[TRIBUNE] Le bénévolat un des piliers essentiels de la philanthropie
L’engagement est consubstantiel de la condition humaine, chacun a le pouvoir de s’engager pour une cause ou un objet qui lui tient à cœur. Son fondement en est la générosité et la solidarité. Tribune de Francis Charhon.
L’engagement Bénévole
Les engagements sociaux, solidaires, sociétaux sont bien différents de ceux mortifères des extrémistes des fanatiques, des terroristes, car ils sont au service du bien commun. Ils apportent à la société une inestimable contribution sociale, une re-création du lien, une citoyenneté active et une façon bienveillante de considérer l’autre.
Actuellement, de vastes pans de notre société se délitent, le corps social institutionnel ne répond pas ou insuffisamment aux aspirations des citoyens qui ont pris leur distance avec les syndicats, la politique voire l’Église. Un certain nombre de personnes ne voyant pas de réponses à des problèmes de la société ou voulant rendre service ont décidé d’agir en s’impliquant en apportant leur expérience ou leurs bras. Leurs actions peuvent être très locales au niveau de la rue, du pâté de maison, du quartier pour répondre de façon concrète à des besoins qu’elles voient en face d’eux. Elles peuvent ainsi se rendre compte des résultats. Elles agissent de façon individuelles en proximité soit elles « travaillent » dans le cadre d'une association ou une fondation pour aider à la réalisation de ses projets.
Cette somme d’individualités que l’on pourrait qualifier « d’individualisme collectif » est une sorte de puzzle sociétal où chacun apporte une pièce par sa contribution. Ces bénévoles peuvent agir individuellement mais aussi au travers d’associations ou de fondations. Depuis le début du siècle un changement s’est effectué avec une croissance de l’engagement individuel et de la générosité. Ces dernières années ont vu l’explosion du nombre des fondations et fonds de dotation, d’associations (plus de 1,3 million) qui agissent partout, majoritairement dirigées par des administrateurs bénévoles ; les bénévoles sont estimés à 22 millions.
L’engagement est partout dans des actions les plus variées soit un club de sport, un club de lecture, de l’aide aux enfants en difficulté scolaires, l'accompagnement de personnes âgées, des chantiers de rénovation du patrimoine, auprès de l’armée dans une réserve citoyenne, on peut agir en France ou à l’étranger sans oublier les aidants familiaux souvent injustement oubliés…
L’engagement est vivant, réactif, inventif et source d’innovation.
L’engagement c’est apporter sa compétence ou ses bras.
L’engagement c’est aussi un échange qui fait participer ceux que l’on aide. Être acteur de la résolution de ses problèmes rend de la dignité, permet d’être au centre d’un processus de réinsertion tout en luttant contre le phénomène dévastateur qu’est la solitude.
L’engagement est de tous les âges. Pour les jeunes dans les BDE des grandes écoles ou des facultés qui fourmillent d’initiatives nationales ou internationales et même si parfois on peut s’interroger sur telle ou telle initiative, il n’en reste pas moins que la volonté d’aider existe et marquera pour la vie. Pour les personnes plus âgées, la motivation est aussi importante, comme l’indique l’enquête Malakoff Médéric. Les lieux pour trouver du mécénat sont multiples on peut contacter directement à des associations, mais on peut aussi s'adresser à des maisons des associations voire à la mairie. Il existe aussi des sites d’associations qui aident à la recherche de bénévoles : France bénévolat, Passerelles et Compétences, pour les jeunes un site utile, pour les séniors EGEE ou ECTI.
Il est apparu des modifications dans la forme de l’engagement. Nombreux sont ceux qui ne veulent plus s’engager pour une durée trop longue. Ils peuvent passer d’une cause à l’autre, une sorte de zapping, un choix à la carte en fonction des aspirations ou des humeurs du moment. Pour eux le geste n’est pas toujours rationnel, l’important c’est que cela apporte du sens à la vie en gérant ses contraintes propres.
Le bénévolat porteur d’avenir
Heureusement il reste beaucoup de personnes engagées sur le long terme, sur qui les associations et fondations peuvent compter pour redresser ce qui ne paraît ni droit, ni juste. Il s’agit aussi de s’inscrire dans grands sujets qui nous préoccupent comme le mauvais état de notre planète, les injustices sociales, culturelles. Comment retrouver un équilibre écologique, une agriculture raisonnée, comment réduire le gaspillage. Progressivement le projet utopique de quelques-uns qui s’appuie sur la réponse à un besoin, sur des pratiques nouvelles devient réalité et se diffuse dans la population puis vers les dirigeants. Tous les micro-projets portent en eux une espérance, un avenir inventé par des individus seuls ou en groupes. L’important est de partager une utopie commune autour duquel les énergies puissent se fédérer.
Les Restaurants du cœur, qui ont commencé à distribuer des repas pour les démunis, ont non seulement mis en lumière un besoin, montré une capacité d’intervention mais aussi entrainés une transformation des pratiques institutionnelles ; et aujourd’hui l’Europe donne des stocks de nourriture, des législations obligent les supermarchés à ne plus jeter les aliments en voie de péremption mais à les donner. Encore un exemple avec Médecins Sans Frontières, partie avec une idée de quelques bénévoles, qui est devenue la plus importante organisation médicale privée du monde.
Ainsi de grandes organisations sont nées, on pense aussi à l’ADIE pour le micro-crédit, aux banques alimentaires, à Amnesty, Handicap international, acteur majeur dans l’abolition des bombes à fractionnement. Ceci pour ne citer que des organismes connus du public. À côté, combien de milliers de projets plus modestes plus discrets ont changé sinon la société au moins la vie des personnes en difficultés.
