[INTERVIEW] La ruée vers l’or aux USA : mythe ou réalité
Collecter des dons aux USA est un rêve pour beaucoup d’organisations. Mais mal appréhender le sujet peut se transformer en cauchemar car les législations locales sont souvent complexes et toujours pointilleuses. Pour s’engager dans un tel projet, il est bon de connaître le dispositif de « friends of » qui offre des facilités à tous ceux qui cherchent de nouvelles sources de financement. Ici l’exemple de Friends of Fondation de France et d’un acteur qui bénéficie du dispositif, le Théâtre des Champs Elysées. USA, mode d’emploi.
Avoir un dispositif solide adapté à la recherches de partenaires
- Domitille, vous êtes la directrice générale de Friends of Fondation de France aux États-Unis. Pouvez-vous nous dire ce qu’est Friends of Fondation de France ?
Domitille Marchal Lemoine : Friends of Fondation de France est une organisation caritative américaine 501C3 qui a été créée en 2000 à New York, à l’initiative de la Fondation de France pour permettre à des organisations françaises de lever des fonds aux États-Unis en bénéficiant des avantages fiscaux américains.
- En pratique cela signifie-t-il que vous levez des fonds ou que vous aidez des organisations à le faire ? Quel est votre fonctionnement ?
DML : En pratique, nous levons des fonds pour les programmes de la Fondation de France, tous les projets qui sont portés par la Fondation de France et nous accompagnons aussi d’autres structures. Aujourd’hui, nous comptons 158 projets en portefeuille, qui passent par Friends of Fondation de France pour lever des fonds aux États-Unis. Ce sont 46 fondations qui sont abritées à la Fondation de France et 94 organisations qui n’ont pas de lien avec la Fondation de France en France, mais qui passent par Friends of Fondation de France pour leur collecte. Nous accompagnons les fondations abritées, comme les organisations indépendantes aux États-Unis, mais nous n’effectuons pas directement la levée de fonds pour elles. Nous n’avons pas la capacité de le faire.
- Pourquoi était il utile de créer une organisation aux États-Unis ?
DML : Un grand nombre de mécènes américains souhaite donner en France et beaucoup d’organisations françaises souhaitent lever des fonds aux États-Unis. Sans facilités fiscales, c’est compliqué. Il était indispensable permettre à la philanthropie transatlantique de s’exercer en toute légalité, en respectant toutes les règles et en profitant des facilités américaines. Il y a plus de cent ans que les Américains sont très généreux pour un certain nombre de causes françaises, il fallait faciliter ces dons.
- Sur le plan pratique, par exemple, je suis une organisation française et je voudrais augmenter ma collecte de fonds. Si je veux le faire aux États-Unis, dois-je passer par vous ou par d’autres organisations comme la vôtre, ou dois-je monter un bureau ?
DML : Vous avez le choix. Vous pouvez monter votre propre bureau, votre propre 501C3, c’est la structure juridique la plus fréquente pour les organisations charitables aux États-Unis, mais cela induit un certain coût et c’est assez compliqué. Quand vous n’êtes pas sur place, il est assez difficile de faire vivre cette structure et de la gérer car il y a beaucoup de contraintes juridiques, financières, administratives, comptables. La raison pour laquelle il est plus simple de passer par un dispositif « Friends of », c’est que nous prenons en charge tout l’aspect administratif et fiscal et l’organisation n’a qu’à s’occuper de sa levée de fonds. Le coût est relativement modique comparé au coût de création d’une structure. On estime qu’avoir une organisation aux États-Unis représente un budget de l’ordre de 50 000 dollars par an minimum. Ce montant ne représente que les frais administratifs, mais il faut aussi prospecter, recevoir les gens, entretenir le dialogue avec les donateurs. C’est donc plus simple de passer à travers une organisation qui existe déjà.
