[INTERVIEW] Xavier Gay (Agence LIMITE) : Communiquer, un impératif pour exister
Xavier Gay, directeur de l'agence LIMITE, décrit les profondes transformations des 20 dernières années et les défis de la communication dans le secteur associatif. Comment appréhender les bouleversements du paysage médiatique, la fragmentation des publics, l’émergence massive des réseaux sociaux, la multiplications des intervenants ? Comment garder une visibilité face à de nouvelles organisations traitants de sujets émergeants avec le digital au cœur de leur modèle et des formes de mobilisations par communautés ? Comment adapter la communication avec des approches plus ciblées en collaborant avec des influenceurs, capables de toucher des audiences spécifiques ? La communication et le marketing : une coordination essentielle pour l’avenir. Comment faire face à la multiplication des collecteurs, notamment par les cagnottes ?
Un paysage en grande mutation
- Xavier Gay, vous dirigez l’agence de communication LIMITE qui travaille depuis très longtemps pour le secteur non lucratif. Quelles sont les évolutions de la communication ?
Xavier Gay : Plusieurs changements très profonds font que l’on ne communique plus aujourd'hui, de la même façon qu’il y a 15 ou 20 ans quand on est un acteur de l'intérêt général.
- D’abord l'écosystème s’est transformé, les associations se sont fortement professionnalisées, ce qui les conduit à placer la communication au cœur de leur stratégie. Il y a aussi l'entrée de nouveaux acteurs associatifs agissant avec des méthodes assez différentes de celles des ONG traditionnelles. Je parle ici d’ONG pour couvrir tous les types organisations. Les organisations qui communiquent sont donc beaucoup plus nombreuses.
- Le deuxième changement est le paysage médiatique. Il a profondément muté en raison de la montée du numérique et plus particulièrement l’arrivée des réseaux sociaux. L’attention qui est portée aux acteurs de l'intérêt général intervenants sur de grands sujets de société, n’est plus la même qu’au début des années 2000.
- Troisièmement, l'opinion a beaucoup évolué avec des clivages de plus en plus profonds, une « archipélisation » de la société, pour reprendre les termes de Jérôme Fourquet.
- Quand on parle d'évolution, vous parlez de 15-20 ans. N'est-ce pas plus récent que cela ? Qu'est-ce que vous appelez aussi les nouvelles ONG ?
Ces changements viennent de loin, c'est pour cela qu'on parle de 15-20 ans, mais ils se sont effectivement accélérés. On pourrait zoomer sur un horizon temporel beaucoup plus rapproché de 5 ou 10 ans. Les nouvelles associations dont je parle sont celles qui sont arrivées sur problématiques extrêmement ciblées en mettant souvent le digital au cœur de leur modèle avec des mécaniques de mobilisation citoyenne nouvelles. Elles se sont donc construites, avec des modes d'engagement et des modèles économiques différents des grandes ONG traditionnelles plus généralistes. Elles reposent sur des approches plus hybrides et ciblées. Pour prendre un exemple très concret (et récent), le projet Fratries sur le sujet de la colocation entre personnes en situation de handicap et personnes dites valides. Je pense aussi l'arrivée de Simplon il y a dix ans sur le numérique.
Adapter les modes de communication
- Vous nous dites qu'il n'y a plus de place pour de la communication traditionnelle : télévision, affichage, campagne radio, mais pour une communication ciblée ?
Pas nécessairement. Ces trois grandes mutations que j'ai évoquées amènent à avoir une communication qui n'est plus uniquement une communication sur le pourquoi de l'organisation, sa mission, son combat, en fait sa raison d'être, mais qui doit aller vers une communication sur le comment qui intègre la façon d'être, la façon d'agir.
Aujourd'hui, on ne peut plus simplement dire que l’on lutte contre la faim ou une maladie. Ce n'est pas suffisant pour se démarquer, créer de l'adhésion et faire comprendre à ses publics ce qu'on a de particulier nécessitant une mobilisation urgente.
