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Par Carenews INFO - Publié le 28 novembre 2025 - 18:38 - Mise à jour le 28 novembre 2025 - 19:11 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Comment choisir son poisson pour consommer durablement ?

L’industrie des produits de la mer est un secteur marqué par de nombreuses dérives, avec des conséquences importantes d’un point de vue environnemental et humain. Dans ce contexte, repenser ses habitudes de consommation est une nécessité, mais peut parfois s’avérer complexe. Carenews a démêlé pour vous les points principaux à prendre en compte.

L'engouement pour un nombre réduit d’espèces est corrélé à une surpêche massive et à une production industrielle. Crédit : iStock / zefirchik06
L'engouement pour un nombre réduit d’espèces est corrélé à une surpêche massive et à une production industrielle. Crédit : iStock / zefirchik06

 

Les Français consomment en moyenne 30,8 kilos de poissons et produits de la mer par an et par habitant, selon les données 2024 de FranceAgriMer. Sur cette quantité totale, plus de 70 % est importée, indique également l’établissement public.  

Seulement 58 % du volume des poissons débarqués dans l’Hexagone en 2023 provenait de populations exploitées durablement, rapporte également l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). 19 % des volumes concernent des espèces surpêchées et 2 % des populations d’espèces considérées comme « effondrées ». 

« Il est urgent de changer nos habitudes de consommation. Il faut consommer moins mais surtout mieux », appelle Philippe Valette, océanographe et membre du conseil d’administration de la Fondation de la mer, lors d’un webinaire organisé par la structure, qui milite pour la protection de l’océan. L’année dernière, elle a révélé dans une étude qu’un poisson pêchés dans le monde sur cinq l’est illégalement. Une situation néfaste d’un point de vue environnemental, et même liée dans certains États à des formes d’esclavage en mer. 

 Au-delà des nécessaires mesures politiques, en tant que consommateur, quels réflexes adopter pour protéger à la fois les ressources marines et les droits humains ? Carenews vous aide à y voir plus clair.  

  

Étape n°1 : Sortir du quatuor saumon-crevette- thon-cabillaud 

  

La première étape pour rendre la consommation de poissons plus durable est de s’attaquer à la surconsommation de certaines espèces. En France, selon les données 2024 de FranceAgriMer, les espèces principalement achetées en frais sont la moule, le saumon, l’huître et le cabillaud. En traiteurs réfrigérés, se retrouvent le surimi, les crevettes/gambas puis le saumon fumé, tandis qu’en boite de conserve le thon distance largement le maquereau et la sardine.  

Dans le monde, la moitié des poissons consommés sont issus de l’aquaculture et un tiers de cette production est dédiée au saumon. Or, cet engouement pour un nombre réduit d’espèces est corrélé à une surpêche massive et à une production industrielle. Le thon albacore, par exemple est surexploité dans l’océan Indien, selon les données de l’Union internationale pour la conservation de la nature (Uicn). Le saumon Atlantique est quant à lui est associé à des pratiques aquacoles souvent intensives, soulevant de nombreux problèmes éthiques, sanitaires et écologiques. De plus, les saumons d’élevage sont nourris à partir de farine de petits poissons sauvages, provoquant une surpêche des espèces pélagiques au large de l’Afrique de l’Ouest et de l’Amérique du Sud et pesant directement sur l’alimentation des populations locales.  

 


À lire également : Mer de liens, une structure pour accompagner de nouveaux marins-pêcheurs vers des pratiques durables 


 

Les élevages de crustacés soulèvent aussi de nombreux problèmes écologiques et sociaux, notamment en Inde et dans les pays d’Asie du Sud-Est, tandis que le cabillaud, en grave déclin dans les eaux françaises depuis les années 80, est classé comme espèce vulnérable par l’Uicn. 

Pour réduire la pression, une des solutions est bien sûr la diminution globale de la consommation, afin d’assurer le renouvellement des stocks et de diminuer les impacts négatifs liés à la surproduction. Une option complémentaire consiste à diversifier les espèces de poissons consommées, notamment en renouant avec certaines espèces oubliées, y compris des poissons de rivière.  

Cette idée était notamment portée par l’association des ligneurs de la Pointe de Bretagne en 2020, dans une campagne intitulée « Non au délit de sale gueule ! », visant à mettre en valeur des espèces comme la vieille sauvage, le congre, le chinchard ou encore le tacaud. 

  

Étape n°2 : Suivre la saisonnalité des poissons  

  

« En France, la consommation de poissons est très peu diversifiée », relève Philippe Valette. « Il faudrait suivre le cycle de reproduction des espèces, pour réduire la pression sur la population marine et réduire l’empreinte carbone liée à une consommation intensive et décalée », souligne-t-il.  

En effet, à l’instar des fruits et légumes les poissons ainsi que les crustacés et les autres fruits de mer ont eux-aussi leur saison. Par exemple, les moules doivent être consommées en dehors de leur période de reproduction, ayant lieu en fonction des espèces de mars à juin, tandis que les coquilles Saint-Jacques se consomment en automne et en hiver. Le maquereau et la sardine se retrouvent en abondance au printemps et en été, saison à laquelle on retrouve également les anchois ou encore le bar. Le merlan, la dorade, la sole ou le chinchard sont quant à eux plutôt des poissons d’automne. 

Cette saisonnalité varie cependant en fonction des années, des zones de capture et des différentes espèces. Pour mieux se repérer, des outils existent, comme des calendriers dédiés à la saison des poissons, ou encore le site et l’application Mr Goodfish, développé par trois aquariums européens, et proposant des recommandations en fonction de la façade maritime où le poisson a été pêché et de son origine (élevage ou sauvage). 

