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Par Entreprendre&+ - Publié le 13 octobre 2025 - 16:36 - Mise à jour le 13 octobre 2025 - 17:56
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Le défi de la maturité pour les entrepreneurs sociaux

Quand les projets à impact prennent de l’ampleur, leurs dirigeants doivent réinventer leur manière de faire, de décider, d’incarner. La maturité devient alors un défi à la fois stratégique, humain et collectif. Retour sur les enseignements et témoignages partagés lors des Rencontres&+ 2025, autour de ce passage clé d'une organisation qui grandit.

Table ronde des Rencontres&+
Table ronde des Rencontres&+

 

 

Quand une organisation grandit, elle ne fait pas que croître : elle évolue. Elle entre dans une nouvelle phase, pleine de défis, celle de la maturité. Il s’agit souvent d’un cap charnière à passer entre structuration, consolidation, transmission… et transformation du rôle de celles et ceux qui portent le projet.

Comment structurer sans perdre en agilité ? Comment rester fidèle à son élan entrepreneurial tout en professionnalisant son fonctionnement ? Et comment, parfois, trouver la bonne manière de déléguer ou de passer la main ? Il n’y a pas de recette unique, mais des chemins singuliers à inventer.

Le défi de la maturité, c’était le thème des Rencontres&+ 2025, la soirée annuelle d’Entreprendre&+, qui s’est tenue le 30 septembre. Cette année encore, nous avons eu la chance d’entendre les témoignages sincères et inspirants de plusieurs des entrepreneurs sociaux accompagnés par Entreprendre&+ : Youssef Oudahman (Meet My Mama), Justine Fesneau (Pas à Pas, l’Enfant), Frédéric Leroy (Je bouge pour mon moral), Julian Guérin et Félix de Monts (Komeet, ex-Vendredi).

Alors, qu’est-ce que la maturité pour un entrepreneur social ? Retour sur les principaux enseignements de la soirée !

 

 

Déléguer, lâcher prise

 

Au démarrage des projets associatifs, il y a souvent un.e fondateur.ice et une aventure entrepreneuriale en solo. La maturité nécessite de lâcher prise et de déléguer certaines tâches et certaines responsabilités pour gagner en efficacité. Ce lâcher-prise s’opère à plusieurs niveaux : tout d’abord, en créant une gouvernance active et solide et en acceptant que les décisions stratégiques soient prises de façon collective, au sein du Conseil d’Administration. Cette gouvernance doit trouver sa juste place et trouver la bonne articulation avec le rôle du dirigeant. Il s’agit ensuite de déléguer à une équipe qui s’étoffe peu à peu, et passer du « faire » au « faire faire », ce qui peut ne pas être évident lorsqu’on a porté le projet seul pendant longtemps. Enfin, certains font également le choix fort de chercher un binôme pour diriger l’association. Vision partagée, complémentarité et confiance sont les ingrédients essentiels pour réussir cette transition, ce qui implique également de savoir choisir les bonnes personnes. Ces changements modifient le rôle et la posture du fondateur, au gré des évolutions de l’organisation.

« Au départ, c’était une histoire écrite à la première personne du singulier. La maturité, pour moi, c’est d’être passée du « je » au « nous ». »

Justine Fesneau, Pas à Pas l’Enfant

 

« Ce triple lâcher-prise a été difficile. Mais j’avais en ligne de mire l’ambition du projet : en 2022, nous accompagnions 100 personnes. Notre objectif est d’en toucher 100 000 d’ici 2030 et d’avoir un impact systémique. Pour aller aussi loin, je devais accepter de prendre du recul. »

Frédéric Leroy, Je Bouge Pour Mon Moral

 

« Notre binôme a fonctionné car nous avions des valeurs communes très fortes, une complémentarité marquée, ainsi qu’une admiration et une confiance mutuelles. Ce binôme nous a permis d’allier idées et exécution rapide et nous a apporté de la stabilité dans les moments difficiles. »

Félix de Monts et Julian Guérin, Komeet (ex – Vendredi)

 

 

Structurer

 

Diriger une organisation qui grandit nécessite de structurer les activités, et de passer du rôle de « chasseur », qui crée et exploite les opportunités, à celui de « fermier », qui construit une organisation durable. Cela passe généralement par l’apprentissage du management et du pilotage stratégique et par la mise en place d’un certain nombre de process et d’outils. Ce nouveau rôle peut être source de frustration et il est parfois difficile d’accepter le risque de désalignement temporaire pour retrouver l’énergie entrepreneuriale. La clé ?  Se focaliser sur l’essentiel et anticiper pour survivre aux crises, gérer les différents moments de bascule de l’organisation et en assurer la pérennité.

 

« Il y a eu des désillusions : vouloir « changer le monde » et découvrir que le quotidien est fait de problèmes très concrets (livraisons, trésorerie, structuration des équipes). Mais c’est aussi dans ce quotidien que se loge l’impact réel. »

Youssef Oudahman, Meet My Mama

« En tant que mentors, nous avons surtout insisté sur le focus : il est important de prioriser et de ne pas se disperser. Rester concentré sur sa cible principale est un signe de maturité. »

Olivier de Fontenay, Entreprendre&+

Au départ, j’avais une vision très binaire : les entrepreneurs créateurs d’un côté et les gestionnaires de l’autre. Je me pensais incapable d’être gestionnaire. Grâce au mentorat, j’ai dépassé ce blocage et je me sens davantage « chef d’orchestre », capable d’anticiper et de structurer. »

Justine Fesneau, Pas à Pas l’Enfant

 

Se connaître soi-même

 

Ces changements de rôles et de posture au gré des besoins de l’association sont également une forme d’apprentissage sur soi-même. Ce n’est pas seulement l’organisation qui évolue, c’est également une trajectoire personnelle du dirigeant associatif, qui permet de mieux se connaître, de reconnaître ses forces et d’apprivoiser ses faiblesses. Le défi de la maturité est aussi celui de poser ses limites : jusqu’où peut-on se sacrifier pour son projet ou ses équipes ? C’est l’occasion de mettre en place des soupapes : identifier les moments ou activités qui permettent de se ressourcer et s’entourer.

« J’ai grandi en même temps que l’organisation, parfois dans la douleur. J’ai douté de ma place et de mes capacités. Peu à peu, j’ai compris que je n’étais pas bon partout. La maturité, c’est ça aussi : reconnaître ses forces et ses limites. »

Youssef Oudahman, Meet My Mama

 

Changer de paradigme

 

Pour un entrepreneur social, la maturité passe également souvent par la déconstruction de certains idéaux de croissance, pour passer d’une logique de croissance quantitative uniquement à une logique de croissance qualitative. Ne plus penser uniquement en termes d’impact direct, mais aussi d’impact indirect, voire d’impact systémique. Ce changement de paradigme est parfois difficile à expliquer aux équipes, et surtout aux financeurs. Cela sous-entend de revoir les discours autour de la performance et de la croissance. Le secteur de l’ESS connaît beaucoup de crises et beaucoup de facteurs échappent aux entrepreneurs sociaux. Consolider l’existant dans un avenir incertain est déjà une grande réussite.

« Beaucoup de financeurs veulent soutenir l’innovation. La maturité, c’est parfois d’affirmer : on continue ce qui fonctinne déjà, et on l’amplifie. J’ai appris à défendre cette position. »

Frédéric Leroy, Je Bouge Pour Mon Moral

 

 

Savoir quand passer la main

 

Enfin, les fondateurs et dirigeants de projets associatifs sont tellement engagés et investis qu’il leur est souvent difficile de s’autoriser des pauses quand la fatigue s’installe. Ralentir semble toujours impossible à court terme, mais il est important de pouvoir prendre du recul pour ne pas s’épuiser. Et quand la lassitude remplace la fatigue, il est encore plus difficile d’admettre que l’on souhaite faire autre chose. Les projets associatifs sont généralement très incarnés par leurs fondateurs ou leurs dirigeants. Or, la maturité réside également dans le fait d’avoir réussi à construire une organisation qui perdure au-delà des individus. Là aussi, l’entourage joue un rôle crucial pour accompagner la transition et en atténuer le coût émotionnel, tant pour celle ou celui qui part, que pour ceux qui restent.

« Cela faisait longtemps que je souhaitais faire une pause mais ça n’était jamais le bon moment. Nous avons finalement réussi à organiser ma mise en retrait progressive des fonctions opérationnelles et à préparer ma sortie. Aujourd’hui, je tire une grande fierté d’avoir pu transmettre un projet robuste, qui continue à bien fonctionner sans moi. »

Félix de Monts, ex-Vendredi (désormais Komeet)

 

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