Aller au contenu principal
Par Carenews PRO - Publié le 6 mai 2021 - 08:00 - Mise à jour le 1 juin 2021 - 15:30 - Ecrit par : Christina Diego
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Grégoire Bleu (UpCycle) : « L’économie circulaire, quand elle est humble et pragmatique, est une invitation à une démondialisation raisonnée »

Nous avons rencontré Grégoire Bleu, cofondateur de UpCycle, entreprise sociale qui valorise les biodéchets localement. Compostage et tri de matières organiques, les enjeux de l'entreprise se tournent désormais vers l’international.

Entretien avec Grégoire Bleu cofondateur de UpCycle. Crédit : UpCycle
Entretien avec Grégoire Bleu cofondateur de UpCycle. Crédit : UpCycle

 

  • Pouvez-vous nous présenter l’entreprise UpCycle et ses missions ? 

 

Nous sommes une entreprise ESUS du secteur de l’agronomie, composée de dix salariés. Notre travail permet le retour au sol des biodéchets. En réalité, cette mission peut paraître étonnante, car dans le cycle de l’eau ou du carbone, le déchet n’est qu’une étape parmi tant d’autres de la matière qui va passer de fleur à fruit, puis à fruit consommé, etc. Sauf que les sociétés humaines ont oublié de respecter ce cycle et se sont mises à enfouir, brûler ou stocker les déchets. Notre mission est de faire reprendre au carbone son cycle du vivant.   

Nous avons développé plusieurs savoir-faire. Au départ, le premier actif était basé autour de la transformation du marc de café en pleurotes. Réussir à faire tourner un modèle économique écologique et social autour de cette ressource transformée en champignon haut de gamme pour des cuisiniers étoilés, c’était déjà une belle performance. Nous avons démarré avec un contenaire de 20 m2 dans le 20e et aujourd’hui nous exploitons une serre de 2 000 m2 dans les Yvelines. Nous livrons de nombreux supermarchés en Île-de-France en pleurotes. Cela représente cinq emplois pérennes.

Une deuxième activité est réalisée à partir de déchets mélangés des cantines afin de ramener les composteurs en cœur de ville. Nous avons créé toute une filière avec des outils de fabrication et des savoir-faire d’accompagnement. En 2011, nous avions déjà l’idée de transformer la ville en écosystèmes fertiles, avec de l’aquaponie et des fermes sur les toits. C’est chose faite. 

Une troisième activité est en train de se créer avec du conseil pour accompagner les collectivités ou les entreprises à implanter des projets en agroécologie urbaine sur leur territoire. Nous nous adressons principalement aux grandes entreprises françaises, aux PME et des collectivités locales, dont certaines nous font déjà confiance, comme la ville de Paris, Versailles, Marseille, Rennes métropole, etc. 

 

  • Comment se développe l’activité de compostage ?   

Aujourd’hui, il y a vingt composteurs en région parisienne et une quarantaine sur toute la France. Nous en livrons encore d’autres en ce moment, donc je pense qu’il y en aura en tout une cinquantaine fin juin prochain. L’activité de compostage prend clairement son envol en ce moment de par le potentiel d’impact. C’est une organisation en triptyque. UpCycle fournit le composteur et le savoir-faire , la collectivité se charge de la gestion des déchets et finance le système. Une structure associative locale prend le relai et déploie le système. 

 

  • Quels sont les impacts sociaux et environnementaux de cette activité ?

 

Pour 10 000 habitants, cela représente 100 tonnes de compost produites par an. Ce sont des volumes très importants. La majorité de nos clients arrive à réaliser un gaspillage en moins, de 20 à 40 %. C’est une approche complète et globale pour réduire les déchets. Les biodéchets aujourd’hui en France sont à 80 % enfouis ou incinérés. C'est une vraie catastrophe environnementale. Et un gâchis social. Avec notre modèle, nous pouvons créer des milliers d’emplois en cœur de ville, accessibles à des personnes en réinsertion, éloignées de l’emploi. Par exemple, nous avons conçu un système qui remplace les camions poubelles par une remorque électrique. Celle-ci peut être tirée par un vélo et conduite par une personne qui n’a pas besoin de permis. Grâce à ce modèle, nous demandons aux collectivités d'abandonner le camion poubelle tout en créant plus d’emplois. 

 

  • La loi Agec prévoit l’obligation de tri et de valorisation des biodéchets pour ceux qui en produisent plus de cinq tonnes en 2023. Qu'est-ce que cela va changer concrètement ? 