Il faut des récits qui vont plus loin dans l'expression de ce qu'on fait et de comment on met en œuvre son action.
L'arrivée de nouveaux médias et canaux permettant une approche beaucoup plus ciblée doit amener les organisations à redéfinir la priorisation des supports. Cela n'interdit pas d'aller sur des médias traditionnels qui peuvent être utiles pour poser une marque, appuyer un discours corporate. Mais ce n’est pas à la portée de tous. Si l’on est une très grosse organisation, avec beaucoup de sujets à traiter recourir à des médias traditionnels peut faire sens. La question essentielle reste le rapport coût-efficacité sur ce type de média pour lequel le ticket d’entrée reste cher.
- Comment définir le cher ?
C’est relatif en effet, mais je parle ici de plans médias à plusieurs centaines de milliers d’euros. Ce type d’investissements médias concernent un tout petit nombre d'organisations (environ une centaine). Et, seules les 10 à 15 plus grosses investissent sur des campagnes télévisées suffisamment forte pour être vues et n’a de sens que si on veut effectivement toucher un très large public.
Si je n’exclus pas le recours aux grands médias, mais ce n'est plus du tout un passage obligé. Au contraire, il faut envisager des stratégies à partir de canaux et d'espaces beaucoup plus ciblés, beaucoup plus affinitaires où on va aller chercher des publics que notre contenu peut intéresser.
Une communication affinitaire
- Quand on dit un public affinitaire, ce sont des gens qui ont la même sensibilité. Mais comment une agence de communication va-t-elle chercher les publics qui correspondent à l'organisation ? Je suppose que vous évoquez aussi l'idée qu'on fait communiquer sur soi-même par d’autres ?
Oui, mais d’abord il faut avoir une bonne compréhension des publics à toucher. Il faut les comprendre, ne plus les considérer comme cela pouvait être le cas il y a longtemps, comme des cibles marketing avec des catégorisations trop caricaturales et donc réductrices (la fameuse ménagère de moins de 50 ans, par exemple). Beaucoup d’organisations ont progressé là-dessus à partir de l'analyse de fichiers. Chez LIMITE, nous faisons régulièrement pour nos clients des analyses qualitatives avec des sociologues pour essayer de comprendre les freins, les motivations, la façon dont les gens raisonnent ou se positionnent sur un sujet ou une organisation. Cette bonne compréhension est fondamentale. Nous avons un certain nombre de « capteurs humains », qui nous permettent d'avoir une compréhension fine de ce qui se joue, des perceptions, des situations de chacun des publics, notamment avec le Groupe Domplus auquel nous appartenons qui traite plus 1 500 situations de fragilité de vie par jour. Cela nous donne une matière extrêmement riche quand on discute avec nos clients parce que sur à peu près n'importe quel sujet de société, on sait identifier et comprendre les « insights » qui font que le discours de l'organisation sera juste et percutant.
Les chiffres, notamment ceux du Trust Barometer d'Elan Edelman, montrent une érosion progressive de l'ensemble des tiers de confiance traditionnels : les partis politiques, les journalistes, et bien d'autres. Les ONG, pourtant longtemps préservées, ont aussi vu diminuer le niveau de confiance que leur accordait l'opinion.
Par contre, on a vu progresser la confiance de la prescription par les pairs qui prend une place de plus en plus importante. On écoute plus l’avis de son voisin, ses copains, sa famille, sur un sujet ou une organisation, que les propos de journalistes ou de politiques.
Cela amène à des stratégies maîtrisée et intelligemment faite qui laissent une place importante à des créateurs de contenus, les influenceurs. J’insiste toutefois sur le fait de bien les distinguer des créateurs de contenu stars de la télé-réalité installés à Dubaï qui communiquent de manière purement commerciale.
À la recherche d’influenceur
- Mais qui sont ces créateurs de contenus ? Y a-t-il une communauté qui s'intéresse aux personnes en difficulté ? Y a-t-il des influenceurs sur ces sujets ?
Cela existe. C'est typiquement le cas sur les sujets environnementaux. Les plus connus, comme Hugo Clément ou Léa Camilleri par exemple, répondent bien à ce profil-là. Ce sont des gens qui se sont saisis d’un sujet et le traitent à la manière des journalistes.
Pour beaucoup d'autres champs comme la précarité, le logement ou la recherche médicale, je ne crois pas connaître d'influenceurs qui soient vraiment en symétrie exacte avec la cause d'une organisation. Par contre, des influenceurs traitent de ces sujets et parlent à une communauté dont le profil peut être concerné par ce que l'ONG propose.
Prenons un exemple concret, celui de la recherche médicale. Il y a un certain nombre de créateurs de contenus sur des sujets scientifiques, de vulgarisation… Pour l’Institut Pasteur, Gustave Roussy, l’Institut Curie, la Fondation ARC, la FRM... cela fait sens de discuter avec ces gens-là et de voir comment ils peuvent, ponctuellement ou régulièrement, traiter tel ou tel sujet avec leur propre univers d’expression.
- Je crois que les organisations traitant de l'environnement ont fait des ruptures sur tout, aussi bien en matière de plaidoyer, de manifestations extrêmes que de formes de communication par les réseaux ?
Oui, et d'ailleurs, cela renvoie à une autre transformation profonde qui a eu un impact évident sur la communication. De plus en plus de personnes (et personnalités) prennent la parole et s'engagent sur une cause souvent en collectif, mais qui ne repose pas pour autant sur une structure formalisée, associative ou de fondation. Et cela change beaucoup de choses car ceux qui parlent ne sont plus seulement des structures institutionnellement posées, mais la communication vient de toutes parts. Ce bruit médiatique rend plus difficile pour les ONG de trouver leur place. Je pense que ce qui s'est joué sur le champ environnemental de ce point de vue-là est en train de se jouer sur à peu près tous les sujets.
Enrichir les discours
- Mais est-ce que ça veut dire qu'il faut faire de la communication événementielle, créer de l'aspérité pour pouvoir apparaître ?
Je n'exclus pas la dimension événementielle qui peut permettre de créer des temps forts dans sa communication et faire émerger ponctuellement l'organisation, mais cela ne peut pas reposer uniquement là-dessus. Il est de plus en plus difficile de faire l’actu (de manière volontaire). C'est beaucoup d'énergie, pas mal de moyens pour un retour qui est, souvent, assez éphémère.
C’est pourquoi, je pense que la communication doit aujourd’hui être pensée en flux. Il s’agit de s’inscrire dans le temps long, de construire des récits pour apporter une bonne compréhension de ce qu'on fait, pourquoi on le fait, pourquoi il faut être soutenu. Cela permet de constituer des communautés, qui sont des réservoirs de sympathisants prêts à relayer du contenu s’ils le considèrent comme intéressant et peut-être à s’engager plus fortement avec l’organisation (don financier, bénévolat, etc.). À l’agence, on se bat beaucoup contre l'idée que le digital permettrait de convertir, en un clic, quelqu'un qui ne nous connaît pas pour en faire un donateur fidèle. Cela peut évidemment arriver très occasionnellement. Mais, en réalité, il y a besoin d'une période durant laquelle cette personne va tomber plusieurs fois sur ce que l'organisation raconte et va donc la découvrir peu à peu. L’enjeu est de la rapprocher pour réussir ensuite à l’engager.
Cela est exigeant car nécessite d'être tout le temps en dialogue avec ses publics dans une communication très 365, au sens de 365 jours.
La communication au cœur de la stratégie
- Cela veut-il dire que c'est une communication qui est beaucoup plus locale que générale ?
Cela dépend vraiment du type d'organisation, voire du type de sujet. Il n’existe pas de plan de communication type, avec une bonne ou moins bonne façon de faire, les réponses sont nécessairement spécifiques. Chaque organisation doit construire sa stratégie au regard de ce qu'elle est, de ses enjeux, comme lever des fonds, chercher des bénévoles, faire avancer un plaidoyer, etc. Certains ont souvent tendance à oublier que la communication doit faire partie intégrante la stratégie de l'organisation.
- A-t-on toujours besoin de figures emblématiques comme les grands sportifs, les grands chanteurs… ?
Je ne crois pas que ce soit un « must have » d’avoir un ambassadeur médiatique, people, comme cela a été la grande mode pendant des années, et ce pour plusieurs raisons. La première, c'est qu’il y a un effet de lassitude lié au nombre de stars se disant engagées. Un effet qui se conjugue à un plus grand scepticisme du public quant à la sincérité de la personnalité engagée, dans un contexte dans lequel elles ont toutes leur propre communication, leur « personal branding ».
À l’inverse, les créateurs de contenus, et en particulier des micro-influenceurs, qui ont une communauté d'une centaine de milliers de personnes, auront un discours jugé beaucoup plus crédible.
La deuxième raison, c'est que l'on ne peut pas minimiser le fait qu'avoir un ambassadeur médiatique peut être aussi fort que pénalisant s’il est l’objet de critiques (liées en particulier à des questions d’éthique). L'organisation qui en a fait son porte-drapeau sera directement exposée. Il s’agit alors souvent de crises fulgurantes, sur un temps court, mais extrêmement intense. Beaucoup d'organisations qui avaient un ambassadeur people au cœur de leur stratégie en reviennent petit à petit.
Néanmoins, la question de l’incarnation de l’organisation se pose évidemment car elle aide à la visibilité mais elle doit passer davantage par des membres de l'organisation légitimes à porter les sujets, la mission, l'action. Une chose était ressortie de manière extrêmement forte d'une étude que nous avions menée avec le sociologue Alain Mergier, auprès de donateurs. Elle relevait que ces donateurs trouvaient très bien ce qui était fait, mais disaient au sujet de l’association bénéficiaire, je reprends leurs mots : « ça doit être des HEC qui la dirigent, c'est très bien mais ce n'est quand même pas tout à fait comme quand il y avait le fondateur. »
- Le bénéficiaire a-t-il un rôle important dans vos stratégies de communication ?
Oui, en donnant plus de place « aux bénéficiaires », la communication est plus horizontale. L’idée est de créer une communication qui est le reflet organisé, maîtrisé, j'allais dire scénarisé de la réalité du fonctionnement de l'organisation. Elle doit montrer à quel point l’ONG est un organisme vivant et donc pour cela en mettre en scène toutes ses parties prenantes, sans travestir la réalité.
Je finirai sur la question de la détestation de plus en plus forte des corps constitués. Aujourd'hui, une grosse organisation, un gros service public, une grosse entreprise va être, pour beaucoup, source de suspicion, de défiance. Quand, à l'inverse, on a une communication authentique, qui assume certaines difficultés ou échecs, cela renforce le capital confiance.
Communication et marketing
- Comment fait-on la liaison entre la communication et le marketing ?
L’arrivée du digital a fortement contribué à faire se rapprocher des services qui avaient eu tendance à se scinder – pour ne pas dire se siloter, les services de fundraising, et les services de communication. Évidemment, aujourd'hui, pour la plupart des acteurs de l'intérêt général, l'enjeu premier est la collecte de fonds avec des mécaniques marketing de plus en plus élaborées. Mais, la communication, par son impact sur l’image de l’organisation, est aussi un levier de la collecte. L’imbrication entre communication et marketing doit donc être extrêmement forte.
- Mais cela ne va-t-il pas à l'encontre de l'idée du don de rue, de la collecte en face-à-face, qui favorise le don spontané ?
Le don spontané ou immédiat ne suffit pas pour garder un donateur de plus en plus volatil. Il faut derrière un gros travail de persuasion et d’adhésion comme on l’a dit.
Ce sujet est intéressant parce qu'il marque, parfois une divergence avec nos collègues fundraisers.
La logique marketing est par nature ROIste, elle est du coup trop souvent court-termiste et peut se révéler préjudiciable à plus long terme. Prenons l’exemple du marketing direct, avec les mailings papiers. Beaucoup de fundraisers défendaient jusqu’à récemment que ce canal, bien que coûteux, restait pour beaucoup d’organisations le plus rentable du point de vue de la collecte. Ils avaient mathématiquement raison. Cependant, nous communicants considérions qu’avec ce type de dispositif l'organisation se met à dos un nombre de plus en plus grands de gens qui critiquent ces envois de masse coûteux, intrusifs et peu éthiques. Cela n’apparait pas dans les tableaux Excel de reporting, pourtant ce coût caché est bien réel, les organisations le sentent aujourd’hui.
Pour en revenir à la question du street marketing, la problématique est un peu la même. Ça peut être une mécanique très rentable pour un certain nombre d'organisations, mais elles doivent veiller aux effets indirects liés à la perception que cela renvoie chez un grand nombre de publics qui ne sont pas aujourd'hui donateurs mais qui pourraient l’être demain.
Il ne faut pas négliger la multiplication des collecteurs par cagnotte qui naissent à toute occasion sans aucun contrôle et qui trouble le paysage.
- Que penser d’opérations nouvelles, comme ZEvent ?
Elles sont intéressantes par les montants collectés et le fait qu’elles font apparaître des donateurs souvent méconnus des ONG traditionnelles. Mais, on constate à quel point il est difficile (pour ne pas dire impossible) de fidéliser la plupart de ces nouveaux donateurs. Pourquoi ? Un peu comme dans le cas de dons fait en réponse à une situation d’urgence, le donateur fait son don parce qu’il a besoin d’être acteur à l’instant T, de ne pas rester inactif car il serait de facto en dehors de l’événement. D’ailleurs, des études a posteriori montrent que le donateur ne se souvient plus toujours du nom de la structure à qui il a fait son don.
Les outils modernes de communication
- Vous m’avez parlé des DOOH.
L'affichage dit D-O-O-H (Digital Out-Of-Home) est un affichage dynamique en vidéo que l’on voit sur des quais de gare ou dans le métro, par exemple. Il attire plus fortement l’attention du public. Certains dispositifs permettent de repérer des téléphones mobiles et de recibler une personne qui aurait vu un message publicitaire. Concrètement, on peut être identifié par un support d'affichage et voir un contenu sponsorisé sur le même produit ou service apparaître sur son téléphone.
- Cela veut dire qu'il faut accepter le côté très intrusif de ce type de communication et de pénétration des données ?
Il faut être très au clair sur le respect des règles (en particulier RGPD) et ne pas insister si la personne ne le souhaite pas, ça ne sert à rien de forcer la porte. Nos préconisations sont les même que pour l'emailing. Si la personne n'ouvre pas les messages ou ne réagit pas à ce qui est dit, il faut lui permettre de se désinscrire très simplement et de ne plus être sollicitée.
On ne croit pas du tout au côté intrusif pour que la personne passe à l'action. Ça ne marche pas (ou plus) comme ça.
L’intelligence artificielle
- Comment l'intelligence artificielle générative est-elle utilisable par une agence de communication ?
Par une agence ou directement par une organisation d'intérêt général, elle peut être utilisée de nombreuses façons. L'IA générative permet un gain d'efficacité dans un certain nombre de tâches professionnelles quotidiennes. C'est un outil de travail permettant un grand nombre d'usages qui sont aujourd'hui chez beaucoup plutôt à l'état de pilote.
La société Saint-Vincent-de-Paul, par exemple, s'est essayée il y a quelques mois de manière plutôt habile à créer une campagne. Aujourd'hui, beaucoup d’organisations sont en train de se tester et de voir comment faire.
- Est-ce seulement un outil ?
Il faut vraiment la voir comme un appui, une aide complémentaire et certainement pas comme une solution unique qui résoudrait tous vos problèmes en un clic. Il faut essayer de se l'approprier pour voir en quoi ça peut être utile dans son organisation et, pour cela, tester différents usages.
Néanmoins, un aspect peu traité que l'IA pose sont les questions éthiques. L’empreinte environnementale, les pratiques sociales et la façon dont la plupart des IA ont été entraînées sont terribles d'un point de vue humain avec des personnes sous-payées travaillant dans des conditions très mauvaises. Il y a aussi les questions du droit d'auteur, des représentations stéréotypées… Bref, autant d’aspects qui ne sont pas forcément compatibles avec les valeurs d’acteurs de l'intérêt général.
Quoi qu’il en soit nous devons désormais composer avec elle, il faut donc s’y intéresser.
Un enjeu complexe pour les petites organisations
- Est-ce qu'une organisation moyenne ou petite a les moyens de faire de la communication ?
Oui. Elle doit pour cela (encore plus que les grosses organisations) concentrer son peu de moyens, aussi bien humains que financiers, sur une priorité majeure. Le problème de la communication des petites et moyennes organisations est double. D’abord, elles disposent de peu de moyens, leur part de voix va donc être plus faible, mais, en plus, leurs moyens sont souvent beaucoup plus dispersés. Si elles ne peuvent pas faire grand-chose sur le premier point, elles peuvent par contre travailler sur le second.
Malheureusement, elles manquent souvent de compétences en interne et cela les amènent à écouter les avis de personnes plus ou moins expertes gravitant autour de l’organisation. Et, sur la communication, tout le monde à un avis ! Elles ont souvent du mal à arbitrer et in fine naviguent à vue, en tentant de capitaliser sur des opportunités. Ce mode de fonctionnement se révèle le plus souvent très contre-productif, cela crée des à-coups, des changements de caps qui rendent l’organisation inaudible. Or, pour réussir, moins l’on a de moyen, plus on doit être constant dans le temps.
Trois conseils pour communiquer
- Pour finir, est-ce qu'il y aurait des conseils à donner pour communiquer ?
D’abord, c'est l'importance de la stratégie. Ne communiquez pas juste parce qu'il faudrait communiquer, mais parce que cela contribue à la stratégie de votre organisation. Tant que vous n'avez pas défini clairement l’objectif votre communication, celle-ci risque de n’être ni utile et ni efficace.
Le deuxième est la prise en compte des publics à qui vous vous adressez et globalement des parties prenantes de votre organisation. Comprenez quelles sont leurs réalités, leurs usages, leur façon de penser ou de se positionner par rapport à vos sujets pour adapter vos messages et votre proposition de valeur.
Le troisième conseil est de créer de l’aspérité dans vos récits. Donnez du corps et de la profondeur à ce que vous racontez. Ne vous arrêtez pas au simple exposé de ce que vous faites de bien ou de ce contre quoi vous luttez valorisez comment vous agissez, montrez les coulisses, dévoilez-vous vraiment.
Concrètement, quand on accompagne des structures, pour réussir à dessiner leur positionnement on leur pose les questions suivantes :
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Qu'est-ce que vous faites ? Qu'est-ce qui vous caractérise ? Quelles sont vos forces objectives ?
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Qu'est-ce qui vous différencie, c'est-à-dire qu'est-ce que vous faites que les autres ne font pas ou pas autant ou pas aussi bien ?
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Qu'est-ce qui vous rend intéressant ? Qu'est-ce que vos publics attendent de vous concrètement et qu'est-ce qui va faire qu’ils vont trouver un intérêt dans ce que vous avez à leur apprendre ?
Ces questions sont souvent insuffisamment posées chez un certain nombre de ces acteurs alors qu’elles sont essentielles, c'est une clé de réussite.
Propos recueillis par Francis Charhon.