  

Étape n°3 : Faire attention aux zones de pêche 

  

Qui dit poisson, dit souvent pêche. Et sur ce point, toutes les pratiques n’ont pas le même impact sur l’environnement. Pour éviter de favoriser des méthodes de pêche destructrices, la première chose à faire est de regarder la zone dans laquelle les animaux marins ont été prélevés.  

L’Organisation des Nations-Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a ainsi découpé l’océan en 27 zones de pêche, définies par une numérotation spécifique. Ce découpage permet de classer les produits pêchés en fonction de leur secteur de provenance, et ainsi de produire des statistiques et de mieux contrôler les stocks. Chaque zone, qui apparaît de manière obligatoire sur l’étiquetage des produits de la mer depuis 2014, est régie selon les règles édictées par les pays de juridiction. Ces derniers décident des mesures d’exploitation, des engins de pêche autorisés et des quotas de capture.  

En fonction des zones, les pratiques de pêche sont donc plus ou moins protectrice des écosystèmes. « Il faut éviter la zone 51qui est celle de l’Océan Indien ouest et qui est une zone où on constate de nombreuses dérives »pointe par exemple Philippe Valette. Les eaux de l’Hexagone se trouvent dans la zone 27 dite « Atlantique Nord Est », et dans la zone 37 dite « Méditerranée et mer Noire ».  Les pratiques n'y sont cependant pas systématiquement vertueuses. 

  

Étape n°4 : Être vigilant sur les méthodes et engins de pêche  

  

La politique commune de la pêche (PCP) européenne impose également d’indiquer l’engin avec lequel le poisson a été capturé sur l’étiquette des produits. Un point crucial dans les critères de durabilité de la pêche.  

En effet, certains engins de pêche dites « traînants » ont des impacts dévastateurs sur l’environnement. C’est le cas du chalut de fond, un filet de forme conique, qui endommage les habitats et les organismes des fonds marins, et manque de sélectivité, en capturant plusieurs espèces de dimensions et de morphologies différentes. Le chalut pélagique, quant à lui, n’est pas en contact avec le fond marin, mais ses dimensions encore plus grandes peuvent entraîner la capture accidentelle de cétacés et accroissent le risque de surexploitation. La drague, utilisée pour la pêche des coquillages comme les Saint-Jacques, détériore également les fonds et les habitats marins, estime l’Ifremer. « Ce sont souvent des fonds rocheux donc l’impact est moindre », tempère la Fondation de la mer. 

Du côté des méthodes sélectives et non destructrices, se trouvent la pêche à la ligne ainsi que les nasses ou casiers, à condition que ces derniers ne soient pas abandonnés en mer. Les filets calés n’endommagent pas les fonds marins mais peuvent accidentellement capturer des requins, indique encore la Fondation de la mer.  

La taille des engins de pêche compte également. En dessous de 12 mètres, la pêche est généralement considérée comme artisanale, avec un impact bien moindre sur les ressources. Certaines méthodes de pêche artisanale aujourd’hui interdites en Europe peuvent néanmoins être destructrices, comme la pêche à la dynamite ou au cyanure.  

  

Étape n°4 : se méfier des labels 

  

Malgré les indications précieuses qu’il apporte, l’affichage de la zone de capture, des méthodes et de l’engin de pêche n’est pas obligatoire pour un certain nombre de produits de la mer transformés, comme les poissons en conserve ou panés. Pour cette raison, certains labels se sont développés afin d’aiguiller les consommateurs, dont le label Marine Stewardship Council (MSC), censé garantir « une pêche durable et bien gérée ». 

Développé par l’organisation à but non lucratif du même nom, ce label très répandu fait cependant l’objet de nombreuses remises en question et est considéré comme trop laxiste par de nombreuses ONG environnementales. Le WWF ne le recommande par exemple qu’ « avec réserve ». « Il ne répond que partiellement à nos exigences en matière de production respectueuse de l’environnement et socialement équitable », détaille l’organisation. « Le problème est que le terme de "pêche durable" n’a pas de définition claire », souligne à son tour Philippe Valette. Des manquements sur le respect des bonnes conditions de travail en mer concernant des produits certifiés MSC ont également été rapportés ces dernières années par plusieurs chercheurs et journalistes. 

Pour répondre à ce problème, certaines entreprises fixent donc leurs propres critères de durabilité de manière plus exigeante. C’est le cas par exemple de Poiscaille, une entreprise qui livre des « casiers » de la mer, sur le modèle des Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap). La charte « Ocean Friendly Restaurant », développée par Surfrider Foundation vise quant à elle à accompagner les restaurateurs dans une démarche plus respectueuse de l’environnement, en excluant notamment les espèces menacées d’extinction et en intégrant des critères de pêche durable. Une carte développée par l’ONG recense les établissements engagés dans cette démarche. 

 


À lire également : Poiscaille, des « paniers de la mer » pour une pêche plus éthique 


  

Étape bonus : choisir des alternatives végétales de la mer  

  

Enfin, pour réduire sa consommation tout en conservant le goût des produits de la mer, une option est d’opter pour des alternatives végétales marines. Depuis quelques années, certaines entreprises développent des alternatives végétales à base de produits marins, dont des algues comme la nori, le dulse ou la laitue de mer.  

Parmi les acteurs mobilisés sur la question : l’association Seastemik. Elle milite pour « la sortie des élevages intensifs de poissons » et pour « une alimentation végétale et océane qui fait danser les papilles ». Ainsi, elle informe sur ce sujet grâce à des publications et mène un plaidoyer auprès des pouvoirs publics et des acteurs du système alimentaire pour faire évoluer les pratiques.  

 

Élisabeth Crépin-Leblond 

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