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Par Carenews PRO - Publié le 11 juillet 2022 - 09:51 - Mise à jour le 11 juillet 2022 - 12:05
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À la Comédie-Française, Molière joue toujours pour ses mécènes !

À l’occasion des 400 ans de la naissance de Molière, une multitude d’événements se déroule en France. Focus sur sa « Maison » où le mécénat moderne n’allait pas forcément de soi.

Molière et ses mécènes. Crédit : iStock
Molière et ses mécènes. Crédit : iStock

 

Louis est le plus grand des rois ; Heureux, heureux qui peut lui consacrer sa vie ! »

 

Voilà ce qu’on pourrait appeler, au 17e siècle, une contrepartie de mécénat. Une dernière fois, en 1673, Molière chante les louanges de son protecteur en ouverture de son ultime chef-d'œuvre, Le Malade imaginaire.  

Des mécènes et des lieux

Toute sa vie, comme nombre d’artistes de son temps, le prodige du théâtre français a dépendu des mécènes, du prince de Conti à Louis XIV en passant par son frère Monsieur, pour bénéficier d’une pension, équivalent de nos subventions, et d’un théâtre comme celui du Palais-Royal affecté à sa troupe en 1661.

Après la mort du dramaturge, sa troupe, virée au profit de Lully, fusionna en 1680 sur ordre du roi avec une autre compagnie pour devenir la Comédie-Française, à nouveau « subventionnée ». En 1799, elle se réinstalle au Palais-Royal, à deux pas du premier théâtre, dans ce qu’on appelle aujourd’hui la Salle Richelieu. 

 

La Maison de Molière célèbre les 400 ans 

En 2022, la « Maison de Molière » célèbre les 400 ans de la naissance de son laïc patron et les mécènes sont toujours à son chevet, en plus de l’Etat républicain, successeur du pouvoir monarchique, qui lui verse une subvention annuelle d'environ 25 millions d’euros devenue ric-rac.

Des entreprises soutiennent des spectacles : le cabinet d'audit Grant Thornton ou, plus inattendu, la multinationale de confiserie Haribo Ricqlès Zan et le fournisseur de matériel de podologie Sidas-Podiatech. D’autres financent des projets éducatifs, face méconnue de l’institution : l’académie, qui accueille chaque saison neuf jeunes issus d’écoles d’art, par le groupe de formation IGS ; le bureau des jeunes lecteurs-auteurs, ateliers pratiques autour de textes pour une vingtaine de jeunes de 18 à 25 ans, par le Club 1680 qui collecte les dons de particuliers de moins de 1 500 euros boostés par le covid, grâce aux places non remboursées ; le portail documentaire La Grange dédié au patrimoine de la Maison, rafraîchi grâce à la Fondation d’Entreprise Michelin…

Sans oublier la Caisse d’Epargne Ile-de-France  qui, depuis 2007, permet d’offrir des places gratuites aux moins de 28 ans. Enfin, la Fondation de la Comédie-Française créée en 2016 sous l’égide de la Fondation de France, présidée par Marie-Claire Janailhac-Fritsch du groupe pharmaceutique Guerbet, qui avait œuvré auparavant au théâtre du Châtelet. La fondation, au service des projets du théâtre national, soutient autant la création, le patrimoine que la médiation avec des visites offertes aux groupes du champ social.

En 2019, elle s'enorgueillissait d’avoir triplé le nombre de grands donateurs, passés de 40 à 130, et de rassembler une trentaine d’entreprises, contribuant ainsi pour 12 % aux fonds propres de ce qui est, depuis 1995, un établissement public à caractère industriel et commercial. En 2020, malgré sa fermeture pendant neuf mois du fait de la crise sanitaire, la Comédie-Française a réussi à collecter plus de 1,5 million d’euros de mécénat, via sa fondation et en direct, soit autant qu’en 2018, avant la crise. 

 

Le mécénat culturel et la Comédie-Française

Pour autant, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, cette forme de mécénat moderne n’allait pas de soi à la Comédie-Française. C’est l’une de ses sociétaires, Muriel Mayette-Holtz, qui le développa durant son double mandat d’administratrice générale, collectant 100 000 euros en 2006 pour atteindre 1,03 million d’euros en 2014. Non sans remous, comme elle devait le confier aux auteurs de « Main basse sur la culture » (éd. La Découverte, 2014) : « Je n’ai pas toujours été aidée en interne par les artistes qui sont totalement paranos vis-à-vis du mécénat. Je dois dire que moi qui suis issue de cette troupe, je comprends cette paranoïa de l’argent privé, mais j’ai découvert des partenaires beaucoup moins intrusifs que je ne le craignais ».

Les mécènes se voient remercier en invitations, en mentions dans le programme et en diverses rencontres. Ainsi la troupe a fait une tournée en Chine en 2011 avec le soutien du maroquinier Longchamp, la restauration acoustique de la salle historique a pu être menée en 2012 pour 1,4 million d’euros grâce à Total, Natixis et la Caisse d’épargne Ile-de-France. Après avoir créé un Cercle des mécènes en 2011, un bal avec une levée de fonds à l’américaine s’est tenu en 2013 pour 500 invités, rapportant 500 000 euros.

Si la gouvernance décomplexée de l’administratrice a été contestée au point que la troupe s’est opposée, en 2014, à sa reconduction, son successeur, Éric Ruf, également comédien, a poursuivi sur la même lancée la question mécénat, finançant ainsi les tournées à l’étranger, optimisant encore la recherche d’argent avec la création de la fondation qui s’est fixée pour limite éthique qu’un fournisseur réel ou potentiel de l’institution ne peut pas être mécène, ce que la loi n’impose pas.

 

La Salle Richelieu et sa troupe en contrepartie de mécénat

 

En revanche, il est toujours possible de privatiser entièrement la Salle Richelieu avec ses 860 places, son personnel et sa troupe pour 100 000 euros HT. Ou comme contrepartie de mécénat. Les autres salles de la Comédie-Française l’étant aussi pour moins cher : 30 000 euros le Vieux-Colombier, 14 000 euros le Studio-Théâtre.

Un exercice délicat, comme le rapportait encore Muriel Mariette-Holtz avant son départ : « Ces soirées ne sont pas faciles pour les acteurs. Nous jouons devant un public qui est présent pour sa boîte et moins disponible pour le spectacle ».

En d’autres circonstances, selon le montant donné, les Comédiens-Français peuvent être approchés de manière encore plus privilégiée : « En dehors du gala des mécènes où toute la troupe est sollicitée, j'invite les acteurs à venir les rencontrer, sans aucune obligation bien sûr, précisait l'administrateur dans une interview aux Echos en 2018, et ils constatent qu'au-delà de l'aspect financier, des relations amicales se nouent ».

Était-ce si différent du temps de Molière ? Toujours est-il que « parano », la Comédie-Française l’est peut-être encore un peu, personne n’a répondu à nos questions.

 

Bernard Hasquenoph

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