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Par Carenews PRO - Publié le 10 février 2022 - 10:00 - Mise à jour le 10 février 2022 - 10:00
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Au Mexique, une générosité entre communauté et vitalité

Pays ayant connu un développement fulgurant, le Mexique s’est transformé au cours des vingt dernières années. Le pays est aujourd’hui la 12e économie du monde et a vu le niveau de vie moyen augmenter très largement. Dans ce contexte de développement économique (mais aussi d’ultra-violence liée au narcotrafic), comment s’organise la générosité mexicaine ? Explications.

Au Mexique, la philanthropie est en plein essor. Crédit : iStock
Au Mexique, la philanthropie est en plein essor. Crédit : iStock

 

Une histoire entre tradition et autoritarisme

Si les civilisations mayas et autres groupes natifs ont développé des formes de dons et d’échanges, c’est l’église catholique qui, après l’arrivée des conquistadors, va être un agent puissant de développement de la philanthropie du Mexique. Mais dès la fin du XIXe siècle, les instances dirigeantes vont commencer à s’intéresser au sort des plus pauvres et, dans la première partie du XXe, sous l’impulsion du PRI (parti révolutionnaire institutionnel), le rôle de la société civile tend à se restreindre. Pendant près de 70 ans, la générosité n’est alors pas formellement encouragée. 

 

Un cadre légal peu attractif

Plusieurs événements vont mener à un véritable réveil, notamment le tremblement de terre qui détruisit Mexico en 1985. Enfin, la défaite électorale du PRI en 2000 va participer à un renouveau de la société civile et à une structuration rapide de la philanthropie mexicaine. 

De ce point de vue, les incitations à la philanthropie, si elles existent bel et bien, restent limitées. En effet, les dons faits aux associations enregistrées auprès du Registre Fédéral sont déductibles du revenu imposable dans la limite de 7 % du revenu. A noter que ce principe s’applique aux individus comme aux entreprises (pour ces dernières, c’est le revenu brut qui est pris en compte dans le calcul du plafond). Cette obligation d’inscription et les contrôles afférents font que 7 325 organisations seulement sont habilitées à recevoir des dons. Un chiffre relativement faible au vu de la taille de la population du pays (128 millions d’habitants).

 

Une habitude du don à construire

Selon le World Giving Index, 21 % de mexicains auraient donné de l’argent au cours de l’année écoulée. Au global, le pays se classe en milieu de peloton à la 87e place de ce classement.

De manière assez cohérente, une étude de 2010 estimait à 650 millions de dollars les montants donnés. Cette somme représentait alors 0,18 % du PIB de l’époque, loin derrière le Brésil (0,29 %) et l’Argentine 1,02 %). Motif d’espoir cependant, ce chiffre avait été multiplié par quatre en moins d’une décennie. Les donateurs individuels représentaient alors 57 % des dons (en valeur), les fondations 29 % et les entreprises 14 %.

Si les chiffres montrent une progression, il faut néanmoins pointer les limites de ces estimations. En effet, la générosité mexicaine se distingue par une part importante d’informel, difficile donc de donner des chiffres définitifs. Le caractère informel doit néanmoins être pondéré : de nombreuses organisations “ressources” existent comme la CEMEFI ou Alternativas y capacidades.

 

Un mécénat d’entreprise en plein essor

 

Si les entreprises ne réalisent qu’une part modeste des dons au Mexique, les plus importantes du pays commencent à se structurer. En 2012, une étude dédiée estimait que parmi les 500 plus grosses entreprises du pays, 29 % avait une fondation. Comme ailleurs en Amérique Latine (au Brésil par exemple), ces fondations sont très souvent opératrices et proposent aux salariés de leur entreprise-mère de s’engager. Par ailleurs, elles tendent à se professionnaliser rapidement : alignement sur les ODD, équipes dédiées (40 % ont plus de six salariés) et évaluation d’impact s’imposent peu à peu.

Elles opèrent également de plus en plus en coordination avec les personnes en charge de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise. Néanmoins, les grands patrons mexicains (comme Carlos Slim) sont peu nombreux à s’exprimer sur le sujet et confondent parfois générosité personnelle et celle de leur entreprise.

 

Une générosité embarquée, digitalisée et… menacée ?

 

Si pour les individus, l’informel semble être la règle, la générosité de la jeunesse mexicaine se distingue par une digitalisation importante avec des plateformes de crowdfunding comme Donadora et un dispositif de don en caisse qui aurait inspiré MicroDon

Auprès des publics plus seniors, les levées de fonds télévisées sur le format du Téléthon restent populaires. Mais le contexte violent que connaît le pays n’est jamais bien loin. 

Le Washington Post racontait par exemple “[qu’]une organisation à but non lucratif dans l'État frontalier de Tamaulipas avait été ciblée par des extorqueurs après la parution d'un article dans un journal la félicitant d'avoir reçu une subvention”.

 

Des “community foundations” particulièrement développées

 

Mais s’il est un élément marquant et différenciant de la générosité mexicaine, c’est bien le phénomène des community foundations. C’est par exemple le cas de la Fundacion del Emprasariado Chihuahense créé par les entreprises de cet Etat pour soutenir des projets dans le domaine de la santé et de l’éducation. Il existe également plusieurs fondations actives de part et d’autres de la frontière américaine et mexicaine, notamment la Paso Del Norte Foundation. Une dynamique que l’on retrouve tout au long des milliers de kilomètres de la frontière.

Avec une générosité en plein essor malgré un contexte local difficile, le Mexique développe un modèle de philanthropie original. Entre informel, nouvelles technologies et structures d’appui de plus en plus solides, c’est un modèle inspirant à plus d’un titre !

 

William Renaut 

 

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