 

En réalité, c'est une échéance qui n'est pas si éloignée pour les collectivités. Les premières expérimentations ne sont pas très concluantes, mais elles ont le mérite d’être de bons indicateurs. Nous sommes en phase d’analyse de ces retours d’expérience. À partir de ces retours, nous avons monté un système de compostage avec la Caisse des dépôts et Habitat social qui fonctionne très bien dans le 20e arrondissement de Paris.

Au sein d’une copropriété assez conséquente, nous avons mis à disposition un composteur et un programme d'animation et de sensibilisation.  Premier point positif, les habitants ont adhéré. Ensuite, plusieurs mètres cubes de matières organiques sont collectés et nous avons des associations de l’agriculture urbaine et des magasins bio du quartier qui nous sont intéressés pour composter leurs biodéchets également. Cela représente 80 foyers qui ont adhéré au projet et engagé à trier leurs déchets, à les apporter au composteur qui traite près de 80 kilos par jour. Une association vient récupérer le compost. On a ainsi déjà pu créer un emploi avec une personne qui gère le composteur et fait de l’animation auprès des habitants. Un véritable écosystème est en train de se créer autour de ce projet, animé par la régie du quartier Saint-Blaise. 

 

  • Comment l'économie circulaire peut-elle répondre aux enjeux de la transition écologique ?

 

L’économie linéaire en tout cas ne peut pas résoudre la problématique des déchets. Des systèmes comme les nôtres sont nécessaires. Il faut faire preuve de beaucoup d’humilité. Nous croyons beaucoup aux systèmes locaux, décentralisés. Pour un quartier, gérer ses biodéchets, ce n'est pas très compliqué. Mais à l’échelle d’une région, actuellement, cela se traduit par envoyer 30 % des biodéchets en Belgique, car, on n’a pas la machine pour le faire, donc on arrive à des absurdités environnementales. 

L'économie circulaire devra s’exercer à l’échelle locale, tant que possible, et devenir un outil d’appropriation de l’économie, de l’espace urbain et des interactions sociales. Dans ce cas-là, elle est formidablement efficace. Cette économie circulaire, quand elle est humble et pragmatique, est une invitation à une démondialisation raisonnée qui ne tourne pas le dos à l’avenir. 

Notre premier devoir est de mettre en place des systèmes qui fonctionnent.Il y a quatre ans, parler de cohésion sociale ou de résilience alimentaire à des collectivités, c’était encore perçu comme un peu « engagé ». Aujourd'hui, c’est plus du tout le cas. Ce sont des sujets qui sont audibles et qui ouvrent des espaces qu’il faut venir nourrir avec succès. ll y a une écoute aujourd’hui pour des solutions alternatives, plus résilientes. Et cette écoute n’aura qu’un temps. 

 

  • Quelles conséquences la crise sanitaire a-t-elle eues sur votre activité ? 

Avant la pandémie, nous vendions beaucoup de champignons aux restaurateurs et côté composteurs, nous importions beaucoup de machines d’Angleterre. Nous nous sommes consacrés à la fabrication et la reconception du matériel en France – les composteurs, broyeurs électriques, remorques électriques, au total cela représente près de vingt machines. Nous sommes très encouragés par les pouvoirs publics et les grandes entreprises pour qui sont en demande.  

Dès avril 2020, au début de cette crise, nous voulions être véritablement un acteur du changement. Et nous avons adopté cette promesse très tôt. 

 

  • Quels sont vos projets à venir ? 

Nous sommes en développement à l’international. Nous avons ouvert des activités en Suisse et en Belgique. Ce qui est passionnant aujourd’hui c’est de voir comment notre système et notre savoir-faire vont pouvoir s’adapter à d’autres cultures. Par exemple, nous travaillons actuellement sur des projets au Moyen-Orient. Ce n'est pas du tout la même culture du traitement des biodéchets dans ces pays. Ils ont des enjeux de désertification et d’urbanisation qui deviennent insoutenables, mais ils ont pris des décisions fortes comme réduire leurs déchets de moitié d’ici 2030.

Nous avons aussi des projets avec l’Outre-mer, la Calédonie et des endroits très isolés. Ils s'intéressent beaucoup à nos systèmes, car ils ont des besoins pour résoudre leur gestion des déchets et ramener du maraîchage localement. Ce sont des villes qui souvent ont désappris à être autonomes et à recréer une agriculture locale.

 

 

Christina Diego 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer