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Par Carenews PRO - Publié le 23 juin 2022 - 14:49 - Mise à jour le 30 juin 2022 - 09:08 - Ecrit par : Christina Diego
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Le Fonds de dotation Lucie Care épinglé par la Cour des comptes pour la non-conformité de ses dépenses

La Cour des comptes, chargée de contrôler la conformité des fonds collectés et leur utilisation, vient de rendre public un rapport et un avis de non-conformité des dépenses engagées pour les années 2017 à 2019 par le Fonds de dotation Lucie Care. Décryptage.

Le Fonds de dotation Lucie Care dans la tourmente. Crédit : iStock
Le Fonds de dotation Lucie Care dans la tourmente. Crédit : iStock

 

La rédaction a reçu, ce 21 juin, un communiqué de la Cour des comptes qui l’a interpellé, au sujet du fonds de dotation Lucie Care. Ce dernier a été créé par l’association Union nationale des aveugles et déficients visuels (Unadev), son unique fondateur, en 2015. Outre le fait que l’information intéresse notre secteur, elle met en lumière comment la fiscalité des fonds et des fondations est régi par le législateur et le caractère obligatoire que ces structures du bien commun doivent respecter en termes de règles et équilibres, en contrepartie de leur rescrit fiscal. Dans ce cas précis, la cour a estimé qu'il y avait des dysfonctionnements. 

 

Un avis motivé sur l'utilisation des dépenses  

La mission sociale du fonds est de proposer aux donateurs de soutenir la cause des jeunes déficients visuels. Sauf que la juridiction financière publique de l'ordre administratif a constaté que, sur la période de 2017 à 2019, le Fonds Lucie Care « aurait surtout consacré l'essentiel de ses dépenses à la recherche de fonds. » 

Dans le détail, selon Stéphane Couchoux, responsable secteur Fondations, Mécénat & Entreprises à Impact du cabinet Fidal,  le Fonds de dotation entendait limiter le ratio des frais de recherche de fonds qu’il doit justifier dans le cadre de sa comptabilité en opérant un prélèvement forfaitaire de manière à les inclure dans les missions sociales. »

 

Selon lui, le fait d’opérer un prélèvement forfaitaire, même si ce point n’est pas prévu par la loi, n’est pas sans risque. « En principe, ces actions de sensibilisation génèrent des charges directes, imputables à l’euro ce qui n’est pas le cas du Fonds de dotation Lucie Care », précise-t-il.

En effet, la Cour des Comptes indique que « pour pouvoir considérer comme recevable cette imputation forfaitaire, la Cour doit disposer d’éléments de preuve attestant de la réalité d’une contribution de l’organisation de la collecte aux missions sociales du fonds, en particulier au travers d’actions de sensibilisation. »  

Des dépenses non dédiées à la mission sociale 

 

La Cour des comptes indique que même si le fonds a mené des « projets conformes à l’objet social de la dotation, allant de l’octroi des bourses de quelques centaines d’euros (pour le financement de séjours ou d’accompagnateurs, l’achat d’équipements spécifiques ou encore pour des aides médicales ponctuelles) à la mise en place d’un parcours sensoriel au sein du musée d’Aquitaine (versement d’une aide de 50 000 euros à la commune de Bordeaux) », les mesures engagées au bénéfice des jeunes déficients visuels « ne représentent cependant qu’une faible part de l’ensemble des dépenses du fonds de dotation ». La majorité des dépenses ont été consacrées « à la recherche de fonds, au détriment des missions sociales », peut-on donc lire dans l’avis. Dans le détail, selon les calculs de la Cour, la réalité des dépenses attribuées à des missions sociales en lien avec les déficients visuels, représenterait 30 % en 2017 et 2018, et 27 % en 2019. Et, d’après elle, les frais de recherche de fonds ont représenté respectivement 62% en 2017, 60% en 2018 et 62% en 2019 du montant des ressources comptabilisées.

La Cour stipule également que « les dons collectés par le fonds de dotation, tout comme la dotation consomptible qui lui a été accordée par l'Unadev lors de sa création, ont en conséquence essentiellement financé le coût de la collecte et le fonctionnement du fonds. » 

 

Quelles conséquences pour le fonds de dotation ? 

 

En tant qu’organisme de contrôle, la Cour doit impérativement vérifier d’où proviennent les dons collectés par la « générosité publique » et leurs affectations. Dans ce cas précis, la Cour des comptes atteste que les dépenses engagées, pour les exercices 2017 à 2019, par le fonds de dotation Lucie Care, n’ont pas été conformes aux objectifs poursuivis par l’appel public à la générosité. »

Pour l’avocat d’affaires, un tel rapport rendu public emporte déjà intrinsèquement un risque réputationnel pour ce fonds de dotation avec des difficultés dans le cadre de ses levées de fonds à venir. « C’est déjà une conséquence non négligeable. Or, la Cour des comptes sort l’artillerie lourde en actionnant un dispositif issu d’une Loi de 2016, codifié à l’article L. 143-2 du code des juridictions financières. » 

En conclusion de son avis, l'instance demande au fonds de dotation « de rectifier la construction du compte d’emploi des ressources pour refléter la réalité des frais de recherche de fonds, et de rééquilibrer à l’avenir l’emploi des ressources collectées auprès du public au profit des missions sociales. » 

C’est maintenant au ministre chargé du budget « de statuer sur le maintien ou non des avantages fiscaux attachés aux dons, legs et versements pouvant bénéficier à l’avenir au fonds de dotation Lucie Care », peut-on lire à la fin de l’avis.

Stéphane Couchoux précise à ce sujet : 

un engrenage assez infernal pour l’organisme concerné peut alors s’ensuivre (détaillé à l’article 1378 octies du CGI) : le ministre chargé du budget pourrait, par arrêté, suspendre de tout avantage fiscal les dons, legs et versements effectués au profit de l'organisme visé dans la déclaration. Par ailleurs, l'organisme visé par l’arrêté devra indiquer expressément dans tous les documents, y compris électroniques, destinés à solliciter du public des dons, legs, versements et cotisations, que ceux-ci ne peuvent plus ouvrir droit à aucun avantage fiscal. » 

 

La réponse du fonds Lucie Care

 

En réaction, le fonds Lucie Care a publié une réponse par communiqué accessible sur son site. On peut y lire que « sans dépense, pas de collecte et donc pas de missions sociales. Le réalisme de la situation de la générosité en France suppose que dans un environnement composé de nombreuses structures collectant des dons, l’organisme qui s’abstiendrait d’affecter les sommes nécessaires à la recherche de fonds faillirait à son objet. »

 

L’association Unadev déjà dans la tourmente

 

À la tête de ce fonds, l’association Unadev a été depuis 2016 accusée d’ « abus de confiance » et d’ « extorsions » relataient nos confrères de Libération dans un article d’avril 2019. 

Et l’article de préciser que l'Unadev avait perdu en 2018 son label « don en confiance » délivré un an plus tôt par le Comité de la charte du don en confiance. Celui-ci a estimé « ne plus être en mesure de garantir la confiance du public et des donateurs concernant l'Unadev, notamment sur la transparence. »

Un autre article, datant de la même époque, publié dans Sud-Ouest, expliquait qu’une trentaine de salariés manifestaient pour dénoncer « une ambiance de terreur » et « des conditions de travail dégradées » devant le siège social de Bordeaux. 

 

Christina Diego 

 

 

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