- Aujourd’hui, il existe aux États-Unis un certain nombre de « Friends of ». Je pense par exemple au Louvre, à Médecins sans Frontières, aux amis de Notre-Dame de Paris, à Versailles…
DML : En effet, un certain nombre d’organisations de grande ampleur en France lève des fonds pour des projets spécifiques avec un cercle de mécènes présents aux États-Unis, dynamiques et actifs. Cela leur permet d’avoir leur propre structure. Mais nous sommes généralistes et touchons des organisations plus petites.
Agir partout et dans tous les domaines
- Pouvez-vous entrer davantage dans le détail ? Est-ce parce que vous êtes généralistes que vous pouvez aider des organisations dans des secteurs aussi divers que la culture, l’environnement… ?
DML : Oui, nous avons une vocation généraliste comme la Fondation de France et, d’une certaine façon, nous sommes aussi la fondation de toutes les causes. Nous intervenons dans tous les domaines de la philanthropie qui sont autorisés par les règles américaines. Nous levons donc des fonds pour des projets liés à la culture, aux droits humains, à la recherche médicale et scientifique, à l’éducation… Tous ces projets doivent être acceptés par le conseil d’administration de Friends of Fondation de France.
Pour être très pratique, une organisation qui souhaite lever des fonds aux États-Unis via Friends of Fondation de France doit déposer un dossier à la Fondation de France. Cette dernière instruit le dossier, fait une « due diligence » (devoir de vigilance, en français) et vérifie que cette organisation est solide, que sa mission est bien d’intérêt général et correspond aux règles françaises. Ensuite, le dossier est soumis au conseil d’administration de Friends of Fondation de France, composé de personnalités éminentes du monde de la philanthropie aux États-Unis. Ce conseil d’administration valide ou non la candidature de ce projet. À partir du moment où le projet est validé, l’organisation peut lever des fonds aux États-Unis qui vont transiter par Friends of Fondation de France. La donation est donc effectuée à Friends of Fondation de France par le donateur américain, que ce soit un donateur individuel, une fondation, un « donor advised fund », ou d’autres formes de dons. Ensuite Friends of Fondation de France à Paris et la Fondation de France vont accorder la subvention et transférer les dons à l’organisation en question.
- Peut-il exister des donateurs américains non sollicités qui souhaiteraient soutenir des actions de Friends of Fondation en France ?
DML : Oui, cela nous est arrivé. Nous avons eu l’année dernière le cas d’un donateur, français d’origine, mais qui habite aux États-Unis depuis plusieurs dizaines d’années, et qui a décidé d’effectuer un don à Friends of Fondation de France pour soutenir des projets en France.
- Ces projets en France sont-ils des projets de la Fondation de France ou les projets d’autres organismes ?
DML : Ce sont des organisations françaises, pas obligatoirement liées à la Fondation de France.
- Et en passant par Friends of Fondation de France, un donateur américain peut-il donner à une organisation que vous connaissez qui n’est pas en France, mais qui serait en Europe ou ailleurs ?
DML : Oui, nous avons des projets aussi en Italie, quelques projets en Afrique, au Liban, en Asie. Il arrive donc effectivement que Friends of Fondation de France soutienne des projets ailleurs dans le monde, nous sommes « world wide » ! C’est toujours la Fondation de France qui instruit les dossiers, mais notre conseil d’administration doit bien entendu valider leur fiabilité pour que l’on puisse donner aux États-Unis. Cependant, la majorité des projets sont en France.
- Lorsque les dons arrivent à la Fondation de France au terme du processus d’acceptation, comment sont-ils répartis s’ils sont destinés à des projets européens ? Par le Transnational Giving Europe (TGE) ?
DML : Il existe un réseau mis en place par la Fondation de France et des fondations européennes, le Transnational Giving Europe (TGE). Il permet de faire transiter des dons en Europe à travers des fondations de confiance qui valident les projets dans leur pays qu’elles connaissent mieux sur le plan opérationnel et fiscal.
Faire vivre son mécénat à travers « Friends of Fondation de France »
- Julia Neugebauer, vous êtes la directrice du Mécénat, des Partenariats et de l’Évènementiel du Théâtre des Champs-Elysées à Paris. Pouvez-vous nous présenter vos activités et nous indiquer l’intérêt de passer par Friends of Fondation de France ?
Julia Neugebauer : Le mécénat existe au Théâtre des Champs-Elysées depuis dix ans seulement. Par rapport à d’autres institutions en France, il est arrivé assez tard. C’est à l’occasion de notre centenaire en 2013 que nous avons créé le Cercle des Mécènes qui réunit particuliers et entreprises. Ce théâtre a toujours été lié à la création, à la présence de tous les genres musicaux, que ce soit l’opéra scénique en version concert, le symphonique, le récital, la danse avec un rayonnement international très important.
- Pour le faire fonctionner, en dehors des subventions que peut recevoir le Théâtre des Champs-Elysées et de la billetterie, vous cherchez donc du mécénat en France et à l’étranger ?
JN : Tout à fait, nous sommes un théâtre privé sans aucune subvention ni de l’État ni de la Ville. La Caisse des Dépôts et Consignations, actionnaire principal et propriétaire des lieux, est notre mécène principal. Elle est notre garant, elle nous verse une subvention de fonctionnement et de complément sur le prix des billet sans laquelle nous ne pourrions pas exister. Mais pour grandir, pour rayonner, pour créer d’autres projets, nous cherchons du mécénat privé.
- Pourquoi vous êtes-vous tournée vers Friends of Fondation de France pour aller aux États-Unis ? Il y a peut-être d’autres établissements ou avez-vous cherché à collecter directement ? Comment les choses se sont-elles passées ?
JN : Le lien avec les États-Unis a toujours été très fort, avec tous les pays d’ailleurs et nous avons eu des personnalités aux États-Unis qui ont exprimé le souhait de soutenir le Théâtre des Champs-Elysées. Je cherchais des solutions et nous avons créé le Cercle des American Friends il y a cinq ans. C’était juste avant le Covid. Nous avons travaillé avec la Fondation du Roi Baudouin qui est aussi un intermédiaire administratif permettant de lever des fonds aux États-Unis. C’est l’année dernière que je me suis rapprochée de Friends of Fondation de France car nous avions créé la Fondation abritée du Théâtre des Champs-Elysées en France. Ainsi, c’est naturellement que nous avons transféré les American Friends, vers Friends of Fondation de France pour faire le lien direct avec notre fondation et pouvoir nous ouvrir à d’autres pays. Le lien est plus simple et nous sommes très heureux de cette collaboration. Le Cercle des American Friends est devenu «The International Circle du Théâtre des Champs Elysées », puisque maintenant nous avons aussi des donateurs d’autres pays. L’International Circle est co-présidé par deux personnes formidables, Marifé Hernandez (aux États-Unis) et Jean-Marc Daillance (en France) et nous avons de beaux projets pour les années à venir.
- Vous avez choisi le modèle économique qui vous paraît le plus efficient ?
JN : Absolument, d’autant que nous sommes une petite structure. J’ai beaucoup d’ambition, beaucoup de projets et beaucoup d’idées, mais il faut rester raisonnable et la création d’une structure aurait dépassé nos possibilités. Le lien avec Friends of Fondation de France était évident, d’autant qu’une de nos mécènes américaines est membre fondatrice de la Fondation du Théâtre des Champs-Elysées en France.
- Domitille, voilà un bon exemple, mais il se trouve que le Théâtre des Champs-Elysées a une fondation abritée à la Fondation de France. Les donateurs qui veulent passer par vous doivent-ils être liés à la Fondation de France, lorsqu’ils viennent de l’extérieur ?
DML : Non, c’est ouvert à tous si l’on suit le procédure de fiabilité.
