Energie Jeunes, maillon de la chaine de la lutte contre le décrochage scolaire
L’amphithéâtre Colbert de l’Assemblée Nationale affiche complet en ce mercredi 11 octobre 2023. Jeunes et moins jeunes sont venus écouter et débattre. La conférence, œuvre du travail de la Fondation AlpahOmega, s’intitule : « Pourquoi j’ai quitté l’école ». Pendant un peu plus de trois heures les prises de paroles vont se succéder sur un sujet majeur : « les décrocheurs ». Un problème résumé ainsi par Elisabeth Elkrief, directrice générale de la Fondation : « aujourd’hui la France recense 1,5 million de jeune de 16 à 29 ans qui ne sont ni en étude ni en formation, ni en emploi. Pour eux, le quotidien est jalonné de difficultés : insertion professionnelle, autonomisation, entrée dans la vie adulte… ». L’association Energie Jeunes est l’une des 7 grandes associations soutenues et accompagnées par la Fondation AlphaOmega.
« Passe ton bac d’abord ! » Cette antienne séculaire a toujours cours en France. Ainsi que l’indique l’étude réalisée par Trajectoire-Reflex en 2022 et commandée par la Fondation AlphaOmega et l’UNML (Union Nationale des Missions Locales) : « le cheminement traditionnel de l’élève vers le diplôme par le biais de l’école semble aujourd’hui quasiment naturel dans le paysage institutionnel et social. Dès l’entrée en maternelle se joue un accord tacite et symbolique entre l’enfant, la famille et l’Éducation nationale qui consacre l’entrée dans un cursus continu censé aboutir a minima à l’obtention d’un diplôme, en particulier le baccalauréat ».
Aujourd’hui, l’école et le diplôme revêtent un poids si important sur le plan sociétal que s’en affranchir met en jeu la place d’un individu dans la société ».
1,5 MILLION DE DÉCROCHEURS
Aujourd’hui, 1,5 million de jeunes (de 16 à 29 ans) sont des « décrocheurs », autrement dit : ni en emploi, ni en étude, ni en formation (NEET). Dans la plupart des cas, les causes d’un décrochage sont multiples. Les questions du logement, du lieu de vie mais aussi l’attitude des parents et amis peuvent se révéler des freins importants. Une scolarité et/ou une orientation ressentie comme subies sont aussi des « phénomènes » déclencheurs. Le panachage de ces facteurs conduit certains jeunes à une « rupture » avec l’école qui est, alors, vécue comme un soulagement.
2102 NEETS de 16 à 18 ans ont répondu au questionnaire. Les points clés mis en avant par l’étude sont les suivants :
- 1 jeune sur 2 témoigne que son logement n’est pas assez grand ;
- Les parents peuvent se montrer désintéressés ou trop impliqués avec des postures culpabilisantes ;
- Les relations amicales sont fragiles : 1 jeune sur 2 interrogés témoigne avoir eu peu d’amis à l’école ;
- 7 jeunes sur 10 avaient des bons résultats. La sortie de cursus scolaire sans solution n’est donc pas forcément liée à de mauvais résultats scolaires mais les « ressentis » scolaires y jouent aussi un rôle : le sentiment d’apprendre des choses inutiles, l’écoute passive, l’exposition au stress (un tiers des jeunes interrogés) ;
- 6 jeunes sur 10, enfin, témoignent d’une orientation par défaut.
LE COLLÈGE, MOMENT CRITIQUE DE LA PRISE D’AUTONOMIE
Toujours selon l’étude : « Le premier problème se manifeste par le redoublement précoce en primaire et au collège : 32 % des NEETS interrogés disent avoir redoublé en élémentaire et 35 % au collège. En cause, une maîtrise insuffisante des savoirs fondamentaux (lire, écrire, calculer) ».
Le deuxième problème ne relève pas des savoirs mais du comportement au collège. Dans l’ensemble, ces problèmes concernent les garçons. C’est au collège que les jeunes sont les plus exposés aux influences extérieures et commence à disposer d’une plus grande autonomie.
Le troisième problème est celui de l’orientation au lycée et dans le supérieur : sur les 34 % de NEETS interrogés qui ont abandonné les cours ou une formation durant leur parcours scolaire, 48 % l’ont fait au lycée contre 19 % au collège et 29 % dans l’enseignement supérieur.
Lors de ces périodes critiques, ces jeunes ont manqué d’un accompagnement adapté et spécifique. Dans les moments difficiles, les jeunes se tournent spontanément vers les soutiens les plus proches que sont les parents et les professeurs. Mais ce rôle, les professeurs et les parents n’ont pas toujours ni le temps ni les moyens de l’endosser. »
OBTENIR LE DROIT DE SE TROMPER
Plus que le fait de mauvais résultats, le décrochage serait le plus souvent lié à une perte de sens, de motivation, un isolement et des conditions de vie difficiles. L’étude estime qu’il faut « détricoter » ces représentations et favoriser les « essais-erreurs », introduire le droit de se tromper. Il est aussi mis en avant le rôle central du parent, « facteur le plus déterminant dans les parcours de rupture ».
Elle met également en lumière la surexposition des jeunes filles à la pression, au harcèlement et à l’isolement. « Un constat important qui ne doit pas effacer certaines souffrances invisibilisées chez les jeunes garçons les plus repliés sur eux-mêmes et qui peinent à exprimer leurs besoins. Ces derniers rompent plus tôt avec l’école, ont plus de difficultés à se lever le matin, à rester assis, et à respecter les codes de l’institution scolaire ».
GUÉRIR C’EST BIEN, PRÉVENIR C’EST MIEUX
De nombreux dispositifs existent afin de permettre de « raccrocher » les décrocheurs. Ils sont efficaces et indispensables. Il en est ainsi, par exemple, du travail des Missions Locales qui font du retour à la formation leur priorité. Mais l’ensemble des intervenants à ce colloque s’entend sur un point : « guérir c’est bien, prévenir c’est mieux ». Credo qui aussi celui d’Énergie Jeunes.
Les prises de paroles sont ainsi égrenées de la sorte : « la prévention est ce qu’il y a de plus efficace et de moins couteux » ; « il faut agir et agir vite contre le décrochage » ; « il est nécessaire de repérer très rapidement les risques de décrochage », « plus tôt on commence mieux c’est », « on sait identifier très tôt les risques de décrochage ».
C’est bien dans le cadre de cette prévention que s’inscrivent les actions et les programmes d’Énergie Jeunes depuis bientôt 15 ans. 126 550 élèves bénéficiaires en 2022-2023, 744 établissements scolaires partenaires, 630 volontaires. Trois chiffres qui permettent d’apprécier l’investissement de l’association et le travail mené.
Énergie Jeunes lutte contre le « fatalisme social », cherche à provoquer, par des interventions courtes dans lesquelles la participation des élèves est prépondérante, « un déclic » et à leur faire passer ce message : « on va tous aimer apprendre ! ».
Énergie Jeunes se fond ainsi parfaitement dans la conclusion de la conférence et de l’étude réalisée : « ces jeunes sont bien plus souvent des « décrochés » que des « décrocheurs », mais sont toujours des « raccrocheurs » plutôt que des « raccrochés ».
- AlphaOmega, un combat contre le décrochage scolaire
La Fondation AlphaOmega a été fondée en 2010 sur une conviction : « la richesse d’un pays réside dans son capital humain ». Depuis lors, en accompagnant et soutenant différentes associations, dont Energie Jeunes, la Fondation s’attelle à réaliser son ambition : « devenir la première fondation d’éducation de France ». Pour ce faire, en 2022, elle a engagé 3,8 millions d’euros permettant à 375 000 jeunes d’accéder à différents programmes d’aide. Elle travaille sur 4 axes : poursuivre la réalisation d’études pour une meilleure connaissance du décrochage scolaire ; assurer un plaidoyer auprès des pouvoirs publics sur l’alliance éducative entre l’école, les parents et les grandes associations ; diffuser des contenus promouvant l’alliance éducative ; faire rayonner le modèle de la « Venture Philantropy ».
- Les Missions locales, en première ligne pour l’insertion des jeunes
« Rien ne se fera sans les jeunes. Toute politique ne peut être entreprise est menée à bien qu’avec ceux à qui elle s’adresse. C’est à eux de donner à l’ensemble des forces sociales concernées des raisons de s’acharner à construire de nouvelles voies », écrit Robert Schwartz dans un rapport remis en 1981. C’est ce rapport qui a, notamment, permis la création des Missions locales. Aujourd’hui, 440 missions locales et 6 800 lieux d’accueil sont répartis sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Leur mission : accompagner dans leur parcours tous les jeunes sortis du système de formation initiale, âgés de 16 à 25 ans et qui en expriment le besoin, dans leur parcours d’accès à la formation, à l’emploi et l’autonomie sociale.
- La Promo 16-18
Cette formation est conçue pour les jeunes de 16 à 18 ans qui ont quitté prématurément le système scolaire et qui n’ont trouvé ni formation ni travail. Prévue pour une durée de 4 mois, elle a pour but : « la construction d’un projet réaliste et accessible ». Encadrés par des formateurs, animateurs et conseillers, les jeunes peuvent y faire le point sur leurs talents et compétences, leurs envies, découvrir des métiers, notamment les émergents, mettre en place un socle de compétences numériques, être informés sur leurs droits et s’épanouir en s’investissant dans des challenges collectifs sportifs, culturels ou d’entraide. Elle peut se résumer ainsi : « vous êtes unique et votre chemin est forcément singulier. Le monde de demain, c’est vous qui allez le construire ».