Les nouvelles technologies ont ouvert des formes d’engagements moins contraignantes, car plus distantes et occasionnelles, comme les référendums sur tel ou tel sujet, l’engagement d’émotion à la suite d’un fait qui heurte, le numérique permettant d’un clic d’apporter une contribution tout en donnant ce plaisir ressenti du bonheur de participer à une action collective.
Chaque génération a produit des réponses en phase avec les préoccupations du moment créant des modèles agiles qui collent véritablement aux besoins. Ce sont aussi des leaders inspirés et volontaires capables de faire émerger les causes et les réponses. Les formes organisationnelles sont elles aussi en adéquation avec le projet. Les associations et fondations n’ont pas de contraintes institutionnelles, elles se projettent vers l’avenir tout en pouvant s’adapter rapidement, nous l’avons vu de façon éclatante pendant la crise sanitaire. C’est ce que ne peut faire l’État dont le rythme est plus lent et les contraintes administratives ou politiques fortes. Son rôle est alors d’enregistrer ces évolutions et d’adapter les dispositifs règlementaires ou législatifs.
L’évolution de la société montre qu’il devient impératif que les organisations humaines soient de plus en plus reliées entre elles pour « refaire société », car partout des brèches s’ouvrent, favorisant le repli sur soi et une hostilité envers l’autre.
Bénévolat et entreprises
La notion d’engagement s’applique non seulement aux individus mais aussi aux entreprises dans un long processus historique souvent engagé par la volonté de patrons visionnaires qui ont compris qu’ils devaient avoir un impact sociétal. Les entreprises ont souvent été attentives à leur environnement proche en apportant une aide significative aux organisations et aux communautés locales, en aidant le club de foot de la ville, tel ou tel artiste ou l’association menant une action sociale. Leur intervention peut avoir de multiples formes : le don financier simple et direct, des dons en matériel, des véhicules, des ordinateurs, mais aussi de la nourriture pour les distributeurs de repas, etc.
Au-delà de l’apport en biens se développe du mécénat de compétence qui permet de donner du temps à des salariés afin qu’ils puissent, chacun selon sa compétence, aider à la mise en place d’un projet informatique, à la comptabilité ou à l’audit, au rattrapage scolaire pour des enfants… Pour ceux qui sont en fin de carrière, il existe également des dispositifs de mise à disposition de préretraités qui gardent pendant un temps une partie de leur salaire et deviennent bénévoles. Dans la forme aboutie, une personne de l’entreprise est en charge d’un service réservé à cela comme chez BNP Paribas.
Des entreprises se sont regroupées en une alliance pour favoriser le mécénat de compétence.
Cette orientation vers l’engagement peut étonner car les entreprises sont normalement focalisées sur leur objet et sur les bénéfices qu’elles doivent tirer pour leurs actionnaires. Pourtant, de plus en plus d’entre elles pensent qu'elles font partie d’un monde dont elles doivent tenir compte, non seulement pour répondre uniquement au besoin direct des consommateurs mais aussi pour intervenir dans un écosystème qui prend en compte les impacts du métier sur l’entourage et l’environnement. Comment vendre dans un espace dévasté ! Cynisme, rationalité mais pas seulement.
Une étude du BCG sur « ce que attendent les talents des entreprises » montre qu’après l’intérêt du poste, l’ambiance au travail, le troisième critère est le sens de l’entreprise et qu’elle soit en phase avec ses valeurs. On voit qu’aux côtés de la rémunération, il leur est aussi important de travailler dans une entreprise dont ils seraient fiers des valeurs et de son engagement sociétal. La pression vient aussi des clients et du public qui regardent de plus en plus comment se comporte l’entreprise et peuvent s’en détourner.
Bénévolat et État
L’État n’est pas en reste. Il fait aussi appel à des bénévoles, soit à travers ses réserves civiques soit à partir de son site Jeveuxaider.gouv.fr. Des mesures de soutien de la vie bénévole ont été mises en place comme le compte d’engagement citoyen (CEC), les congés pour responsables associatifs ou la validation des acquis (VAE) . Enfin beaucoup d’établissements publics comme les hôpitaux ou maisons de santé utilisent le travail de bénévoles pour accompagner les malades, divertir les enfants.
L’intervention de bénévoles est un puissant levier pour l’action des associations et fondations qui apportent une valeur ajoutée aux programmes recevant des subventions publiques de tous ordres. Par exemple, les Restos du Cœur, en plus de dépenses en argent de 188 millions d’euros, déclarent l’équivalent d’une valeur de 353 millions d'euros pour le bénévolat, de 62 millions pour les dons alimentaires et de 24 millions pour des mises à disposition. Ils ont aussi mis en œuvre une multitude de services auprès des personnes qui viennent aux Restos pour faire de l’accompagnement social et culturel.
Les exemples cités parmi des milliers d'autres montrent la vitalité d'une France que l'on dit égoïste et peu solidaire et donnent un visage enthousiasmant de la vie en société. Ces hommes et ces femmes ont décidé un jour d'apporter leurs compétences, leur expérience, ou simplement leur bras pour que la société soit plus solidaire. On ne peut que s’incliner devant tant de dévouement dont le pays peut être fier. Merci à eux.
Pour plus d’informations vous pouvez consulter mon ouvrage L'engagement social pour les nuls
Francis Charhon