JN : Le travail de prospection, de recherche de donateurs, d’organisation d’événements aux États-Unis est fait par nous-mêmes, mais nous bénéficions d’un accompagnement merveilleux en ayant quelqu’un sur place avec qui communiquer, échanger, poser des questions, qui a aussi l’expérience. C’est très important pour nous, car la culture philanthropique est très différente aux États-Unis.
- Cela signifie-t-il que quand vous avez trouvé un donateur, il s’adresse à Domitille pour toute la partie pratique, technique et faciliter sa démarche ?
JN : Nous sommes en contact avec la personne pour lui proposer de devenir donateur. Lorsqu’il accepte, nous le mettons en lien avec Domitille pour l’accompagnement sur les questions administratives et fiscales.
Valoriser les projets d’organisations françaises, européennes ou internationales
- Domitille, pour en revenir aux Friends of Fondation de France, lorsqu’une organisation française veut lever des fonds, est-ce elle qui recherche le donateur ? Prospectez-vous aux États-Unis ? Faites-vous connaître le dispositif qui était jusqu’à maintenant méconnu ?
DML : C’est un dispositif qui existe depuis longtemps, mais auparavant on ne répondait pas aux questions que posaient les gens, ce n’était qu’une structure administrative. Depuis que je suis arrivée à ce poste il y deux ans, j’agis en faveur du rayonnement et de la reconnaissance du dispositif en étant à la disposition de tous ceux qui l’utilisent ou veulent l’utiliser.
Quand nous parlons d’accompagnement des projets, nous partons des besoins des organisations, et pour une organisation comme le Théâtre des Champs-Elysées, qui a déjà un réseau de mécènes solide, nous l'accompagnons plutôt sur des discussions de stratégie. Pour des organisations qui sont plus novices dans leur approche du marché américain, nous réalisons un vrai travail pour faire connaître leurs projets aux États-Unis. La première étape est souvent d’écrire un texte en anglais, puisque souvent elles n’ont pas les outils pour se présenter aux États-Unis. Nous avons dans notre équipe des personnes tout à fait compétentes pour rédiger des textes. Elles font des entretiens avec les porteurs de projets et rédigent des articles destinés aux donateurs américains avec le vocabulaire qui peut les intéresser. Nous présentons aussi les projets sur les réseaux sociaux, via nos comptes LinkedIn, Instagram, Facebook et sur le site internet. Nous pouvons aussi aider les porteurs de projets dans leur recherche de donateurs en effectuant des recherches sur les donateurs potentiels, notamment les fondations puisque nous avons accès à une base de données sur tous les dons effectués par des fondations durant ces dernières années. Nous pouvons ainsi trouver quelles fondations américaines ont donné pour soutenir des porteurs de projets semblables. Cela permet aussi pour des porteurs de projets d’identifier des subventions potentielles et ensuite d’effectuer des démarches.
Tout ce travail nous le faisons sans aller chercher les fonds directement.
- Vous êtes basés à New York. Chaque État a-t-il sa législation ? Pouvez-vous rayonner partout ?
DML : Ceux qui veulent aller aux États-Unis doivent savoir que l’on ne collecte pas aux États-Unis, mais dans chaque État, car ils ont chacun leur législation fiscale. En passant par Friends of Fondation de France, vous avez accès à tous les États, car nous sommes enregistrés dans tous les États américains.
Nous avons la chance de bénéficier du soutien du réseau consulaire américain. Nous organisons régulièrement des événements dans différentes villes américaines avec les consulats sur des sujets spécifiques de philanthropie. Ces événements nous permettent d’attirer l’attention sur Friends of Fondation de France, de mobiliser des donateurs potentiels que nous avons identifiés dans ces zones-là et donc de faire connaître tous les projets de philanthropie française. Suivant les thèmes propres à chaque lieu géographique, nous pouvons aussi aller ailleurs aux États-Unis hors des consulats.
