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Par Carenews PRO - Publié le 21 septembre 2023 - 17:38 - Mise à jour le 17 septembre 2024 - 18:26
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Comment l'ESS peut évoluer : 4 questions à Robert Boyer, lauréat du Prix du livre ESS 2023

L’économiste et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) Robert Boyer a remporté ce jeudi 21 septembre le Prix du livre sur l’ESS dans la catégorie « expert », organisé par Le Toit Citoyen, club des élus de CSE Citoyens. Son livre intitulé « L’économie sociale et solidaire, une utopie pour le XXIe siècle ? » promet un brillant avenir à l’ESS, mais met également en avant ses limites. Carenews est allé à sa rencontre.

Robert Boyer entouré des autres lauréats du prix sur l'ESS et des partenaires de la cérémonie. Crédit. DR
Robert Boyer entouré des autres lauréats du prix sur l'ESS et des partenaires de la cérémonie. Crédit. DR

 

  • L’un des premiers défis pour l’ESS que vous mettez en avant est celui de définition. Il y a actuellement des dissensions entre les différents acteurs de l’écosystème sur le sujet. Vous dites d’ailleurs dans votre livre qu'il « peine à unifier la myriade d’objectifs, d’organisations et de statuts juridiques qui se sont accumulés tout au long de l’évolution séculaire du champ de l’ESS ». Pourquoi ?

 

Que le meilleur gagne, que les programmes s’affrontent et se mettent en œuvre. Cependant, le problème c’est de faire du tiers secteur qu’est l’ESS, un fourre-tout. Alors qu’au contraire, ça doit être un principe avec une logique très forte, capable de se généraliser de secteur en secteur et de créer une synergie favorable avec l’esprit de coopération. 

Il y a les théoriciens qui rêvent d’un régime alternatif au capitalisme et puis il y a les praticiens. Et au milieu, il n’y a rien. Alors que le milieu, c’est l’intermédiation politique et cognitive. D’une certaine façon, l’économie sociale souffre de schizophrénie. Il y a les têtes et les jambes, mais il manque le cœur et l’estomac au milieu. Grosso modo, il manque les affects qui rendent désirable l’Économie Sociale et Solidaire. 

 

  • Comment l’ESS peut-elle donc se rendre plus désirable et obtenir une place plus importante dans la société ? 

 

Il faut essayer d’enseigner l’ESS dans les universités comme matière vivante et rééquilibrer un peu la formation des théories économiques. L’ESS est le parent pauvre de cette thématique. Nous avons besoin d’un réarmement intellectuel. 

Il faut également qu’il y ait un cadre législatif favorable. Or, si l’on regarde les contrats publics, c’est le principe de concurrence qui domine. L’ESS est une sorte de délégation d’exception alors qu’elle doit être un principe offensif de collaboration et de coopération.

L’économie sociale et solidaire est très forte dans des domaines comme l’éducation, la formation, la santé, la culture, le logement et la réinsertion. Elle est également à la pointe de l’innovation sociale qui est absolument fondamentale, et ce, même face à l’innovation technologique. Il faut mettre en avant la façon dont l’ESS permet de préserver le lien social tout en organisant la production. C’est un angle d’attaque et un impératif important. Je tiens le pronostic suivant : sans l’ESS, tant l’État que le marché rentreraient en crise. C’est un secteur modeste, mais c’est la roue de secours qui permet la viabilité des deux autres régimes. 

 

  • Vous dites que l’ESS est absolument vitale, mais qu’elle devrait essayer de ne plus être simplement les béquilles du capitalisme et de l’État. Comment pourrait-elle faire ?

 

Cela doit passer par le réinvestissement des personnalités politiques. Benoît Hamon était l’un des derniers hommes politiques qui était très sensible à la question de l’économie sociale et solidaire. Mais quand je regarde actuellement les débats de la Nupes, le sujet de l’ESS n’est pas présent dans les débats. Il faut un réarmement du lobbying auprès de la gauche pour réhabiliter cette préoccupation qui a disparu. Si une force de gauche ne porte pas ce sujet, ce ne sont pas les autres forces politiques libérales qui vont le faire. 

 

  • Peut-on imaginer un futur où les structures de l’ESS françaises collaboreraient avec des structures similaires en Europe et à l’international ? 

 

Bien sûr. Je crois que beaucoup de ces collaborations existent déjà. Les rencontres, la coopération et le partage d’expériences se font. Mais il faudrait aller au-delà, en consolidant des traités internationaux qui favorisent la coopération et la socialisation des divers pays. La mise en pratique à une échelle significative, c’est cela le plus difficile. 

 

Leticia Farine 

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