ 50 000 entreprises. 

La taxonomie s’appliquera pour la première fois en 2022 sur des rapports publiés au titre de l’exercice 2021, pour les entreprises déjà soumises aujourd’hui à obligation de reporting de développement durable. D'autres entreprises vont devoir publier un rapport de développement durable à horizon 2024. Cependant, pendant ce laps de temps, dans la réalité de la vie des activités des acteurs économiques européens et français va découler une quasi obligation factuelle. 

Car toutes les entreprises qui ne sont pas soumises à cette obligation ont pour autant besoin d’avoir accès aux capitaux financiers et les investisseurs doivent répondre au mandat de l’UE d’orienter leurs fonds vers des activités « vertes », définies par la taxonomie. 

Il existe par ailleurs beaucoup d’autres activités non polluantes qui ne sont pas dans cette première liste des 80 activités choisies, car ont été choisies celles qui permettent d’aller le plus vite vers l’objectif de la réduction des émissions, de par les technologies existantes qui leur permettent de faire au plus vite leur transition.

Les prochaines étapes pour les entreprises sont l’analyse de leurs activités et la vérification qu’elles sont bien alignées avec la liste des activités vertes. Elles vont devoir produire trois indicateurs que sont le chiffre d’affaires, la capacité d’investissement et les dépenses courantes liées à chacune des activités vertes, et démontrer dans quelles proportions ces trois indicateurs traduisent les activités vertes par rapport au panel d’activité de l’entité. Plus les ratios seront élevés, plus l’entreprise sera considérée en capacité de contribuer à la réduction des émissions en le faisant vite.

Les premières publications sont prévues dans neuf mois. Pour faire ces calculs, l’UE doit encore sortir un autre acte délégué d'ici l'été, qui va donner les modalités techniques de calculs des ratios financiers. C’est une étape importante et nécessaire à la mise en œuvre progressive de la taxonomie en janvier prochain.  

 

  • Comment cette taxonomie peut contribuer à un horizon zéro carbone en 2050 ? 

 

M. G. : Le fait de se positionner par rapport à une trajectoire de réduction, cela va générer des prises de conscience pour certaines entités qui n’ont pas encore fait l’analyse technique de leurs activités. Tout va dépendre de la prise de conscience et de la responsabilité des acteurs économiques pour réduire leur impact et ajuster leurs opportunités de développement commercial dans ce contexte. Cela devrait faire une vraie différence, surtout pour ceux qui n’ont pas l’obligation de publier d’informations sur les trois indicateurs de la taxonomie, notamment, si les autres acteurs jouent le jeu, alors, in fine, cela aura un effet multiplicateur. 

D’ici la fin de l’année, la commission va publier d’autres activités « vertes », notamment sur les thèmes de la gestion de l’eau, de l’économie circulaire, de la pollution, de la biodiversité, etc. 

Et ce n’est que le début. Nous allons entendre parler de cette taxonomie verte pendant les quatre prochaines années. La commission a prévu de revisiter le dispositif et les directives de reporting tous les deux, trois ans.  

 

Rappel historique des faits sur la taxonomie verte

Mars 2018, l’Europe annonçait son plan d’action pour financer une croissance durable. Elle lance un arsenal de mesures notamment à l’attention du secteur financier pour les aider à orienter les flux d’investissement vers des activités vertes ou durables.

Décembre 2019, l’UE dévoile son Green Deal, sur une période de dix ans, de 2020 à 2030, qui définit des objectifs climatiques, environnementaux et sociaux, dans le cadre plus général de l’adhésion aux objectifs en développement durable de l'ONU. 

Juin 2020, un second outil est adopté par l'UE, la taxonomie verte, qui vise à adapter ses outils financiers. Le texte avait été adopté à l’époque au niveau de ses principes et la mise en œuvre nécessitait l’adoption de critères d'analyse technique scientifique sur lesquels les acteurs économiques devront s’appuyer pour publier leurs informations en fin d’année. 

 

 

Christina Diego 

 

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