Je fais également partie d’un certain nombre d’organisations professionnelles philanthropiques américaines. J’assiste à beaucoup de congrès de philanthropie, à de nombreuses conférences et, à chaque fois, je parle des projets portés par Friends of Fondation de France. Nous sommes par exemple présents à Exponent Philanthropy, pour les petites fondations. Nous avons ensuite le Network of Engaged International Donors (NEID), avec les donateurs qui souhaitent donner à l’étranger. Il y a l’Association américaine des fundraisers (AFP). Partout, nous représentons Friends of Fondation de France. Évidemment, à chaque fois que nous rencontrons d’autres fondations, des donateurs potentiels, je parle des projets que nous portons et qui sont dans ce secteur-là.
- Avez-vous également une activité de réunions ou d’événements qui vous permet de rassembler les donateurs pour montrer les réalisations ? Les Américains sont très demandeurs de retour sur les actions engagées, comme c’est aussi le cas en France maintenant.
DML : À Friends of Fondation de France, nous n’organisons pas ce type d’événement, mais un certain nombre de nos porteurs de projets le font. Par exemple, le Théâtre des Champs-Elysées organise régulièrement des événements. Nous accompagnons en général les porteurs de projets qui passent par Friends of Fondation de France dans leur organisation. Mais pour la base de donateurs propre à Friends of Fondation de France, le service n’inclut pas pour l’instant l’organisation d’événements spécifiques. Cela peut arriver dans des cas exceptionnels, comme pour l’Ukraine. Au début de la guerre en Ukraine, nous avons organisé au Consulat de France à New York un concert pour lever des fonds auquel étaient invités un certain nombre des donateurs de Friends of Fondation de France.
- Julia, vous avez votre cercle aux États-Unis où vous vous rendez de temps en temps, j’imagine.
JN : Oui généralement, nous présentons le programme et même le théâtre, parce qu’il mérite d’être mieux connu aux États-Unis. Pour cela, nous préparons un concert privé ou un cocktail pour inviter nos donateurs et futurs donateurs à participer à notre International Week qui a lieu une fois par an à Paris. Nous organisons une semaine autour de notre programmation, en lien avec un programme aux États-Unis pour mettre en lumière cette collaboration artistique entre les deux pays. Nous proposons un programme sur mesure avec tous les soirs un spectacle au théâtre, mais aussi des activités culturelles dans la journée avec des visites privées de musées, des rencontres.
Les rencontres entre nos mécènes français et nos mécènes américains ou même d’autres pays sont très importantes. Je crois beaucoup à cela. La musique a le pouvoir de créer des liens et nous avons cette chance, dans nos métiers, de réunir des personnes qui partagent la même passion et favorisent des rencontres. Lorsque nos mécènes français partent aux États-Unis, ils rencontrent nos mécènes américains et vice versa.
Faciliter l’engagement des donateurs américains
- Quel est le montant du mécénat du théâtre ?
JN : Sur une année, c’est environ 3 millions d'euros et cela représente entre 12 ou 13% du budget du Théâtre.
- Depuis que vous avez commencé à travailler avec Friends of Fondation de France, cela vous a-t-il facilité les choses ? Pour vous, quelle que soit l’organisation, le dispositif est-il nécessaire ?
JN : Oui, tout à fait. Ce dispositif rassure le donateur à l’étranger et faire passer ce don par une institution aussi reconnue qui procure l’avantage fiscal est quand un vrai moteur. Ce n’est certainement pas la raison qui pousse à devenir mécène et à faire un don, mais il vient en soutien de la volonté. Il y a aussi une question de sécurité qui est très importante aux États-Unis. Le donateur américain est très sensible au fait que le processus soit fiable et sécurisé. La Fondation de France remplit toutes ces conditions.
DML : En dehors de la déduction fiscale, pour qu’un donateur donne, il faut que la démarche soit facile. Plus on lui simplifie la vie, plus il peut s’engager.
- Je suppose que vous avez à traiter toutes les questions liées à la régulation anti-terroriste, anti-blanchiment et que vous vérifiez que l’argent ne va pas partir à des groupes criminels. Le conseil d’administration est-il très attentif à ces questions de sécurité ? Vous avez une juriste au conseil d’administration.
DML : Effectivement. Tout cela est fait d’abord lorsque nous approuvons le projet. Un an après la réception du don, l’organisation doit nous envoyer un rapport en confirmant que la subvention reçue a bien été utilisée conformément à ce qui avait été accepté par le conseil d’administration.
Nous avons la chance d’avoir au sein de notre conseil d’administration Victoria Björklund qui est la juriste la plus respectée aux États-Unis sur ces questions de fiscalité et sur toutes les questions juridiques des non-profit organisations. Effectivement, nous avons la meilleure aide dans ce domaine que nous puissions espérer.
- Souhaiteriez-vous ajouter quelque chose, sur vos projections du futur, quels sont vos objectifs ? Que comptez-vous faire dans l’année qui vient et les années qui viennent ?
DML : Je veux continuer à offrir le meilleur service possible à nos bénéficiaires et les accompagner au mieux pour qu’ils puissent lever des fonds aux États-Unis. Il est vrai que travailler avec des organisations comme le Théâtre des Champs-Elysées est un vrai bonheur par ce qu’ils ont un bon réseau, une bonne stratégie. Ils savent tout à fait ce qu’ils font lorsqu’ils arrivent aux États-Unis. C’est avec des organisations comme le Théâtre des Champs-Elysées que l’on apprend aussi et je pense que c’est une relation qui fonctionne dans les deux sens : nous les aidons quand nous pouvons le faire, mais ils nous apportent aussi beaucoup par leur expertise et leur expérience.
JN : Nous avons pu nous voir la semaine dernière aux États-Unis pour échanger. Certaines formules fonctionnent et nous les poursuivons, mais nous avons toujours envie d’innover, de créer de nouvelles rencontres, de créer de nouveaux événements pour grandir et faire rayonner nos activités à l’international.
DML : Il est vrai que quand on peut parler et brainstormer ensemble, il est toujours intéressant pour moi de travailler avec quelqu’un comme Julia parce que nous avons des idées communes. Nous parlons de stratégie, nous réfléchissons ensemble à comment travailler ensemble et comment les aider, et c’est au cœur du service que nous devons apporter à nos bénéficiaires.
JN : Pour nous c’est essentiel, car Domitille nous apporte l’expérience sur place. Le travail de recherche de mécènes n’est pas le même en France et aux États-Unis où la culture philanthropique est tellement présente, tellement ancrée dans la société. En France, il faut encore convaincre de soutenir et de devenir mécène. Aux États-Unis, l’approche est différente et je pense qu’il n’y a pas un foyer ou une personne qui n’est pas mécène. Mais il faut convaincre d’adhérer à sa structure, de la soutenir, elle et ses événements. C’est pourquoi il faut, je pense, être innovant et réfléchir à des événements, des soirées ou des programmes différentes pour convaincre et intéresser. Pour parler d’actualité, nous avons par exemple créé un prix pour soutenir les jeunes compositeurs entre la France et les États-Unis grâce à une mécène, Judith Pisar, qui a toujours soutenu les artistes. La création contemporaine a toujours été un sujet très important dans la programmation du théâtre qui est né avec la création du Sacre du printemps. Nous avons l’envie de poursuivre cette mission avant-gardiste. Grâce à l’implication exceptionnelle de Judith Pisar, nous avons ainsi créé un partenariat avec la Julliard School et la Villa Albertine, deux institutions culturelles américaines vraiment importantes pour travailler ensemble autour de ce prix. Le premier lauréat a présenté son œuvre il y a quelques semaines au Théâtre des Champs-Elysées. Le nouveau lauréat prépare déjà la création de l’année prochaine et nous venons de lancer le troisième appel a candidatures. C’est un projet passionnant, porté par le mécénat et tous les partenaires. Et j’espère qu’il y en aura beaucoup d’autres dans ce sens.
Propos recueillis par Francis Charhon.